I) Les cadastres ou compoix.
            
             Il faut distinguer en Languedoc trois sortes de cadastres. Le premier est
              
              
              celui de la Province qui sert à répartir les impositions sur
              
              
              touts les diocèses; viennent ensuite les cadastres de chaque diocèse
              
              
              qui servent à répartir les impositions sur touttes les
              
              
              communautés du diocèse, est enfin les cadastres ou compoix
              
              
              de chaque communauté qui servent à répartir les impositions
              
              
              sur touts les immeubles et droits réels qui dépendent de la
              
              
              communauté. 
             1) Le cadastre général est une fameuse recherche
              
              
              généralle faitte dans le 16e siècle. Cest sur cet ouvrage
              
              
              qu'on a formé un tarif qui est conservé avec beaucoup de soin
              
              
              dans le greffe des états, et qui sert de règle de proportion
              
              
              pour la répartition des impositions généralles de la
              
              
              Province sur les diocèses qui la composent. La recherche
              
              
              généralle na jamais été imprimée et il
              
              
              n'est pas même assuré que l'original ne subsiste entier. On
              
              
              le croit dispersé par parties dans différents dépots
              
              
              de la Province comme les greffes des diocèses et ceux de quelques
              
              
              communautés. Il pourroit y en avoir une copie dans les archives des
              
              
              états. Quoyquil en soit, le tarif général une fois fait,
              
              
              fautif ou non, a été consacré par l'usage; ensorte qu'on
              
              
              n'a plus recours à la recherche généralle qui ne serviroit
              
              
              qu'à justiffier l'exactitude du tarif. Par là, cette recherche
              
              
              n'est point connue mais sans savoir, on ne peut douter que pour la mettre
              
              
              en règle, il fallut faire un arpentement et une estimation du terroirs
              
              
              de toutes les communautés; par ces opérations, on connut la
              
              
              contenance et la valeur de chaque diocèse, et enfin la proportion
              
              
              qu'il falloit établir entre eux pour le payement des impositions
              
              
              généralles de la Province. Il faut convenir qu'un travail d'un
              
              
              détail aussi considérable et d'une aussi grande étendue
              
              
              ne pût que donner une peine infinie. 
             2) Le cadastre de chaque diocèse pourroit n'être qu'un extrait
              
              
              du cadastre ou de la recherche généralle de la Province; ce
              
              
              qu'il y a de certain c'est que les cadastres particuliers des diocèses
              
              
              sont presque aussi peu connus que le cadastre général de la
              
              
              Province et qu'on a pour eux le même respect. On juge de l'authorité
              
              
              qu'ils doivent avoir par le travail infini qu'ils ont occassionné,
              
              
              on jugera beaucoup mieux de ce travail, par le détail où nous
              
              
              allons rentrer par raport aux compoix ou cadastres des communautés. 
             3) Ces compoix ou cadastres renferment la contenance et l'estimation
              
              
              particulière de chaque pièce de terre, maisons et droits
              
              
              réels de la communauté qui en est l'objet. Ces compoix ou cadastres
              
              
              sont renouvellés toutes les fois que les anciens ne peuvent plus servir,
              
              
              attendû les changements trop considérables que la succession
              
              
              des temps a apportées dans la valeur des biens fonds. Il seroit à
              
              
              desirer que ces renouvellements puissent avoir lieu au moins tous les 100
              
              
              ans, mais ils sont souvent portés bien plus loin à cause des
              
              
              grandes difficultés qui s'y opposent et des grandes dépenses
              
              
              qu'ils occassionnent même pour la plus petite communauté. 
             On n'en sera point surpris si l'on considère qu'il faut procéder
              
              
              à l'arpentement et estimation de tous les fonds de la communauté,
              
              
              qu'il n'y a point de contribuable qui n'ait droit d'en contre dire et d'en
              
              
              attaquer les opérations, que très peu en sont ordinairement
              
              
              satisfaits, parce qu'il en est peu ou qui ne s'y trouvent lésés
              
              
              ou qui n'y trouvent quelqu'autre contribuable favorisé, ou qui ne
              
              
              se flattent d'obtenir quelque faveur eux-même dans les nouvelles
              
              
              opérations, s'ils parviennent à faire annuller les premières.
              
              
              Cet inconvénient a fait que les règlements ont prescrit les
              
              
              plus grandes précautions pour que le renouvellement des compoix des
              
              
              communautés ne fut pas entrepris légèrement, et qu'il
              
              
              fut fait, lorsqu'il y aurait lieu, avec toutte l'attention qu'un objet si
              
              
              important peut mériter. 
             1) Il faut que la communauté délibère à ce sujet
              
              
              dans un conseil général c'est à dire renforcé
              
              
              du même nombre des plus forts contribuables qu'il y a d'opinents dans
              
              
              le conseil ordinaire, et qu'elle explique dans sa délibération
              
              
              les motifs du renouvellement du compoix. 
             2) Il faut que les commissaires de l'assiette du diocèse, où
              
              
              les commissaires ordinaires, lorsque les premiers leur ont renvoyé
              
              
              la demande de la communauté, consentent au renouvellement du compoix. 
             3) Il faut raporter au commissaire départi la délibération
              
              
              de la communauté et celle du diocèse, et obtenir de lui la
              
              
              permission de se retirer à la cour des Aydes pour être
              
              
              procédé de l'authorité de cette cour audict renouvellement
              
              
              et emprunter les sommes nécessaires. 
             4) L'arrêt qui intervient à la cour des Aydes prescrit les
              
              
              principales formalités qu'il faut observer, et commet un commissaire
              
              
              qui est ordianirement le juge du lieu, pour présider à toutes
              
              
              les opérations où sa présence peut être
              
              
              nécessaire, en sorte que c'est devant lui que se tiennent ensuite
              
              
              presque toutes les assemblées du conseil de la communauté. 
             5) On règle ensuite la table du compoix, c'est à dire un état
              
              
              dans lequel on détermine article par article de qu'elle manière
              
              
              les possessions seront mesurées, et l'allivrement que chaque espèce
              
              
              de bien fonds supportera, en divisant chaque nature de bien fonds en trois
              
              
              degrés, bon, moyen et foible, et en subdivisant encore chacun de ces
              
              
              trois degrés en trois autres degrés, lorsque cette subdivision
              
              
              est nécessaire. 
             Nota: Cet allivrement n'a aucune valeur absolue, il ne sert qu'à fixer
              
              
              la valeur respective des biens qui en sont l'objet, ensorte que la valeur
              
              
              absolue des fonds est non seulement différente dans les différentes
              
              
              tables et compoix des différentes communautés d'un même
              
              
              diocèse, mais encore que dans une même communauté, il
              
              
              varie chaque année dans le rolle de la taille, suivant la force des
              
              
              impositions qui doivent être réparties et levées sur
              
              
              les biens fonds de cette communauté. 
             6) La communauté procède ensuitte à la nomination des
              
              
              indicateurs des biens fonds, d'un arpenteur pour en marquer la contenance,
              
              
              et de prud hommes experts pour en faire l'estimation. Elle délibère
              
              
              aussi, après en avoir obtenu la permission du commissaire départi,
              
              
              de faire apposer des affiches et faire des publications pour l'adjudication
              
              
              de l'entreprise du nouveau compoix. 
             7) Le jour indiqué, elle adjuge cette entreprise audit moins disant,
              
              
              et s'il survient des contestations entre les concurrents, elles sont
              
              
              vuidées par la cour des Aydes après que la communauté
              
              
              a encore obtenu du commissaire départi la permission de plaider. 
             8) Les contestations jugées, lacommunauté se retire encore
              
              
              devant le commissaire départi pour qu'il luy soit permis de passer
              
              
              le bail et d'emprunter la somme nécessaire pour le payement de
              
              
              l'entrepreneur suivant les conditions de son offre. 
             9) On discute dans une assemblée de la communauté les cautions
              
              
              présentées par l'entrepreneur; si elles sont admises, le bail
              
              
              est passé par les commissaires qu'elle députe à cet
              
              
              effet, supposant que l'adjudicataire et ses cautions ne sont point présent
              
              
              dans l'assemblée; s'il y sont présents, le bail y est passé
              
              
              tout de suitte. 
             10) Le bail passé, et après que les indicateurs, arpenteurs
              
              
              et prudhommes experts ont prété le serment en tel cas requis,
              
              
              les uns et les autres procèdent au fait de leur commission, et les
              
              
              biens fonds roturiers sont ensuite allivrés relativement à
              
              
              l'indication arpentement et estimation qu'on en a fait, et à la table
              
              
              du compoix. 
             C'est cet allivrement qui forme principalement le nouveau compoix, qui n'est
              
              
              autre chose qu'un registre relier en grand papier, dans lequel les fonds
              
              
              de chaque contribuable sont raportés, divisés par article,
              
              
              avec de grandes marges pour pouvoir y faire mention des mutations qui surviennent
              
              
              dans les propriétés et allivrés suivant leur nature
              
              
              et le degré de leur valeur dont il est aussi fait mention. 
             Il faut observer que le compoix doit, suivant les règlements, comprendre
              
              
              un chapitre des biens nobles avec leur contenance, au moyen de quoy on est
              
              
              bien assuré qu'aucun fonds roturier n'a été obmis dans
              
              
              le chapitre les concernant. 
             Il ne seroit peut être pas moins utile d'y former un troisième
              
              
              chapitre des biens abbandonnés, soit pour pouvoir les connoitre à
              
              
              l'effet de les metre en adjudication chaque année, soit pour y trouver
              
              
              des éclaircissements nécessaires contre les contribuables qui
              
              
              en auroient pris possession par surprise, erreru ou autrement. 
             Enfin, la minute de l'entrepreneur est déposée devers le greffe
              
              
              de la communauté pendant un délai compétent, afin que
              
              
              tous les contribuables puissent en prendre vision et faire rectifier les
              
              
              erreurs qui y sont intervenues à leur préjudice. Les contestations
              
              
              qui s'élèvent d'après cet examen se multiplient quelques
              
              
              fois à l'infini, l'entrepreneur est responsable de ses opérations,
              
              
              et c'est la cour des Aydes qui en jugent l'exactitude et la validité;
              
              
              cependant les impositions continues d'être réparties sur l'ancien
              
              
              compoix qui est porté dans les archives de la communauté pour
              
              
              y demeurer déposé et enfermer lorsque le nouveau est au cas
              
              
              d'être exécuté sans aucune contestation, et qu'il a
              
              
              été authorisé par la cour des Aydes. 
             II) Les collecteurs d'impôts dans les
              
              
              communautés. 
             Nous pensons que la manière dont il a été pourvû
              
              
              au recouvrement des impositions en Languedoc est très bonne, à
              
              
              la considérer soit par raport à la fixation et destination
              
              
              des sommes à imposer, à la nomination des collecteurs, aux
              
              
              caisses dans lesquelles les deniers sont portés, aux droits
              
              
              attribués aux collecteurs et receveurs, à leurs obligations
              
              
              et à leurs privilèges, soit par raport aux voyes qui sont
              
              
              employés pour contraindre les contribuables au payement. 
             Il faut observer, en premier lieu que pour s'assurer de la fidélité
              
              
              des consuls à n'imposer que les sommes nécessaires, ils ne
              
              
              peuvent comprendre dans le préambule des impositions, qui est transcrit
              
              
              au commencement du rolle de la taille que les sommes qu'ils ont été
              
              
              authorisés d'imposer par MM. les commissaires du Roy aux états,
              
              
              et ces sommes sont de deux espèces: les unes sont fixes et regardent
              
              
              les dépenses ordinaire des communautés, parmi lesquelles ont
              
              
              comprend un article très modique pour les dépenses imprévues;
              
              
              les autres varient suivant les circonstances, et les consuls sont obligés
              
              
              après que les impositions sont recouvrées, de raporter le
              
              
              préambule du rolle à Messieurs les commissaires du Roy, qui
              
              
              examinent s'ils ont été exacts à se conformer aux
              
              
              règlements. 
             Nous avons dit qu'on comprend dans le préambule un article très
              
              
              modique pour les dépenses imprévues, en sorte que le montant
              
              
              de cet article ne peut faire face qu'aux dépenses imprévues
              
              
              qui sont très modiques. S'il en survient de considérables,
              
              
              il y est pourvu par le commissaire départi, par la voye de l'emprunt,
              
              
              à laquelle il permet aux consuls d'avoir recours, sauf lorsqu'il a
              
              
              été satisfait à l'objet de la dépense à
              
              
              emporter le montant en veriffication devant MM. les commissaires, et a
              
              
              été pourvu de leur authorité au remboursement du
              
              
              créancier par la voye de l'imposition. 
             Il faut observer en deuxième lieu qu'il y a dans chaque communauté,
              
              
              comme nous l'avons déjà dit, un compix ou cadastre ou recherche
              
              
              de touts les biens fonds et de tous les droits réels de la
              
              
              communauté, que les biens fonds et droits réels y sont compris
              
              
              sous un allivrement conforme à leur valeur respective, et que tous
              
              
              les ans cet allivrement sert de tarif pour cottiser les dits fonds et droit
              
              
              dans un rolle sous le nom de leur possesseur: c'est le rolle de la taille. 
             Il faut observer encore que comme le général de la province
              
              
              est responsable des impositions de touts les diocèses, chaque
              
              
              diocèse est responsable de celles de touttes les communautés
              
              
              qui les composent, et chaque communauté est responsable de touttes
              
              
              celles de touts les contribuables. Le Roy ne connoit que la province, dont
              
              
              le receveur général ne connoit que les receveurs diocèsains.
              
              
              Les offices de ceux ci, qui sont d'un grand prix, sont les premières
              
              
              cautions du montant des impositions du diocèse. Le receveur ne connoit
              
              
              que le collecteur de chaque communauté qui demeure responsable en
              
              
              la personne de ses consuls et de ses délibérants, de la
              
              
              solvabilité de son collecteur, ensorte qu'au deffaut de collecteur,
              
              
              des cautions qu'on exige de luy, des consuls et des délibérants
              
              
              qui ont admis les cautions, chaque contribuable peut être contraint
              
              
              pour la totalité des impositions de la communauté. La
              
              
              solvabilité de ces arrangements en faveur du Roy fait la tranquilité
              
              
              des redevables. 
             Enfin, ce ne sont ni le receveur général dont les Etats
              
              
              généraux de la province ont droit de faire choix, ni les receveurs
              
              
              des diocèses qui sont des officiers en titre d'office, qui demandent
              
              
              le plus d'attention. Soumis l'un à l'inspection des états de
              
              
              la province et du président de cette assemblée, les autres
              
              
              à celles des commissaires du diocèse et des bureaux de finances,
              
              
              il est d'autant moins à craindre qu'ils dissipent les deniers de leur
              
              
              recouvrement, que bientôt on s'en appercevroit parce que leur recouvrement
              
              
              se fait, pour ainsi dire, publiquement, que le premier rend chaque année
              
              
              aux états compte de son recouvrement et de l'état de sa caisse,
              
              
              et les autres rendent ce compte à la chambre des comptes de Montpellier.
              
              
              Mais l'état des collecteurs des communautés est si médiocre,
              
              
              et il demande tant de peine et de détail, qu'on ne pût prendre
              
              
              trop de précautions, soit pour n'en point manquer, soit pour en avoir
              
              
              au meilleur marché que faire se peut, soit, enfin, pour s'assurer
              
              
              de leur fidélité. 
             1) Pour n'en point manquer, les consuls de chaque communauté sont
              
              
              obligés par les règlements, à peine d'être tenus
              
              
              eux même de faire la levée des impositions comme collecteurs
              
              
              volontaires et sans aucune rétribution, ils sont obligés chaque
              
              
              année de faire publier en bonne forme, les 3 derniers dimanches du
              
              
              mois de février, l'adjudication du bail des impositions, et de
              
              
              procéder le premier dimanche du mois de mars à la nomination
              
              
              d'un ou de plusieurs collecteurs forcés; la délibération
              
              
              qui les nomme leur doit être signifiée dans la huitaine, et
              
              
              s'ils se prétendent exempts de la collecte, ils doivent faire statuer
              
              
              sur leur prétention dans tout le moy de may, et cependant remplir
              
              
              leurs fonctions; leurs droits de leveure sont réglés à
              
              
              11 deniers pour livre. 
             2) L'adjudication du bail des impositions doit être faite le 15 du
              
              
              mois d'avril, passé lequel il est deffendu aux maire et consuls de
              
              
              recevoir des offres; les offres rendent la fonction des collecteurs forcés
              
              
              inutiles. Les collecteurs volontaires ne peuvent pas avoir un froit de leveure
              
              
              plus fort que de 14 deniers pour livre. L'objet des moins dittes est de se
              
              
              charger de la levée des impositions à un moindre prix. Ils
              
              
              sont engagés à faire des offres soit par le proffit qu'ils
              
              
              peuvent trouver dans la levée des impositions au moyen des droits
              
              
              de leveure, soit à cause des privilèges qui sont attachés
              
              
              à leur fonction, car ils sont exempts de toutte charge personnelle,
              
              
              même du sort de la milice, ce qui faisoit qu'on tiroit au sort dans
              
              
              les communautés, qu'il y en avoit beaucoup où la levée
              
              
              des impositions étoit faite sans aucun droit de leveures, et où
              
              
              même le collecteur se chargeoit de faire l'avance du premier terme,
              
              
              sans intérêt. Leur plus grande obligation est de faire livre
              
              
              net, c'est à dire qu'ils se chargent de la levée des impositions
              
              
              à leurs périls et risques, qu'ils en font l'avance lorsque
              
              
              les contribuables ne payent point, sauf à eux à les poursuivre
              
              
              par exécution sur leurs biens comme ils arriveront. 
             On voit par là que quoy qu'il arrive, le montant des impositions est
              
              
              toujours porté dans la caisse du receveur du diocèse, parce
              
              
              que le recouvrement en est fait ou par des collecteurs forcés ou par
              
              
              des collecteurs volontaires. Il est vray que les règlements sont moins
              
              
              rigoureux contre les premiers, mais aussi il est rare qu'on soit dans la
              
              
              nécessité d'employer leur ministère dans les
              
              
              communautés. 
             3) Enfin, pour s'assurer de la fidélité des collecteurs à
              
              
              ne point changer la destination des sommes imposées, leurs comptes
              
              
              doivent être examinés et arrettés par des commissaires
              
              
              auditeurs nommés par les communautés. Les abus même qui
              
              
              s'etoient introduits dans l'administration des communatés ont fait
              
              
              prendre le parti, depuis quelques années, de les faire arretter par
              
              
              un commissaire qui est nommé par ceux du diocèse, et qui a
              
              
              la plus grande attention à n'allouer aucune dépense qui ne
              
              
              soit bien en règle. 
             En troisième lieu, les impositions sont recouvrées sur les
              
              
              contribuables par la voye de la garnison, qui accélère beaucoup
              
              
              le recouvrement, et qui est employée sous les ordres du commissaire
              
              
              départi, afin que les collecteur n'en abusent point. Ce n'est que
              
              
              lorsque cette voye est absolument insuffisante que les collecteurs poursuivent
              
              
              les redevables par exécution sur leurs meubles et, subsidiairement,
              
              
              sur leurs immeubles. 
             III) Principes relatifs aux privilégiés. 
             Pour donner de ces principes une idée convenable, il est nécessaire
              
              
              de remarquer: 
             1) qu'en Languedoc, il n'y a aucune espèce de privilège pour
              
              
              les personnes en matière d'imposition, que les nobles et les gens
              
              
              d'église y sont sujets aux mêmes obligations que les roturiers; 
             2) que touts les immeubles y sont censés roturiers suivant les principes
              
              
              du droit romain qui gouvernent cette province, et suivant les ordonnances
              
              
              de nos Roys entièrement conformes à ces principes; 
             3) que quelque généralle et quelque rigoureuse que soit cette
              
              
              règle, comme elle souffroit une exception chés les Romains
              
              
              en faveur des terres données aux soldats destinés à
              
              
              la garde des frontières de l'Empire, de même il y a une exception
              
              
              fondée sur une pareille faveur pour les terres dont la
              
              
              féodalité, et par conséquent la nobilité, est
              
              
              prouvé par des titres, ou qui sont présumées féodalles
              
              
              et nobles par la nature de leur dépendance, en sorte qu'il n'y a que
              
              
              deux différentes qualités de biens immeubles, scavoir les biens
              
              
              ruraux et contribuables, ce qui forme la classe généralle,
              
              
              et les biens nobles et féodaux, ce qui forme l'exception. Nous disons
              
              
              que les biens ruraux forment la classe généralle des biens,
              
              
              et dès lors tout est favorable à la roture; dans le dout on
              
              
              le détermine pour elle; les biens féodaux et nobles forment
              
              
              l'exception, en sorte qu'ils ne sont tels que par privilège et les
              
              
              privilèges doivent être restraints dans les bornes les plus
              
              
              étroites qu'il est possible. 
             4) la présomption de nobilité des biens est fondée sur
              
              
              la présomption de leur féodalité, c'est à dire
              
              
              sur celle que ces biens, qui ne pouvoient anciennement qu'être
              
              
              possédés noblement par les Roys, Princes, anciens Ducs et Comtes,
              
              
              ont été par eux inféodés noblement aussi à
              
              
              ceux qui les possèdent ou à leurs autheurs. De là, les
              
              
              biens possédés par les seigneurs justiciers sont
              
              
              présumés nobles parce que touttes les justices sont censées
              
              
              émanées du Roy. Il en est de même et par la même
              
              
              raison, des biens possédés par les églises principalles
              
              
              comme cathédralles, abbatiales, les commanderies et autres fondations
              
              
              royalles, même les parroissialles, parce que ces biens sont censés
              
              
              faire partie de leur donation, et qu'elle sont censées avoir
              
              
              été dottées par le Roy. On observe touttes fois qu'il
              
              
              faut, à l'égard des seigneurs justiciers et des églises
              
              
              parroissialles, que les biens soient situés dans l'étendue
              
              
              de la justice ou de la parroisse; 
             5) il suit de là que la noblesse et le clergé ne jouissent
              
              
              d'aucune espèce de privilège à cet égard comme
              
              
              nous l'avons déjà dit, que l'église, dont on ne cesse
              
              
              point de réclamer les immunités, ne communique point aux biens
              
              
              qu'elle possède la faveur dont ses ministres jouissent pour les
              
              
              contributions purement personnelles, et que les dispositions des loix canoniques
              
              
              émanées des conciles et des papes concernant l'immunité
              
              
              des biens ecclésiastiques sont regardées comme des entreprises
              
              
              sur l'authorité du Roy. Ce n'est pas cependant que les biens fonds
              
              
              ou sont construites les églises, les séminaires, maisons
              
              
              presbitéralles, maisons religieuses avec leurs jardins, pourvû
              
              
              qu'il soit contigû aux dites maisons, n'ait paru mériter quelque
              
              
              distinction, la qualité de ces biens fonds demeure toujours la même,
              
              
              mais ils sont exempts de la taille tant et si longuement que leur sol sert
              
              
              à l'image qui en produit l'exemption; 
             6) la nobilité des biens fonds qui ne jouissent d'aucune présomption
              
              
              de nobilité ne peut être prouvé que de deux manières:
              
              
              la première par un hommage au moins qu'il soit ancien de plus de 100
              
              
              ans et suivi d'un dénombrement reçû dans les formes ou
              
              
              d'autres biens suffisants. La deuxième par des titres qui prouvent
              
              
              que les fonds ont été inféodés noblement aux
              
              
              possesseurs par le Roy, par les seigneurs justiciers ou par quelque église
              
              
              principale. Il faut de plus qu'ils n'ayent pas été avilis depuis
              
              
              cette inféodation; 
             7) les biens nobles peuvent être avilis soit par un assujetissement
              
              
              à une redevance rurale ou a quelque droit de cens, champart ou agrier,
              
              
              soit par le payement de la taille epndant trente années consécutive
              
              
              ou interrompues. On entend par redevance ruralle touttes celles qui portent
              
              
              quelqu'espèce d'utilité sous quelque dénomination qu'elle
              
              
              soit énoncée et quelque noble que paroisse d'ailheurs l'acte
              
              
              ou elle est stipulée. Les biens roturiers au contraire ne peuvent
              
              
              être annoblis par aucune transaction. Tout abonnement et composition
              
              
              de tailles sont nulles de plein droit. Les biens roturiers ne peuvent devenir
              
              
              nobles que par leur réunion au fief et par la voye du
              
              
              déguerpissement, et cette voye a été soumise à
              
              
              tant de formalités qu'elle est pratiquée rarement avec
              
              
              succès, et qu'il est presque impossible qu'il intervienne de la fraude.
              
              
              Leur nature ne change point par l'abbandon qu'en font les propriétaires,
              
              
              ils demeurent toujours allivrés, ils sont toujours cottisés,
              
              
              et il a été prescrit à ce sujet des règles très
              
              
              sages pour empécher que les communautés ne demeurent chargées
              
              
              de la taille de ces biens, et pour leur faciliter les moyens de les adjuger
              
              
              aux conditions les plus avantageuses; 
             8) Si les règlements ont eu la plus grande attention pour mettre la
              
              
              roture des biens fonds à l'abri de toutes les entreprises de la part
              
              
              des possesseurs ou des corps qui ont le plus de crédit et
              
              
              d'authorité dans les communautés, ils n'en ont pas moins eu
              
              
              pour la conservation des privilèges des personnes ou des corps
              
              
              fondés en présomption de nobilité, et pour empécher
              
              
              que les communautés ne sengagent mal à propos dans des mauvaises
              
              
              contestations à ce sujet. En effet, lorsque les communautés
              
              
              découvrent des actes de roture d'un bien fonds dont la nobilité
              
              
              est établie par titres ou des cates suffisants pour faire cesser la
              
              
              présomption de nobilité en vertu de laquelle ce fonds est joui
              
              
              noblement, elles ne peuvent ni les allivrer, ni les cottiser sans en avoir
              
              
              obtenu la permission par un arrêt de la cours des Aydes de Montpellier,
              
              
              qui le rend à la vérité sans appeller le possesseur,
              
              
              mais sur les conclusions du procureur général; en sorte que
              
              
              ce n'est qu'en grande connoissance de cause que ces permissions sont
              
              
              accordées. Il reste encore aux possesseurs la voye de l'opposition
              
              
              envers ces arrêts. 
             La permission obtenue, les communautés font estimer les fonds qui
              
              
              en sont l'objet, ils les font allivrer et additionner à leur compoix,
              
              
              les cottisent sur le pié de cet allivrement et les impositions en
              
              
              sont payées par les possesseurs jusqu'à ce qu'il intervienne
              
              
              un arrêt contradictoire avec les communautés, qui déclare
              
              
              les fonds nobles, ou qui en fasse changer l'allivrement par une nouvelle
              
              
              estimation; mais ces impositions sont déposées pendant procès
              
              
              par forme de consignation entre les mains du receveur général
              
              
              de la Province, en sorte que l'allivrement des autres biens fonds de la
              
              
              même communauté subsiste sur l'ancien pié, et qu'après
              
              
              le jugement du procès si la communauté y succombe, elle a pour
              
              
              ainsi dire sous la main la somme à laquelle sont liquidées
              
              
              les restitutions dont elle est tenue; si, au contraire, les biens sont
              
              
              déclarés définitivement roturiers, elle peut disposer
              
              
              de cette même somme, soit pour des dépenses extraordinaires,
              
              
              soit pour en faire un moins imposé; en sorte que le jugement du
              
              
              procès, s'il est favorable à la communauté, renferme
              
              
              un avantage très considérable pour elle en ce qu'outre la
              
              
              diminution qui en résulte pour les impositions de ses contribuables,
              
              
              elle est mise en possession d'un argent quelque fois fort considérable,
              
              
              et que s'il luy est contraire, il ne peut luy causer un grand préjudice
              
              
              puisqu'elle n'en reçoit d'autre que celui d'une condamnation de
              
              
              dépens. 
             Il ne suffit point pour qu'une communauté puissen allivrer et cottiser
              
              
              des biens fonds fondés en présomption de nobilité, qu'elle
              
              
              raporte des actes portant donation entre vifs ou à cause de mort ou
              
              
              autres dispositions faittes en faveur des seigneurs et des églises
              
              
              sous ces expressions vagues: "je donne" ou "je legue tout ce que jay dans
              
              
              un tel lieu", si par la suitte des actes ou par d'autres actes joints, on
              
              
              ne peut pas établir que ce qui a été donné,
              
              
              légué, cédé ou alivré consistoit en biens
              
              
              fonds ou droits réels dans l'étendue de la communauté. 
             Lorsque les actes d'acquisition comprenent ou la désignation de la
              
              
              contenance ou des confronts immuables et permanents, ou le nom du tènement
              
              
              dans lesquels les biens sont situés, la cour des Aydes ne permet
              
              
              d'allivrer que les biens renfermés dans les confronts
              
              
              désignés, ou dans la contenance marquée, ou dans les
              
              
              tènements énoncés, et s'il n'y a dans les actes ni confronts
              
              
              immuables, ni indication de tènement, mais qu'ils raportent seulement
              
              
              le prix des acquisitions, les experts doivent estimer les fonds en se
              
              
              règlant sur le prix énoncé dans les actes, et par
              
              
              conséquent, ne comprendre qu'une contenance proportionnée à
              
              
              ce prix, et dans l'un et l'autre cas, le restant des biens fonds conserve
              
              
              la présomption de nobilité que perdent ceux seulement qui ont
              
              
              été estimés, allivrés et cottisés. 
             Il faut ajouter à ce que nous venons de dire sur la qualité
              
              
              des biens fonds et la manière de les mettre à la taille, que
              
              
              la matière de la nobilité des bien est toute fiscale, qu'elle
              
              
              appartient essentiellement au droit public, qu'elle jouit des mêmes
              
              
              privilèges que les matières domanialles, que la prescription
              
              
              et la précemption n'y ont point lieu, que comme touts les acquiescements
              
              
              à la nobilité donnés par les communautés lors
              
              
              des arrêts sont déclarés nul et de nul effet, les
              
              
              communautés peuvent revenir par la voye de la requête civile
              
              
              envers les arrêts de nobilité nonobstant tout laps de temps
              
              
              sur des pièces non vues par les juges lors des arrêts, que Monsieur
              
              
              le Procureur général à la cour des Aydes est regardé
              
              
              dans cette matière comme partie principalle, et qu'en cette qualité
              
              
              il est fondé à former une tierce opposition envers les arrêts
              
              
              de nobilité qui ont été rendus sans luy; qu'en un mot
              
              
              tout est favorable à la roture comme nous l'avons déjà
              
              
              observé parce qu'elle forme l'état naturel de touts les biens
              
              
              fonds, que tout est contraire à la nobilité parce que c'est
              
              
              un privilège qu'il faut restraindre le plus que l'on peut, en sorte
              
              
              que lorsque le titre primordial de la féodalité ne paroit pas,
              
              
              et que les titres qui servent à la prouver se trouvent différents
              
              
              entre eux pour la contenance ou étendue du terroir, cette contenance
              
              
              doit être règlée par l'hommage et dénombrement
              
              
              qui contient la moindre quantité, quand même cet hommage ne
              
              
              seroit pas le plus ancien.
          
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.