I) Les cadastres ou compoix.
Il faut distinguer en Languedoc trois sortes de cadastres. Le premier est
celui de la Province qui sert à répartir les impositions sur
touts les diocèses; viennent ensuite les cadastres de chaque diocèse
qui servent à répartir les impositions sur touttes les
communautés du diocèse, est enfin les cadastres ou compoix
de chaque communauté qui servent à répartir les impositions
sur touts les immeubles et droits réels qui dépendent de la
communauté.
1) Le cadastre général est une fameuse recherche
généralle faitte dans le 16e siècle. Cest sur cet ouvrage
qu'on a formé un tarif qui est conservé avec beaucoup de soin
dans le greffe des états, et qui sert de règle de proportion
pour la répartition des impositions généralles de la
Province sur les diocèses qui la composent. La recherche
généralle na jamais été imprimée et il
n'est pas même assuré que l'original ne subsiste entier. On
le croit dispersé par parties dans différents dépots
de la Province comme les greffes des diocèses et ceux de quelques
communautés. Il pourroit y en avoir une copie dans les archives des
états. Quoyquil en soit, le tarif général une fois fait,
fautif ou non, a été consacré par l'usage; ensorte qu'on
n'a plus recours à la recherche généralle qui ne serviroit
qu'à justiffier l'exactitude du tarif. Par là, cette recherche
n'est point connue mais sans savoir, on ne peut douter que pour la mettre
en règle, il fallut faire un arpentement et une estimation du terroirs
de toutes les communautés; par ces opérations, on connut la
contenance et la valeur de chaque diocèse, et enfin la proportion
qu'il falloit établir entre eux pour le payement des impositions
généralles de la Province. Il faut convenir qu'un travail d'un
détail aussi considérable et d'une aussi grande étendue
ne pût que donner une peine infinie.
2) Le cadastre de chaque diocèse pourroit n'être qu'un extrait
du cadastre ou de la recherche généralle de la Province; ce
qu'il y a de certain c'est que les cadastres particuliers des diocèses
sont presque aussi peu connus que le cadastre général de la
Province et qu'on a pour eux le même respect. On juge de l'authorité
qu'ils doivent avoir par le travail infini qu'ils ont occassionné,
on jugera beaucoup mieux de ce travail, par le détail où nous
allons rentrer par raport aux compoix ou cadastres des communautés.
3) Ces compoix ou cadastres renferment la contenance et l'estimation
particulière de chaque pièce de terre, maisons et droits
réels de la communauté qui en est l'objet. Ces compoix ou cadastres
sont renouvellés toutes les fois que les anciens ne peuvent plus servir,
attendû les changements trop considérables que la succession
des temps a apportées dans la valeur des biens fonds. Il seroit à
desirer que ces renouvellements puissent avoir lieu au moins tous les 100
ans, mais ils sont souvent portés bien plus loin à cause des
grandes difficultés qui s'y opposent et des grandes dépenses
qu'ils occassionnent même pour la plus petite communauté.
On n'en sera point surpris si l'on considère qu'il faut procéder
à l'arpentement et estimation de tous les fonds de la communauté,
qu'il n'y a point de contribuable qui n'ait droit d'en contre dire et d'en
attaquer les opérations, que très peu en sont ordinairement
satisfaits, parce qu'il en est peu ou qui ne s'y trouvent lésés
ou qui n'y trouvent quelqu'autre contribuable favorisé, ou qui ne
se flattent d'obtenir quelque faveur eux-même dans les nouvelles
opérations, s'ils parviennent à faire annuller les premières.
Cet inconvénient a fait que les règlements ont prescrit les
plus grandes précautions pour que le renouvellement des compoix des
communautés ne fut pas entrepris légèrement, et qu'il
fut fait, lorsqu'il y aurait lieu, avec toutte l'attention qu'un objet si
important peut mériter.
1) Il faut que la communauté délibère à ce sujet
dans un conseil général c'est à dire renforcé
du même nombre des plus forts contribuables qu'il y a d'opinents dans
le conseil ordinaire, et qu'elle explique dans sa délibération
les motifs du renouvellement du compoix.
2) Il faut que les commissaires de l'assiette du diocèse, où
les commissaires ordinaires, lorsque les premiers leur ont renvoyé
la demande de la communauté, consentent au renouvellement du compoix.
3) Il faut raporter au commissaire départi la délibération
de la communauté et celle du diocèse, et obtenir de lui la
permission de se retirer à la cour des Aydes pour être
procédé de l'authorité de cette cour audict renouvellement
et emprunter les sommes nécessaires.
4) L'arrêt qui intervient à la cour des Aydes prescrit les
principales formalités qu'il faut observer, et commet un commissaire
qui est ordianirement le juge du lieu, pour présider à toutes
les opérations où sa présence peut être
nécessaire, en sorte que c'est devant lui que se tiennent ensuite
presque toutes les assemblées du conseil de la communauté.
5) On règle ensuite la table du compoix, c'est à dire un état
dans lequel on détermine article par article de qu'elle manière
les possessions seront mesurées, et l'allivrement que chaque espèce
de bien fonds supportera, en divisant chaque nature de bien fonds en trois
degrés, bon, moyen et foible, et en subdivisant encore chacun de ces
trois degrés en trois autres degrés, lorsque cette subdivision
est nécessaire.
Nota: Cet allivrement n'a aucune valeur absolue, il ne sert qu'à fixer
la valeur respective des biens qui en sont l'objet, ensorte que la valeur
absolue des fonds est non seulement différente dans les différentes
tables et compoix des différentes communautés d'un même
diocèse, mais encore que dans une même communauté, il
varie chaque année dans le rolle de la taille, suivant la force des
impositions qui doivent être réparties et levées sur
les biens fonds de cette communauté.
6) La communauté procède ensuitte à la nomination des
indicateurs des biens fonds, d'un arpenteur pour en marquer la contenance,
et de prud hommes experts pour en faire l'estimation. Elle délibère
aussi, après en avoir obtenu la permission du commissaire départi,
de faire apposer des affiches et faire des publications pour l'adjudication
de l'entreprise du nouveau compoix.
7) Le jour indiqué, elle adjuge cette entreprise audit moins disant,
et s'il survient des contestations entre les concurrents, elles sont
vuidées par la cour des Aydes après que la communauté
a encore obtenu du commissaire départi la permission de plaider.
8) Les contestations jugées, lacommunauté se retire encore
devant le commissaire départi pour qu'il luy soit permis de passer
le bail et d'emprunter la somme nécessaire pour le payement de
l'entrepreneur suivant les conditions de son offre.
9) On discute dans une assemblée de la communauté les cautions
présentées par l'entrepreneur; si elles sont admises, le bail
est passé par les commissaires qu'elle députe à cet
effet, supposant que l'adjudicataire et ses cautions ne sont point présent
dans l'assemblée; s'il y sont présents, le bail y est passé
tout de suitte.
10) Le bail passé, et après que les indicateurs, arpenteurs
et prudhommes experts ont prété le serment en tel cas requis,
les uns et les autres procèdent au fait de leur commission, et les
biens fonds roturiers sont ensuite allivrés relativement à
l'indication arpentement et estimation qu'on en a fait, et à la table
du compoix.
C'est cet allivrement qui forme principalement le nouveau compoix, qui n'est
autre chose qu'un registre relier en grand papier, dans lequel les fonds
de chaque contribuable sont raportés, divisés par article,
avec de grandes marges pour pouvoir y faire mention des mutations qui surviennent
dans les propriétés et allivrés suivant leur nature
et le degré de leur valeur dont il est aussi fait mention.
Il faut observer que le compoix doit, suivant les règlements, comprendre
un chapitre des biens nobles avec leur contenance, au moyen de quoy on est
bien assuré qu'aucun fonds roturier n'a été obmis dans
le chapitre les concernant.
Il ne seroit peut être pas moins utile d'y former un troisième
chapitre des biens abbandonnés, soit pour pouvoir les connoitre à
l'effet de les metre en adjudication chaque année, soit pour y trouver
des éclaircissements nécessaires contre les contribuables qui
en auroient pris possession par surprise, erreru ou autrement.
Enfin, la minute de l'entrepreneur est déposée devers le greffe
de la communauté pendant un délai compétent, afin que
tous les contribuables puissent en prendre vision et faire rectifier les
erreurs qui y sont intervenues à leur préjudice. Les contestations
qui s'élèvent d'après cet examen se multiplient quelques
fois à l'infini, l'entrepreneur est responsable de ses opérations,
et c'est la cour des Aydes qui en jugent l'exactitude et la validité;
cependant les impositions continues d'être réparties sur l'ancien
compoix qui est porté dans les archives de la communauté pour
y demeurer déposé et enfermer lorsque le nouveau est au cas
d'être exécuté sans aucune contestation, et qu'il a
été authorisé par la cour des Aydes.
II) Les collecteurs d'impôts dans les
communautés.
Nous pensons que la manière dont il a été pourvû
au recouvrement des impositions en Languedoc est très bonne, à
la considérer soit par raport à la fixation et destination
des sommes à imposer, à la nomination des collecteurs, aux
caisses dans lesquelles les deniers sont portés, aux droits
attribués aux collecteurs et receveurs, à leurs obligations
et à leurs privilèges, soit par raport aux voyes qui sont
employés pour contraindre les contribuables au payement.
Il faut observer, en premier lieu que pour s'assurer de la fidélité
des consuls à n'imposer que les sommes nécessaires, ils ne
peuvent comprendre dans le préambule des impositions, qui est transcrit
au commencement du rolle de la taille que les sommes qu'ils ont été
authorisés d'imposer par MM. les commissaires du Roy aux états,
et ces sommes sont de deux espèces: les unes sont fixes et regardent
les dépenses ordinaire des communautés, parmi lesquelles ont
comprend un article très modique pour les dépenses imprévues;
les autres varient suivant les circonstances, et les consuls sont obligés
après que les impositions sont recouvrées, de raporter le
préambule du rolle à Messieurs les commissaires du Roy, qui
examinent s'ils ont été exacts à se conformer aux
règlements.
Nous avons dit qu'on comprend dans le préambule un article très
modique pour les dépenses imprévues, en sorte que le montant
de cet article ne peut faire face qu'aux dépenses imprévues
qui sont très modiques. S'il en survient de considérables,
il y est pourvu par le commissaire départi, par la voye de l'emprunt,
à laquelle il permet aux consuls d'avoir recours, sauf lorsqu'il a
été satisfait à l'objet de la dépense à
emporter le montant en veriffication devant MM. les commissaires, et a
été pourvu de leur authorité au remboursement du
créancier par la voye de l'imposition.
Il faut observer en deuxième lieu qu'il y a dans chaque communauté,
comme nous l'avons déjà dit, un compix ou cadastre ou recherche
de touts les biens fonds et de tous les droits réels de la
communauté, que les biens fonds et droits réels y sont compris
sous un allivrement conforme à leur valeur respective, et que tous
les ans cet allivrement sert de tarif pour cottiser les dits fonds et droit
dans un rolle sous le nom de leur possesseur: c'est le rolle de la taille.
Il faut observer encore que comme le général de la province
est responsable des impositions de touts les diocèses, chaque
diocèse est responsable de celles de touttes les communautés
qui les composent, et chaque communauté est responsable de touttes
celles de touts les contribuables. Le Roy ne connoit que la province, dont
le receveur général ne connoit que les receveurs diocèsains.
Les offices de ceux ci, qui sont d'un grand prix, sont les premières
cautions du montant des impositions du diocèse. Le receveur ne connoit
que le collecteur de chaque communauté qui demeure responsable en
la personne de ses consuls et de ses délibérants, de la
solvabilité de son collecteur, ensorte qu'au deffaut de collecteur,
des cautions qu'on exige de luy, des consuls et des délibérants
qui ont admis les cautions, chaque contribuable peut être contraint
pour la totalité des impositions de la communauté. La
solvabilité de ces arrangements en faveur du Roy fait la tranquilité
des redevables.
Enfin, ce ne sont ni le receveur général dont les Etats
généraux de la province ont droit de faire choix, ni les receveurs
des diocèses qui sont des officiers en titre d'office, qui demandent
le plus d'attention. Soumis l'un à l'inspection des états de
la province et du président de cette assemblée, les autres
à celles des commissaires du diocèse et des bureaux de finances,
il est d'autant moins à craindre qu'ils dissipent les deniers de leur
recouvrement, que bientôt on s'en appercevroit parce que leur recouvrement
se fait, pour ainsi dire, publiquement, que le premier rend chaque année
aux états compte de son recouvrement et de l'état de sa caisse,
et les autres rendent ce compte à la chambre des comptes de Montpellier.
Mais l'état des collecteurs des communautés est si médiocre,
et il demande tant de peine et de détail, qu'on ne pût prendre
trop de précautions, soit pour n'en point manquer, soit pour en avoir
au meilleur marché que faire se peut, soit, enfin, pour s'assurer
de leur fidélité.
1) Pour n'en point manquer, les consuls de chaque communauté sont
obligés par les règlements, à peine d'être tenus
eux même de faire la levée des impositions comme collecteurs
volontaires et sans aucune rétribution, ils sont obligés chaque
année de faire publier en bonne forme, les 3 derniers dimanches du
mois de février, l'adjudication du bail des impositions, et de
procéder le premier dimanche du mois de mars à la nomination
d'un ou de plusieurs collecteurs forcés; la délibération
qui les nomme leur doit être signifiée dans la huitaine, et
s'ils se prétendent exempts de la collecte, ils doivent faire statuer
sur leur prétention dans tout le moy de may, et cependant remplir
leurs fonctions; leurs droits de leveure sont réglés à
11 deniers pour livre.
2) L'adjudication du bail des impositions doit être faite le 15 du
mois d'avril, passé lequel il est deffendu aux maire et consuls de
recevoir des offres; les offres rendent la fonction des collecteurs forcés
inutiles. Les collecteurs volontaires ne peuvent pas avoir un froit de leveure
plus fort que de 14 deniers pour livre. L'objet des moins dittes est de se
charger de la levée des impositions à un moindre prix. Ils
sont engagés à faire des offres soit par le proffit qu'ils
peuvent trouver dans la levée des impositions au moyen des droits
de leveure, soit à cause des privilèges qui sont attachés
à leur fonction, car ils sont exempts de toutte charge personnelle,
même du sort de la milice, ce qui faisoit qu'on tiroit au sort dans
les communautés, qu'il y en avoit beaucoup où la levée
des impositions étoit faite sans aucun droit de leveures, et où
même le collecteur se chargeoit de faire l'avance du premier terme,
sans intérêt. Leur plus grande obligation est de faire livre
net, c'est à dire qu'ils se chargent de la levée des impositions
à leurs périls et risques, qu'ils en font l'avance lorsque
les contribuables ne payent point, sauf à eux à les poursuivre
par exécution sur leurs biens comme ils arriveront.
On voit par là que quoy qu'il arrive, le montant des impositions est
toujours porté dans la caisse du receveur du diocèse, parce
que le recouvrement en est fait ou par des collecteurs forcés ou par
des collecteurs volontaires. Il est vray que les règlements sont moins
rigoureux contre les premiers, mais aussi il est rare qu'on soit dans la
nécessité d'employer leur ministère dans les
communautés.
3) Enfin, pour s'assurer de la fidélité des collecteurs à
ne point changer la destination des sommes imposées, leurs comptes
doivent être examinés et arrettés par des commissaires
auditeurs nommés par les communautés. Les abus même qui
s'etoient introduits dans l'administration des communatés ont fait
prendre le parti, depuis quelques années, de les faire arretter par
un commissaire qui est nommé par ceux du diocèse, et qui a
la plus grande attention à n'allouer aucune dépense qui ne
soit bien en règle.
En troisième lieu, les impositions sont recouvrées sur les
contribuables par la voye de la garnison, qui accélère beaucoup
le recouvrement, et qui est employée sous les ordres du commissaire
départi, afin que les collecteur n'en abusent point. Ce n'est que
lorsque cette voye est absolument insuffisante que les collecteurs poursuivent
les redevables par exécution sur leurs meubles et, subsidiairement,
sur leurs immeubles.
III) Principes relatifs aux privilégiés.
Pour donner de ces principes une idée convenable, il est nécessaire
de remarquer:
1) qu'en Languedoc, il n'y a aucune espèce de privilège pour
les personnes en matière d'imposition, que les nobles et les gens
d'église y sont sujets aux mêmes obligations que les roturiers;
2) que touts les immeubles y sont censés roturiers suivant les principes
du droit romain qui gouvernent cette province, et suivant les ordonnances
de nos Roys entièrement conformes à ces principes;
3) que quelque généralle et quelque rigoureuse que soit cette
règle, comme elle souffroit une exception chés les Romains
en faveur des terres données aux soldats destinés à
la garde des frontières de l'Empire, de même il y a une exception
fondée sur une pareille faveur pour les terres dont la
féodalité, et par conséquent la nobilité, est
prouvé par des titres, ou qui sont présumées féodalles
et nobles par la nature de leur dépendance, en sorte qu'il n'y a que
deux différentes qualités de biens immeubles, scavoir les biens
ruraux et contribuables, ce qui forme la classe généralle,
et les biens nobles et féodaux, ce qui forme l'exception. Nous disons
que les biens ruraux forment la classe généralle des biens,
et dès lors tout est favorable à la roture; dans le dout on
le détermine pour elle; les biens féodaux et nobles forment
l'exception, en sorte qu'ils ne sont tels que par privilège et les
privilèges doivent être restraints dans les bornes les plus
étroites qu'il est possible.
4) la présomption de nobilité des biens est fondée sur
la présomption de leur féodalité, c'est à dire
sur celle que ces biens, qui ne pouvoient anciennement qu'être
possédés noblement par les Roys, Princes, anciens Ducs et Comtes,
ont été par eux inféodés noblement aussi à
ceux qui les possèdent ou à leurs autheurs. De là, les
biens possédés par les seigneurs justiciers sont
présumés nobles parce que touttes les justices sont censées
émanées du Roy. Il en est de même et par la même
raison, des biens possédés par les églises principalles
comme cathédralles, abbatiales, les commanderies et autres fondations
royalles, même les parroissialles, parce que ces biens sont censés
faire partie de leur donation, et qu'elle sont censées avoir
été dottées par le Roy. On observe touttes fois qu'il
faut, à l'égard des seigneurs justiciers et des églises
parroissialles, que les biens soient situés dans l'étendue
de la justice ou de la parroisse;
5) il suit de là que la noblesse et le clergé ne jouissent
d'aucune espèce de privilège à cet égard comme
nous l'avons déjà dit, que l'église, dont on ne cesse
point de réclamer les immunités, ne communique point aux biens
qu'elle possède la faveur dont ses ministres jouissent pour les
contributions purement personnelles, et que les dispositions des loix canoniques
émanées des conciles et des papes concernant l'immunité
des biens ecclésiastiques sont regardées comme des entreprises
sur l'authorité du Roy. Ce n'est pas cependant que les biens fonds
ou sont construites les églises, les séminaires, maisons
presbitéralles, maisons religieuses avec leurs jardins, pourvû
qu'il soit contigû aux dites maisons, n'ait paru mériter quelque
distinction, la qualité de ces biens fonds demeure toujours la même,
mais ils sont exempts de la taille tant et si longuement que leur sol sert
à l'image qui en produit l'exemption;
6) la nobilité des biens fonds qui ne jouissent d'aucune présomption
de nobilité ne peut être prouvé que de deux manières:
la première par un hommage au moins qu'il soit ancien de plus de 100
ans et suivi d'un dénombrement reçû dans les formes ou
d'autres biens suffisants. La deuxième par des titres qui prouvent
que les fonds ont été inféodés noblement aux
possesseurs par le Roy, par les seigneurs justiciers ou par quelque église
principale. Il faut de plus qu'ils n'ayent pas été avilis depuis
cette inféodation;
7) les biens nobles peuvent être avilis soit par un assujetissement
à une redevance rurale ou a quelque droit de cens, champart ou agrier,
soit par le payement de la taille epndant trente années consécutive
ou interrompues. On entend par redevance ruralle touttes celles qui portent
quelqu'espèce d'utilité sous quelque dénomination qu'elle
soit énoncée et quelque noble que paroisse d'ailheurs l'acte
ou elle est stipulée. Les biens roturiers au contraire ne peuvent
être annoblis par aucune transaction. Tout abonnement et composition
de tailles sont nulles de plein droit. Les biens roturiers ne peuvent devenir
nobles que par leur réunion au fief et par la voye du
déguerpissement, et cette voye a été soumise à
tant de formalités qu'elle est pratiquée rarement avec
succès, et qu'il est presque impossible qu'il intervienne de la fraude.
Leur nature ne change point par l'abbandon qu'en font les propriétaires,
ils demeurent toujours allivrés, ils sont toujours cottisés,
et il a été prescrit à ce sujet des règles très
sages pour empécher que les communautés ne demeurent chargées
de la taille de ces biens, et pour leur faciliter les moyens de les adjuger
aux conditions les plus avantageuses;
8) Si les règlements ont eu la plus grande attention pour mettre la
roture des biens fonds à l'abri de toutes les entreprises de la part
des possesseurs ou des corps qui ont le plus de crédit et
d'authorité dans les communautés, ils n'en ont pas moins eu
pour la conservation des privilèges des personnes ou des corps
fondés en présomption de nobilité, et pour empécher
que les communautés ne sengagent mal à propos dans des mauvaises
contestations à ce sujet. En effet, lorsque les communautés
découvrent des actes de roture d'un bien fonds dont la nobilité
est établie par titres ou des cates suffisants pour faire cesser la
présomption de nobilité en vertu de laquelle ce fonds est joui
noblement, elles ne peuvent ni les allivrer, ni les cottiser sans en avoir
obtenu la permission par un arrêt de la cours des Aydes de Montpellier,
qui le rend à la vérité sans appeller le possesseur,
mais sur les conclusions du procureur général; en sorte que
ce n'est qu'en grande connoissance de cause que ces permissions sont
accordées. Il reste encore aux possesseurs la voye de l'opposition
envers ces arrêts.
La permission obtenue, les communautés font estimer les fonds qui
en sont l'objet, ils les font allivrer et additionner à leur compoix,
les cottisent sur le pié de cet allivrement et les impositions en
sont payées par les possesseurs jusqu'à ce qu'il intervienne
un arrêt contradictoire avec les communautés, qui déclare
les fonds nobles, ou qui en fasse changer l'allivrement par une nouvelle
estimation; mais ces impositions sont déposées pendant procès
par forme de consignation entre les mains du receveur général
de la Province, en sorte que l'allivrement des autres biens fonds de la
même communauté subsiste sur l'ancien pié, et qu'après
le jugement du procès si la communauté y succombe, elle a pour
ainsi dire sous la main la somme à laquelle sont liquidées
les restitutions dont elle est tenue; si, au contraire, les biens sont
déclarés définitivement roturiers, elle peut disposer
de cette même somme, soit pour des dépenses extraordinaires,
soit pour en faire un moins imposé; en sorte que le jugement du
procès, s'il est favorable à la communauté, renferme
un avantage très considérable pour elle en ce qu'outre la
diminution qui en résulte pour les impositions de ses contribuables,
elle est mise en possession d'un argent quelque fois fort considérable,
et que s'il luy est contraire, il ne peut luy causer un grand préjudice
puisqu'elle n'en reçoit d'autre que celui d'une condamnation de
dépens.
Il ne suffit point pour qu'une communauté puissen allivrer et cottiser
des biens fonds fondés en présomption de nobilité, qu'elle
raporte des actes portant donation entre vifs ou à cause de mort ou
autres dispositions faittes en faveur des seigneurs et des églises
sous ces expressions vagues: "je donne" ou "je legue tout ce que jay dans
un tel lieu", si par la suitte des actes ou par d'autres actes joints, on
ne peut pas établir que ce qui a été donné,
légué, cédé ou alivré consistoit en biens
fonds ou droits réels dans l'étendue de la communauté.
Lorsque les actes d'acquisition comprenent ou la désignation de la
contenance ou des confronts immuables et permanents, ou le nom du tènement
dans lesquels les biens sont situés, la cour des Aydes ne permet
d'allivrer que les biens renfermés dans les confronts
désignés, ou dans la contenance marquée, ou dans les
tènements énoncés, et s'il n'y a dans les actes ni confronts
immuables, ni indication de tènement, mais qu'ils raportent seulement
le prix des acquisitions, les experts doivent estimer les fonds en se
règlant sur le prix énoncé dans les actes, et par
conséquent, ne comprendre qu'une contenance proportionnée à
ce prix, et dans l'un et l'autre cas, le restant des biens fonds conserve
la présomption de nobilité que perdent ceux seulement qui ont
été estimés, allivrés et cottisés.
Il faut ajouter à ce que nous venons de dire sur la qualité
des biens fonds et la manière de les mettre à la taille, que
la matière de la nobilité des bien est toute fiscale, qu'elle
appartient essentiellement au droit public, qu'elle jouit des mêmes
privilèges que les matières domanialles, que la prescription
et la précemption n'y ont point lieu, que comme touts les acquiescements
à la nobilité donnés par les communautés lors
des arrêts sont déclarés nul et de nul effet, les
communautés peuvent revenir par la voye de la requête civile
envers les arrêts de nobilité nonobstant tout laps de temps
sur des pièces non vues par les juges lors des arrêts, que Monsieur
le Procureur général à la cour des Aydes est regardé
dans cette matière comme partie principalle, et qu'en cette qualité
il est fondé à former une tierce opposition envers les arrêts
de nobilité qui ont été rendus sans luy; qu'en un mot
tout est favorable à la roture comme nous l'avons déjà
observé parce qu'elle forme l'état naturel de touts les biens
fonds, que tout est contraire à la nobilité parce que c'est
un privilège qu'il faut restraindre le plus que l'on peut, en sorte
que lorsque le titre primordial de la féodalité ne paroit pas,
et que les titres qui servent à la prouver se trouvent différents
entre eux pour la contenance ou étendue du terroir, cette contenance
doit être règlée par l'hommage et dénombrement
qui contient la moindre quantité, quand même cet hommage ne
seroit pas le plus ancien.
Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.