Caractères extérieurs
          
          
          des chartes  
          (Notes tirées du "Manuel de Diplomatique" de A. GIRY, Paris, Librairie
            
            
            Hachette et Cie, 1894, pages 479 à 492)  
             
           
           L’étude des caractères extérieurs des documents
            
            
            diplomatiques, c’est-à-dire de la matière sur laquelle ils
            
            
            ont été tracés, de leur disposition matérielle
            
            
            et de leur écriture, est proprement du ressort de la paléographie.
            
            
            Ces caractères toutefois ont trop d’importance pour la critique, ils
            
            
            sont liés trop étroitement avec la nature des divers documents
            
            
            pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en parler ici. Mais on le fera
            
            
            brièvement, en renvoyant pour plus de détails aux ouvrages
            
            
            dont l’objet est l’histoire de l’écriture et la paléographie.  
           Matière subjective de
            
            
            l’écriture.  
           Le papyrus.  
           Les plus anciens documents diplomatiques qui nous sont parvenus sont écrits
            
            
            sur papyrus. Bien que le parchemin fût depuis longtemps connu et que
            
            
            son emploi présentât de nombreux avantages sur celui du papyrus,
            
            
            matière coûteuse, fragile, sur laquelle on ne pouvait écrire
            
            
            qu’au calame et d’une écriture large et espacée, cependant
            
            
            la tradition le fit longtemps préférer pour les actes publics
            
            
            importants et en particulier pour ceux qui émanaient de
            
            
            l’autorité souveraine. 
             On conserve dans divers bibliothèques de l’Europe des fragments de
              
              
              rescrits impériaux du IVe ou du Ve siècle; ils sont tous sur
              
              
              papyrus. Il en est de même des documents célèbres, du
              
              
              VIe siècle, connus sous le nom de Charles de Ravenne,
              
              
              aujourd’hui dispersés dans un grand nombre de collections.  
             La chancellerie pontificale se conforma en ce point comme en bien d’autre
              
              
              aux traditions impériales et employa le papyrus jusqu’au milieu du
              
              
              XIe siècle.  
             Les rois mérovingiens adoptèrent le même usage; parmi
              
              
              leurs diplômes originaux qui se sont conservés plusieurs sont
              
              
              sur papyrus; le plus ancien est un précepte de Clotaire II de
              
              
              l’année 625; le plus récent, un jugement de Clovis III de 692.
              
              
              Mais on se servit encore parfois en France de papyrus pour d’autres actes
              
              
              jusqu’à la fin du VIIIe siècle; en 787, l’abbé de
              
              
              Saint-Denis, Maginaire, écrivait sur papyrus un rapport à
              
              
              Charlemagne sur une mission en Italie.  
             Le papyrus dont on se servit en Occident au moyen âge fut longtemps
              
              
              de fabrication égyptienne. Une bulle du pape Jean VIII, de
              
              
              l’année 876, pour Tournus, a conservé l’estampille arabe du
              
              
              directeur des finances qui en indique à la fois la provenance et la
              
              
              date de fabrication (la comparaison de ce document avec d'autres papyrus
              
              
              d'El-Fayûm a montré que Saïd-Ibn-Abd er Rahmân, dont
              
              
              le nom figure sur la bulle de Jean VIII, exerçait les fonctions de
              
              
              directeur des finances en l'an 223 de l'Hégire, c'est-à-dire
              
              
              en 838 de notre ère. L'original de la bulle de Jean VIII est à
              
              
              la Bibliothèque nationale, manuscrit latin 8840).  
             Lorsque l’on eut cessé de fabriquer du papyrus en Egypte,
              
              
              c’est-à-dire vers le milieu du Xe siècle de l’ère
              
              
              chrétienne, les fabriques de Sicile purent approvisionner la
              
              
              chrétienté, mais d’un produit fort inférieur.  
             Les documents sur papyrus sont généralement des pièces
              
              
              de très grande dimension et beaucoup plus longues que larges. La longeur
              
              
              de la bulle de Jean VIII pour Tournus citée plus haut est de 3
              
              
              mètres 90; celle d’un privilège de Benoît III pour Corbie
              
              
              atteint 6 mètres 50. La largeur était toujours beaucoup moindre
              
              
              : elle variait entre 30 et 75 centimètres.  
             Les termes employés pendant le haut moyen âge pour désigner
              
              
              le papyrus étaient charta, tomus, chartarum
              
              
              tomi, tomus chartaceus, chartinacius, etc.; mais,
              
              
              lorsque l’usage de ce produit fut complètement tombé en
              
              
              désuétude, on en méconnut absolument l’origine et on
              
              
              lui appliqua des désignations plus ou moins propres.  
             Celle de papier d’écorce, que l’on rencontre souvent, mérite
              
              
              une observation spéciale parce que, sur la foi de ces mentions, et
              
              
              surtout d’un passage de Tritheim (mort en 1516), les érudits ont longtemps
              
              
              cru à la réalité de documents écrits sur un papier
              
              
              fabriqué avec de l’écorce d’arbre. Il n’est pas inutile de
              
              
              rappeler que ce papier n’a jamais existé et que, vérification
              
              
              faite, les documents désignés comme étant en un
              
              
              prétendu papier d’écorce se sont trouvés en papyrus. 
           
           Le parchemin.  
           Ce n’est pas avant la seconde moitié du VIIe siècle que l’on
            
            
            voit le parchemin employé pour écrire les actes. 
             En France, le plus ancien document sur parchemin qui se soit conservé
              
              
              est la fondation, par Chlotilde, du monastère de Bruyère, en
              
              
              670 ou 671 (Archives nationales, K 2, n° 10); le plus ancien acte royal
              
              
              est une acte royal est un précepte de Thierry III de 677 (Archives
              
              
              nationales, K 2, n° 12).  
             Dans les pays germaniques, on n’a pas signalé d’acte original sur
              
              
              parchemin antérieur au second quart du VIIIe siècle. En Italie,
              
              
              on connaît un acte notarié sur parchemin écrit à
              
              
              Plaisance en 716; les plus anciennes pièces sur parchemin des archives
              
              
              de Turin et de Florence sont d’une dizaine d’années postérieures.
              
              
              A partir de cette époque le parchemin tendit à remplacer partout
              
              
              le papyrus, dont l’emploi fut exceptionnel depuis le milieu du VIIIe
              
              
              siècle, sauf à la chancellerie pontificale. Depuis le IXe
              
              
              siècle et pendant tout le moyen âge la presque totalité
              
              
              des chartes fut écrit sur parchemin.  
             Entre les diverses espèces de parchemin dont on s’est servi pour
              
              
              écrire les chartes, il y a, suivant les pays et suivant les époques,
              
              
              des différences notables. Dans le nord de la France, en Angleterre
              
              
              et dans les pays germaniques, on se servait presque aussi souvent de peaux
              
              
              de veau que de peaux de mouton pour fabriquer le parchemin. Au midi de la
              
              
              France et en générale dans toute l’Europe méridionale,
              
              
              on employait de préférence les peaux de mouton et fréquemment
              
              
              aussi les peaux de chèvres.  
             Souvent et spécialement en Italie, on a traité de manière
              
              
              différentes les deux côtés du parchemin destiné
              
              
              à écrire les chartes. Le côté de la chair seul
              
              
              subissait toutes les préparations nécessaires pour recevoir
              
              
              l’écriture, seul il était saupoudré de « groison
              
              
              », c’est-à-dire d’une fine poudre crayeuse, puis soigneusement
              
              
              poncé et lissé, ce qui lui a donné une couleur blanche
              
              
              et un poli luisant; le côté de la laine ou du poil est demeuré
              
              
              au contraire d’une nuance jaune ou grisâtre, un peu rugueux au toucher,
              
              
              et l’on y discerne facilement à l’oeil les traces de bulbes pileux.
              
              
              Dans certains parchemins mal préparés, principalement au XIVe
              
              
              et au XVe siècle, le groison en excès a formé une sorte
              
              
              de couche dont certaines parties, celles surtout qui ont été
              
              
              recouvertes par l’encre, tendent souvent à se détacher sous
              
              
              l’action de l’humidité. Beaucoup de parchemins du XVIe et du XVIIe
              
              
              siècle, ont subi insuffisamment l’action du plein de chaux et sont
              
              
              restés gras et transparents. Il est bien difficile cependant de
              
              
              s’appuyer sur ces différences de fabrication pour dater le parchemin
              
              
              ou en déterminer la provenance.  
             On a employé au moyen âge pour écrire les chartes des
              
              
              feuilles de parchemin de toutes dimensions. Ces documents de grande étendue
              
              
              sont écrits sur des peaux presque entières, auxquelles on n’a
              
              
              rogné que le nécessaire pour en faire des feuilles
              
              
              régulières. La charte de coutumes de Condom, de 1314, est
              
              
              écrite sur une feuille de parchemin de 75 centimètres de hauteur
              
              
              sur 95 centimètres de largeur. Certaines chartes au contraire mesurent
              
              
              à peine 3 ou 4 centimètres de largeur sur 8 ou 10 de largeur.  
             Lorsqu’une feuille de parchemin était insuffisante, on en ajoutait
              
              
              une seconde, que l’on cousait à l’extrémité de la
              
              
              première, et, si cela ne suffisait pas, on en ajoutait de même
              
              
              à la suite autant d’autres que cela était nécessaire,
              
              
              de façon à former un rouleau (rotulus). Certains de
              
              
              ces rouleaux comprennent jusqu’à trente-cinq ou quarante peaux de
              
              
              parchemin et mesurent 10 ou 15 mètres de long. Ce sont
              
              
              généralement des documents judiciaires ou financiers,
              
              
              procédures, enquêtes, comptes, tarifs, etc. Le procès-verbal
              
              
              original de l’interrogatoire des Templiers par un inquisiteur de la foi,
              
              
              en novembre 1307, forme un rouleau de quarante-cinq peaux de parchemin de
              
              
              22 mètres 20 de long.  
             La disposition de feuilles en cahier était très anciennement
              
              
              usité pour les manuscrits; on s’en servait aussi pour les cartulaires
              
              
              et pour les registres, mais ce n’est pas avant le XVe siècle qu’on
              
              
              a écrit des documents originaux sur des feuilles disposées
              
              
              de la sorte.  
             En générale, les chancelleries bien organisées employaient
              
              
              de larges feuilles de beau parchemin, choisies soigneusement sans trous ni
              
              
              défauts, et parfaitement dressées.  
             Dans le nord de la France, les chancelleries inférieures, les officiaux
              
              
              et tous les bureaux d’écriture se montrèrent naturellement,
              
              
              pour tous les actes non solennels, fort ménagers d’une manière
              
              
              aussi coûteuse et employèrent des feuilles de dimensions aussi
              
              
              réduites que possible, mais en générale bien
              
              
              préparées et toujours régulièrement taillées;
              
              
              dans le midi au contraire on se servait volontiers, jusqu’au XIIIe siècle
              
              
              surtout, de toute espèce de rognures et de morceaux, souvent
              
              
              irréguliers, où l’on trouve fréquemment des trous et
              
              
              d’autres défauts.  
             En Italie et dans l’Empire, on dut interdire aux notaires l’emploi du parchemin
              
              
              qui avait déjà servi .  
             Le parchemin était désigné dans les textes du moyen
              
              
              âge par les mots membrana, pergamenum, carta
              
              
              pergamena. 
           
           Le papier.  
           Le papier fait son apparition en Europe à la fin du XIe siècle,
            
            
            mais, pour les documents diplomatiques, l’usage en a toujours été
            
            
            assez restreint. 
             On sait qu’il n’y a pas lieu de faire la distinction admise autrefois entre
              
              
              le papier de chiffre et un prétendu papier de coton. Il n’a jamais
              
              
              existé de papier de coton. En préparant, en collaboration avec
              
              
              M Aimé Girard, professeur de chimie au conservatoire des Arts et
              
              
              Métiers, un recueil des traités de technologie du moyen âge
              
              
              qui sera prochainement publié, nous fûmes amenés, mon
              
              
              collaborateur et moi, il y a une dizaine d’années, à étudier
              
              
              la question de la fabrication des anciens papiers. Pour interpréter
              
              
              notamment un passage du moine Théophile (Schedula diversarum
              
              
              artium, I, XXIII), où il est question de
              
              
              pergamena greca que fit ex lana ligni (ou lini, selon les
              
              
              manuscrits), nous nous demandâmes s’il s’agissait bien là de
              
              
              coton, comme on l’avait dit, et s’il avait réellement existé
              
              
              au moyen âge un papier composé de coton. Après avoir
              
              
              recueilli des échantillons de papiers anciens, de provenance tant
              
              
              orientale qu’européenne, considérés jusque-là
              
              
              comme papier de coton avérés, nous avons vainement recherché,
              
              
              par l’analyse microscopique, la fibre si caractéristique du coton;
              
              
              toujours nous n’avons rencontré que celle du chanvre ou du lin. Nous
              
              
              avons eu depuis la satisfaction de voir les résultats de nos recherches
              
              
              corroborés par les études de M. Briquet de Genève et
              
              
              plus complètement encore par les travaux de M. Julius Wiesner, professeur
              
              
              de physiologie botanique à l’université de Vienne, sur les
              
              
              papiers orientaux de la collection de l’archiduc Rainier, provenant
              
              
              d’El-Fayûm...  
             On cite ordinairement comme les plus anciens documents occidentaux sur papier
              
              
              des actes des rois de Sicile du XIIe siècle, Roger II, Guillaume Ier
              
              
              et Guillaume II. Toutefois le papier ne se propagea que lentement en Europe
              
              
              au XIIe siècle, et son emploi demeura limité aux pays en relation
              
              
              avec les Arabes.  
             Au commencement du XIIIe siècle, la chancellerie de Frédéric
              
              
              II expédia sur papier quelques mandements de l’empereur, mais
              
              
              bientôt la fragilité et le peu de durée de ce produit,
              
              
              facilement altéré par l’humidité, en fit proscrire
              
              
              l’emploi pour la rédaction des actes dont on voulait assurer la
              
              
              conservation (on sait que beaucoup des anciens documents sur papier qui se
              
              
              sont conservés sont presque illisibles et souvent presque réduits
              
              
              en pâte. Dès 1222, Frédéric II renouvelait des
              
              
              actes sur papier de Guillaume II de Sicile, datés de 1168, 1170, 1187,
              
              
              quoniam incipiebant vetustate consumi).  
             Frédéric II, en 1231, en défendit l’emploi pour les
              
              
              actes publics, et Alphonse le Savant, en Espagne, distingua avec soin les
              
              
              écritures que l’on pouvait faire sur papier de celles que l’on devait
              
              
              faire sur parchemin (Constitutiones regni Siciliae, tit. 63 : «
              
              
              Volumus etiam et sancimus ut predicta instrumenta publica et alie similes
              
              
              cautiones non nisi in pergamenis in posterum conscribantur. Cum enim eorum
              
              
              fides multis futuris temporibus duratura speretur, justum esse decernimus
              
              
              ut ex vetustate forsitam destructionis periculo non succumbant. Ex instrumentis
              
              
              in chartis papyri... scriptis... nulla omnino probatio
              
              
              assumatur »).  
             L’interdiction de rédiger les actes sur papier devint une clause des
              
              
              brevets de nomination des notaires impériaux et fut même
              
              
              insérée dans les privilèges qui conféraient aux
              
              
              comtes le droit de créer des notaires; ceux-ci, au XIVe et au XVe
              
              
              siècle encore, devaient prêter serment en entrant en charge
              
              
              de se conformer à cette défense (« Jubemus autem quod
              
              
              in carta rasa vel bonbicina non scribat publicum instrumentum »).  
             Au cours du XIIIe siècle cependant, lorsque des fabriques de papier
              
              
              eurent été établies en Italie, en Espagne et dans la
              
              
              France méridionale, ce nouveau produit, devenu beaucoup moins cher
              
              
              que le parchemin, se vulgarisa rapidement. On ne l’employa ni pour les actes
              
              
              solennels, ni pour aucun de ceux qui devaient supporter des sceaux pendants,
              
              
              mais on s’en servit couramment pour les lettres missives, les lettres closes,
              
              
              les mandements, les cédules, les pièces financières,
              
              
              les actes de procédure, les minutes, et surtout pour les rouleaux
              
              
              et les registres de toutes sortes, registres de notaires, de comptes, de
              
              
              chancellerie, etc.  
             Parmi les documents sur papier du XIIIe siècle on peut citer le
              
              
              Liber plegiorum de Venise, dont les premières mentions remontent
              
              
              à 1223, les registres de délibération du conseil
              
              
              général de Sienne depuis 1248, de nombreux registres de notaires
              
              
              italiens, les registres judiciaires du podestat de Bologne, les lettres
              
              
              adressées de Castille à Édouard Ier roi d’Angleterre
              
              
              depuis l’année 1279.  
             En France on connaît de nombreux registres et actes des notaires
              
              
              marseillais depuis 1248; le registre de reconnaissance du Briançonnais
              
              
              de 1260, aux archives de l’Isère; le registre des comptes d’Alphonse
              
              
              de Poitiers (1243-1248); le registre des enquêteurs royaux dans la
              
              
              sénéchaussée de Beaucaire (1248); le registre des sentences
              
              
              des commissaires royaux dans le Toulousain (1272-1274); etc.  
             Tous ces documents, on le voit, proviennent de la France méridionale.
              
              
              Ce fut au XIVe siècle seulement que le papier se répandit dans
              
              
              les provinces du nord. Mais depuis cette époque ses progrès
              
              
              furent constants et ils devinrent très rapides au XVe siècle.
              
              
              Toutefois les actes publics continuèrent longtemps encore à
              
              
              être écrits sur parchemin, et ce ne fut guère qu’au XVIIe
              
              
              et après l’invention du papier timbré (1655) que l’on cessa
              
              
              de s’en servir pour certains d’entre eux. L’emploi du parchemin pour
              
              
              l’original des actes du pouvoir exécutif ne fut aboli que par un
              
              
              décret du 10 octobre 1792.  
             Si l’histoire de la fabrication du papier pouvait être faite avec assez
              
              
              de précisions pour permettre de discerner avec quelque certitude la
              
              
              provenance et la date des papiers anciens, l’érudition disposerait
              
              
              d’un précieux instrument de critique. Mais il est à craindre
              
              
              que, pour l’époque ancienne du moins, on n’arrive jamais à
              
              
              rassembler des renseignements suffisants. Force est donc de se contenter
              
              
              de notions générales et quelque peu incertaines.  
             Le papier le plus ancien est généralement assez épais,
              
              
              brillant, satiné ou du moins lissé, mou, sans grain, souvent
              
              
              nuageux par transparence et spongieux, lorsqu’il a été, ce
              
              
              qui arrive souvent, altéré par l’humidité. Fréquemment
              
              
              il s’en détache, principalement sur les bords, des espèces
              
              
              de flocons plucheux, auxquels il a dû longtemps le nom de papier de
              
              
              coton. Les formes sur lesquelles ces papiers devaient être
              
              
              préparés n’y ont souvent laissé aucune empreinte; parfois
              
              
              cependant on y trouve, marqués plus ou moins nettement, des vergeures
              
              
              et des pontuseaux.  
             Dans les dernières années du XIIIe siècle apparaissent
              
              
              les filigranes, qui sont des marques de fabrique, et, à partir
              
              
              du XIVe siècle, la grande majorité des papier en est pourvue.
              
              
              Ces marques peuvent avoir, on le comprend, une grande importance pour la
              
              
              critique du document sur papier, et l’on en a commencé l’étude
              
              
              scientifique ("Etudes sur les filigranes des papiers employés en
                
                
                France aux XIVe et XVe siècles", de Midoux et Matton, Paris, 1868).
              
              
              Il est bon de remarquer toutefois que les recherches fondées sur les
              
              
              filigranes sont toujours délicates; il est rarement possible de fixer
              
              
              avec précision la date d’apparition d’une marque déterminée;
              
              
              les marques renommées ont duré très longtemps et ont
              
              
              été souvent contrefaite; enfin l’industrie et le commerce du
              
              
              papier se sont développés si rapidement à partir du
              
              
              XIVe siècle que les produits d’une même fabrique se sont
              
              
              répandus dans l’Europe entière, et que d’autre part on rencontre
              
              
              dans une seule localité des produits d’une multitude de fabrique
              
              
              différentes.  
             Les expressions usitées dans les textes du moyen âge pour
              
              
              désigner le papier furent celles-là mêmes qui avaient
              
              
              servi auparavant à désigner le papyrus, dont l’usage était
              
              
              tombé en désuétude : on l’appellera charta
              
              
              et plus souvent papirus, charta papiri, parfois aussi
              
              
              charta bambacis, banbagina, bonbycina. On a cru
              
              
              longtemps que ces derniers termes indiquaient la substance même qui
              
              
              composait le papier, ou bien qu’ils se rapportaient à son apparence
              
              
              extérieure, cotonneuse ou soyeuse; mais il vaut mieux admettre
              
              
              qu’ils furent à l’origine une indication de provenance; de même
              
              
              qu’on désignait un certain produit sous le nom de "papier de Damas"
              
              
              (charta Damascena), l’expression charta Bambacis devait,
              
              
              semble-t-il, désigner une autre localité de Syrie, Bambyce,
              
              
              à trois journées d’Alep, ville prospère jusqu’au XIVe
              
              
              siècle et qui fabriquait aussi du papier. 
           
           Le papyrus, le parchemin et le papier ont été en somme les
            
            
            trois seules matières sur lesquelles on a écrit des chartes
            
            
            pendant le moyen âge. Il est vrai qu’on a cité et qu’il existe
            
            
            encore des actes gravés sur pierre et sur métal, et que l’on
            
            
            a imaginé abusivement de dénommer "chartes lapidaire" une
            
            
            catégorie de documents. Mais, en réalité, les inscriptions
            
            
            de cette espèce ne sont que des copies, souvent abrégées,
            
            
            dont les originaux étaient écrits sur parchemin.  
           Il n’en est pas moins certain que ces textes sont intéressants à
            
            
            recueillir, surtout lorsque les originaux ne se retrouvent plus. Les monuments
            
            
            de ce genre paraissent avoir été assez nombreux en Italie;
            
            
            on connaît plusieurs bulles des papes Serge Ier, Léon IV,
            
            
            Grégoire VII, gravées sur métal ou sur pierre. On peut
            
            
            encore citer, comme particulièrement curieuse, l’inscription du serment
            
            
            prêté en 1131 par les chevaliers et consuls de Nepi, encastrée
            
            
            dans le mur de la cathédrale de cette ville. En France, c’est dans
            
            
            le Midi et spécialement en Dauphiné que l’on a signalé
            
            
            la plupart des inscriptions qui reproduisent des chartes. A côté
            
            
            de celles qui sont indiquées dans le mémoire de M. Deloye,
            
            
            on peut citer la charte de franchise d’Etoile (Drôme), de 1244,
            
            
            gravée sur une table de marbre encastrée au-dessus de la porte
            
            
            latérale de l’église d’Etoile. Ces monuments sont relativement
            
            
            rares au nord de la Loire, aussi signalerons-nous la charte de Simon de Montfort
            
            
            pour la ville de Saint-Arnoult (1201-1202), qui présente cette
            
            
            particularité que le graveur y a figuré un sceau (l'inscription
            
            
            n'est que du XVIe siècle et le document probablement faux). On rencontre
            
            
            en Allemagne des inscriptions analogues : la plus célèbre est
            
            
            la reproduction des privilèges concédés à Mayence
            
            
            en 1135, gravée sur les portes de bronze de la cathédrale.  
           On sait que l’usage d’écrire sur des tablettes de bois ou d’ivoire
            
            
            enduite de cire a été répandu pendant tout le moyen
            
            
  âge et s’est perpétué presque jusqu’à nos jours.
            
            
            L’école des Chartes possède une tablette de cire qui servait
            
            
            il y a moins de quarante ans à la poissonnerie de Rouen; elle est
            
            
            tout à fait semblable aux tablettes du moyen âge qui nous sont
            
            
            parvenues et accompagnée de son "style" de métal, pointu d’un
            
            
            côté, aplati de l’autre pour permettre d’effacer
            
            
            l’écriture. Mais naturellement on n’a jamais écrit sur la cire
            
            
            des actes dont on voulait assurer la durée.  
           On employait les tablettes pour apprendre à écrire et prendre
            
            
            des notes; on y écrivait des minutes ou même des lettres (Wibald
            
            
            de Stavelot écrit, en 1148, au pape Eugène III : "Quae
            
            
            vero post exitum nostrum acta sint, ex litteris quas quidam frater Fuldensis
            
            
            nobis, non in membrana scriptas est in tabella, transmisit, cognoscere
            
            
            poteritis"). Un auteur du Xe siècle reproduit un testament
            
            
  écrit au IXe sur des tablettes de cire . Mais on s’en est servi surtout
            
            
            pour écrire des comptes; ce sont des comptes qui renferment la plupart
            
            
            des tablettes du moyen âge qui nous sont parvenues. Les plus
            
            
            célèbres sont les quatorze tablettes conservées au
            
            
            Trésor des chartes qui contiennent les comtes de recettes et de
            
            
            dépenses, en 1256 et 1257, de Jean Sarrasin, chambellan de Louis IX
            
            
            (publiées dans le tome XXI du "Recueil des historiens de la
              
              
              France"); d’autres tablettes conservées à la Bibliothèque
            
            
            Nationale, à Genève et à Florence, contiennent des comptes
            
            
            analogues de Pierre de Condé et de Jean de Saint-Just pour les
            
            
            règnes de Philippe III et de Philippe IV (publiées dans le
            
            
            tome XXII du susdit "Recueil..."). On doit citer aussi les tablettes
            
            
            de cire des archives municipales de Senlis, contenant la minute des comptes
            
            
            faits à l’occasion d’une enquête sur la gestion financière
            
            
            des magistrats municipaux en 1319, et des tablettes de cire de l’abbaye de
            
            
            Citeaux contenant des comptes du commencement du XIVe siècle .  
           Encres; initiales ornées.  
           L’encre noire a été employé à peu près
            
            
            seule pour écrire les documents diplomatiques.  
           De nombreuses recettes, dont quelques-unes remonte à
            
            
            l’antiquité, nous renseigne sur la composition des encres qui ont
            
            
  été en usage pendant le moyen âge. La plupart avait pour
            
            
            base la noix de galle et le vitriol (sulfate de fer ou de cuivre), auxquels
            
            
            s’ajoutait de l’eau, additionnée de gomme et souvent de vin ou de
            
            
            vinaigre. L’excès d’acidité de sulfate de fer a souvent donné
            
            
  à l’encre une teinte rousse ou jaunâtre; le sulfate de cuivre
            
            
            lui donnait du brillant, mais parfois la faisait tourner au vert. La teinte
            
            
            rousse ou jaunâtre s’observe fréquemment dans les documents
            
            
            antérieurs au XIe siècle; du XIe à la fin du XIIIe,
            
            
            l’encre a été particulièrement noire et brillante, celle
            
            
            des documents postérieurs a ordinairement pâli. Ces caractères
            
            
            généraux sont du reste trop incertains pour que la critique
            
            
            en puisse tirer parti; en cas d’addition postérieures, de surcharge
            
            
            ou d’interpolations, les différences dans la teinte des encres les
            
            
            signalent aussi sûrement que les caractères de
            
            
            l’écriture.  
           Souvent, par suite de la mauvaise qualité de l’encre, sous l’action
            
            
            du temps, de la lumière ou du frottement, l’écriture a presque
            
            
            disparu. Pour le faire revivre on a fréquemment employé des
            
            
            procédés qui ont laissé sur les documents de larges
            
            
            traces brunes ou bleuâtres et rendu les textes encore moins lisibles
            
            
            qu’ils n’étaient auparavant.  
           Il n’existe qu’un seul moyen de faire revivre les anciennes écritures
            
            
            sans altérer les manuscrits : il consiste à étendre
            
            
  à l’aide d’un pinceau sur la partie du texte qui est effacée
            
            
            une couche légère de sulfhydrate d’ammoniaque concentré.
            
            
            Ce procédé a l’inconvénient de ne faire reparaître
            
            
            l’écriture que pour quelques instants, mais c’est à peine
            
            
            s’il laisse sur le parchemin ou sur le papier une légère trace
            
            
            brillante (il va de soit que aujourd'hui, nous ne pouvons plus utiliser cette
            
            
            technique. On préfèrera de beaucoup l'utilisation des rayons
            
            
            ultraviolets avec une lampe de Wood).  
           A l’imitation des empereurs d’Orient, quelques souverains de l’Italie et
            
            
            de l’Allemagne firent expédier certains diplômes
            
            
            particulièrement solennels en lettres d’or, tracées parfois
            
            
            sur du parchemin teint en pourpre. Le plus célèbre de ces documents
            
            
            est le privilège accordé, le 13 février 952, par
            
            
            l’empereur Otton Ier à l’église romaine. Il faut observer toutefois
            
            
            que l’exemplaire écrit en or sur parchemin pourpre, conservé
            
            
            aux archives du Vatican, n’est qu’une copie contemporaine non dépourvue
            
            
            d’un certain caractère officiel.  
           En Italie, l’usage de la chrysographie ne fut pas restreint aux diplômes
            
            
            des souverains ; M. Paoli a signalé deux actes privés, l’un
            
            
            de Salerne (1015), l’autre d’Arezzo (1114), où certains mots et quelques
            
            
            formules ont été écrits à l’encre d’or. Il ne
            
            
            semble pas qu’aucune chancellerie française ait jamais fait usage
            
            
            d’encre métallique, sinon dans quelques lettres ornées dont
            
            
            il sera question plus loin. La dernière mention qu’on possède
            
            
            d’un document écrit en lettres d’or est relative à la copie
            
            
            d’un privilège de Frédéric II et se trouve dans un
            
            
            diplôme du même empereur en date du 24 février 1219.  
           L’encre rouge, d’un usage si fréquent dans les manuscrits du moyen
            
            
  âge, n’a été que très exceptionnellement
            
            
            employée dans les documents diplomatiques. On sait que les empereurs
            
            
            byzantins souscrivaient leurs diplômes au cinabre. Un de leurs actes,
            
            
            conservé dans les archives de Saint-Denis, au bas duquel se lit le
            
            
            mot legimus, tracé en grands caractères rouges (Archives
            
            
            nationales K 7, n° 17 3),
            
            
            paraît avoir servi de modèle à la chancellerie de Charles
            
            
            le Chauve dont plusieurs diplômes reproduisent, également à
            
            
            l’encre rouge, cette souscription. Vers le même temps les princes de
            
            
            Capoue, de Bénévent et de Salerne traçaient à
            
            
            l’encre rouge le monogramme qui se trouve au bas de leurs diplômes.
            
            
            On observe le même fait dans un diplôme du roi de France, Louis
            
            
            VI le Gros, de 1127, où la première ligne et les lettres initiales
            
            
            de chaque phrase ont été, comme le monogramme, tracées
            
            
  à l’encre rouge (Archives nationales K 22, n° 5).  
           Si, dans les diplômes et les chartes, l’emploi de l’encre rouge a toujours
            
            
  été exceptionnel, elle a été par contre d’un
            
            
            usage fréquent dans les cartulaires et d’une manière plus
            
            
            générale dans les registres et les rouleaux, où l’on
            
            
            s’en servait pour les titres, qui en on retenu le nom caractéristique
            
            
            de rubriques.  
           Les grandes initiales peintes, ornées et historiées, ont toujours
            
            
  été des exceptions dans les documents diplomatiques. On pourrait
            
            
            les croire plus fréquentes, d’après le nombre des documents
            
            
            ainsi ornés que l’on rencontre dans les vitrines des dépôts
            
            
            publics ou dans les recueils de fac-similés, si l’on ne savait qu’on
            
            
            est toujours complu assez naturellement à rechercher ces curiosités
            
            
            pour les exposer ou les reproduire. Les exemples que l’on peut citer se
            
            
            rapportent généralement à des actes d’une solennité
            
            
            ou d’une importance particulières, et ce sont parfois, non pas les
            
            
            originaux même, mais des copies que le possesseur de l’acte a fait
            
            
            exécuter avec luxe, plus ou moins longtemps après la date de
            
            
            l’original. De ce nombre est par exemple une copie, accompagnée de
            
            
            miniatures, exécutée en 1293, de la charte confirmative de
            
            
            biens, concédée en 968, à l’abbaye de Sainte-Glossinde
            
            
            par l’évêque de Metz .  
           Dans les documents originaux, ce n’est pas avant le XIe siècle que
            
            
            l’on rencontre parfois quelques ornements; encore ne portent-ils guère
            
            
            que sur la lettre de l’acte, tracée en capitale, en onciale ou en
            
            
  écriture de fantaisie et accompagnée de quelques rinceaux.
            
            
            Tel est le C initial d’une charte d’Imbert, évêque de Paris,
            
            
            de 1045 (Archives nationales K 19, n° 2 6).  
           Au XIIe siècle, quelques copistes de manuscrits, auxquels il arrivait
            
            
            d’écrire des chartes, y apportaient leurs habitudes de calligraphie
            
            
            et y plaçaient des initiales ornées et peintes. C’est le cas
            
            
            d’une charte de l’église de Laon de 1186 (Archives nationales L 731).  
           Ces enjolivement sont un peu plus fréquent au siècle suivant,
            
            
            et il n’est pas très rare de rencontrer des chartes du XIIIe siècle
            
            
            dont la lettre initiale est ornée d’une vignette. L’ornementation
            
            
            de la première lettre ou même de la première ligne des
            
            
            chartes devint bientôt presque une mode pour certaines catégories
            
            
            de documents.  
           A coté de grandes initiales pleines, ajourées ou brodées,
            
            
            ornées de rinceaux, peintes et dorées, analogues à celles
            
            
            des manuscrits du même temps, on en trouve d’autres où les ornements
            
            
  à la plume, à peine rehaussés de touches légères
            
            
            de couleur, sont d’une fantaisie bizarre et charmante et d’une grande
            
            
            variété; ce sont des têtes grimaçantes, des animaux
            
            
            fantastiques, des monstres de toutes sorte, parfois des figures
            
            
  élégantes et gracieuses, ou de petites scènes de la
            
            
            vie réelle, qui prennent place dans les grandes lettres par lesquelles
            
            
            commencent les chartes.  
           Les actes les plus sérieux, ceux même de la chancellerie royale,
            
            
            reçoivent parfois de la fantaisie et de l’imagination des calligraphes
            
            
            une décoration de ce genre. L’un des plus ancien exemple que l’on
            
            
            puisse citer est une charte du roi Philippe le Hardi de 1283, dont les lettres
            
            
            Ph. (abréviation de Phillipus) sont ornées de figures
            
            
            grotesques et surmontées d’un rat (Archives nationales K 33, n°
            
            
            8). Mais ce sont surtout les actes des princes du XIVe siècle, amateurs
            
            
            de beaux livres, Philippe VI, Charles V, Charles VI, Louis de Bourbon, Jean
            
            
            de Berry, qui présentent en ce genre un véritable luxe de vignettes
            
            
            et d’ornements.  
           Toute une catégorie d’acte, les promesses de prières faites
            
            
            aux princes par les églises, en reconnaissance de fondations, ont
            
            
            reçu ainsi une ornementation calligraphique historiée, souvent
            
            
            d’une grande finesse et d’une grande élégance
            
            
            d’exécution. On peut citer à titre d’exemple des chartes de
            
            
            ce genre du chapitre de Rouen (1366 - Archives nationales J 463 n° 53),
            
            
            de celui de Noyon (1368 - Archives nationales J 465 n° 36), du chapitre
            
            
            général des Chartreux (1368 - Archives nationales J 465 n°
            
            
            32), des cordeliers de Paris (1370 - Archives nationales J 465 n° 40),
            
            
            de l’abbaye de Royaumont (1374 - Archives nationales J 461 n° 48), de
            
            
            l’abbaye de Chaalis (1378 - Archives nationales J 466 n° 52), de la
            
            
            Sainte-Chapelle (1386 - Archives nationales J 187 n° 15).  
           Une autre espèce de documents, les actes d’aveu et d’hommage, commence
            
            
            assez souvent aussi, particulièrement au XVe siècle, par une
            
            
            lettre historiée, représentant le vassal aux pieds de son suzerain,
            
            
            mais celle-ci communément exécutée dans le goût
            
            
            des miniatures de manuscrits et généralement sans grand
            
            
            intérêt artistique. Il est probable que les enlumineurs
            
            
            exécutèrent couramment à cette époque des feuilles
            
            
            de parchemin ainsi ornées, comme on a vendu plus tard du papier
            
            
            décoré d’attributs.  
           A partir du XIVe siècle, des armoiries figurent parfois, soit comme
            
            
            motif principal, soit comme accessoire, dans l’ornementation des initiales.
            
            
            Cette ornementation devient depuis la fin du XVe siècle plus rare
            
            
            encore qu’auparavant et en quelques sorte purement calligraphique : ce ne
            
            
            sont plus que des paraphes hardis, formés de pleins et de
            
            
            déliés, combinés et enchevêtrés pour former
            
            
            des entrelacs, des rinceaux ou d’autres motifs. La première ligne
            
            
            des bulles pontificales notamment a parfois reçu une décoration
            
            
            de ce genre. Tout à fait exceptionnellement on retrouve au XVIIe
            
            
            siècle des majuscules à rinceaux dorés et coloriés
            
            
            .  
           Les ornements sont plus fréquents dans les cartulaires et dans les
            
            
            registres que dans les chartes originales. Ils se rapprochent davantage de
            
            
            l’exécution des livres et il est moins rare d’y rencontrer des initiales
            
            
            ornés, des encadrements et même des miniatures indépendantes.  
           On se bornera à signaler ici, à titre d’exemples, la
            
            
            représentation d’un aveu rendu au procureur du roi de Majorque, en
            
            
            tête d’une page d’un registre d’aveu ou capbreu de Saint-Laurent
            
            
            de la Salanque, écrit dans les dernières années du XIIIe
            
            
            siècle, et le registre JJ 5 du Trésor des chartes qui renferme
            
            
            la copie exécutée en 1309, des négociations de Philippe
            
            
            III et de Philippe IV avec l’Angleterre, Lyon, la Flandre et
            
            
            l’Écosse. Ce volume est remarquable par ses encadrements et ses initiales;
            
            
            l’une d’elles représente les bourgeois de Lyon remettant à
            
            
            l’envoyé du roi de France Philippe le Hardi l’acte par lequel ils
            
            
            se placent sous sa protection.  
           L’écriture  
           Les documents diplomatiques originaux ont toujours étaient écrits
            
            
  à longues lignes, sans alinéas ni interlignes, d’un seul
            
            
            côté du parchemin ou du papier. Cette règle
            
            
            générale ne comporte qu’un petit nombre d’exceptions.  
           Quelques rares documents d’une teneur particulièrement longue ont
            
            
  été disposés sur deux colonnes, comme par exemple un
            
            
            vidimus de 1273 de la charte des coutumes de Montferrand.  
           Les alinéas ou l’inégal espacement des lignes sont plus rares
            
            
            encore. Dans les chartes anciennes, les souscriptions et la date se
            
            
            détachent seules de la teneur; elles y sont presque toujours réunies
            
            
            depuis le XIIe siècle. Au XIe siècle cependant, époque
            
            
            ou l’on méconnaissait volontiers toutes les règles, on rencontre
            
            
            quelques actes originaux divisés par des alinéas. Mais, en
            
            
            dehors de ces exceptions, si long que soit le document, si multipliées
            
            
            qu’en soient les dispositions, elles se suivent sans intervalle du commencement
            
            
  à la fin.  
           La ponctuation, qui ne comporte guère que deux signes : le point pour
            
            
            la fin des phrases, et le point surmonté d’une virgule retournée
            
            
            pour la ponctuation faible, y est fort irrégulièrement
            
            
            marquée; parfois seulement des lettres majuscules, auxquelles le scribe
            
            
            a donné plus d’importance qu’à d’autres, marquent le commencement
            
            
            des périodes ou de ce que nous pourrions appeler des paragraphes.
            
            
            Quelquefois aussi, dans certains documents, quelques noms propres, écrits
            
            
            en capitales, en onciales ou en lettres espacées, se détachent
            
            
            de l’écriture uniforme du texte.  
           La règle de n’écrire la teneur d’un document original que
            
            
            d’un seul côté de la feuille, du côté de la chair
            
            
            lorsqu’il s’agissait de parchemin, paraît avoir été absolue
            
            
            au moyen âge. Les prétendues chartes opistographes que l’on
            
            
            a signalées se sont trouvées, vérification faite,
            
            
            n’être que des copies. C’est tout au plus si l’on a pu citer un document
            
            
            du VIIIe siècle, dans lequel le défaut de place au recto a
            
            
            fait ajouter au verso quelques-unes des souscription. Cet usage
            
            
            d’écrire sur un seul côté de la feuille remonte certainement
            
            
  à l’antiquité, au temps ou les actes écrits sur papyrus
            
            
            devaient former des rouleaux; il s’est maintenu lorsque le parchemin se fut
            
            
            substitué au papyrus, et lorsque, au lieu de rouler les documents,
            
            
            on eut pris l’habitude, générale au moyen âge, de les
            
            
            replier sur eux-mêmes plusieurs fois dans chaque sens, de façon
            
            
  à former de chaque acte une sorte de paquet aussi petit que possible.
            
            
            La partie visible du verso de la pièce ainsi pliée recevait
            
            
            des cotes, des titres ou des analyses. Ces indications, parfois contemporaines
            
            
            des documents ou de peu postérieures, peuvent être fort utiles
            
            
            pour en déterminer la provenance.  
           Depuis le XVe siècle, on écrivit au recto et au verso les actes
            
            
            d’une longueur exceptionnelle, pour lesquels on employa des feuillets de
            
            
            parchemins disposé en cahier. Il en fut ainsi notamment de certaines
            
            
            bulles pontificales et de certains actes d’aveu et de dénombrement.
            
            
            Cet usage s’étendit peu à peu à d’autre actes pendant
            
            
            les siècles suivants, mais il ne devint jamais général,
            
            
            et jusqu’à nos jours des actes tels que les diplômes universitaires,
            
            
            les brevets, les commissions, les passeports, etc., ont conservé la
            
            
            tradition et ne sont écrits que d’un seul côté de la
            
            
            feuille.  
           Dans les documents sur papyrus et dans les plus anciens documents sur parchemin
            
            
            on ne voit aucun vestige de réglure. Mais depuis le commencement du
            
            
            IXe siècle, les parchemins sur lesquels on devait écrire des
            
            
            chartes portent fréquemment la marque des lignes parallèles,
            
            
            tracées avec un style à pointe mousse, pour servir de guide
            
            
            au scribe. Tantôt ces lignes étaient tracées sur la face
            
            
            du parchemin destinée à recevoir l’écriture et tantôt
            
            
            au verso; dans ce cas le scribe se guidait sur la saillie produite au recto
            
            
            par cette réglure.  
           L’usage de régler le parchemin à la pointe sèche dura
            
            
            jusqu’à la fin du XIe siècle, mais il ne fut jamais
            
            
            général; faute de cette précaution, dans nombre de
            
            
            documents, les lignes d’écriture ne sont ni droites, ni également
            
            
            espacées, ni parallèles. A la fin du XIe siècle
            
            
            apparaît la réglure au crayon. Pour exécuter cette
            
            
            réglure, souvent le scribe indiquait préalablement par des
            
            
            points, marqués probablement à la pointe du compas, le commencement
            
            
            et la fin de chaque ligne : Puncti punctantur, sequitur quos linea plumbi,
            
            
            consilio quorum linea tendit iter ("De natura animalium",
            
            
            poème de Conrad de Mure).  
           Fréquemment ces points demeurent le seul vestige de la réglure,
            
            
            soigneusement effacée suivant le précepte du même auteur:
            
            
  "Si linee cum ligniculo vel alias fiunt pro ipsius scribentis ductu,
            
            
            non debent apparere".  
           Parfois aussi depuis le XIIe siècle, la réglure a été
            
            
            faite en traçant des lignes légère à l’encre,
            
            
            et quelquefois, mais rarement, à l’encre rouge. Dans les actes
            
            
            soignés, on s’appliquait à ne tracer de lignes qu’aux endroits
            
            
            destinés à recevoir l’écriture, et presque toujours
            
            
            on en ménageait les marges.  
           La réglure peut servir d’élément utile à la critique
            
            
            diplomatique, mais à la condition de multiplier les observation sur
            
            
            les documents émanés d’une même chancellerie. On ne l’a
            
            
            guère fait jusqu’ici que pour les actes des monarques carolingiens,
            
            
            des souverains de la Germanie et des papes antérieurs au XIIIe
            
            
            siècle.  
           Lorsqu’un acte était aboli ou annulé, ou simplement lorsqu’il
            
            
  était devenu inutile, on en barrait la teneur à l’encre par
            
            
            de grands traits qui se croisaient en X, ou encore on le lacérait
            
            
            de la même manière au canif. C’est là un procédé
            
            
            qui remonte à l’antiquité et qu’on exprimait par le mot
            
            
            cancellare, parce que l’écrit ainsi effacé était
            
            
            recouvert comme d’une espèce de treillis. La chose et le mot se sont
            
            
            conservés au moyen âge. C’est ainsi qu’on eut souvent soin,
            
            
  à partir du XIIIe siècle, de spécifier dans les vidimus
            
            
            que l’acte vidimé n’était pas cancellé. Les documents
            
            
            cancellés sont assez communs dans les dépôts
            
            
            d’archives, encore faut-il observer que la cancellation n’a pas eu toujours
            
            
            la même valeur ; les notaires par exemple cancellaient leurs minutes
            
            
            lorsqu’ils en avaient délivré expédition.  
           Les corrections, ratures, exponctions, grattages et renvois ne sont pas
            
            
            très rares dans les originaux des actes authentiques, surtout à
            
            
            l’époque ancienne. Même à la chancellerie pontificale
            
            
            on s’est toujours moins soucié de les éviter que d’observer
            
            
            par exemple certaines règles d’abréviations, et il arrivait
            
            
            qu’on effaçât un passage où ces règles étaient
            
            
            mal observées pour le récrire en surcharge; aussi les bulles
            
            
            apostoliques présentent assez souvent des traces de grattages qui
            
            
            ne doivent pas les rendre suspectes. Dans les actes dressés par les
            
            
            notaires, ceux-ci mentionnaient et approuvaient, généralement
            
            
            dans la formule de souscription, à peu près comme on le fait
            
            
            encore aujourd’hui, les corrections, ratures et surcharges qui pouvaient
            
            
            se trouver dans les documents.  
           Les documents désignés sous le nom de chartes-parties présentent des dispositions particulières. Lorsque, pour une
            
            
            raison quelconque, on devait expédier un acte en plusieurs originaux,
            
            
            l’habitude s’établit d’écrire ces divers originaux sur une
            
            
            même feuille de parchemin et de tracer en gros caractères entre
            
            
            eux une devise que l’on coupait par le milieu en séparant les exemplaires.
            
            
            Le rapprochement des originaux pouvait éventuellement justifier leur
            
            
            authenticité respective. C’est l’origine du système si
            
            
            répandu aujourd’hui des registres à souche. Il est difficile
            
            
            de déterminer avec précision l’époque où l’on
            
            
            a commencé à user de ce procédé. Il existe bien,
            
            
            et dès l’époque mérovingienne, des mentions nombreuses
            
            
            d’originaux multiples, de chartes d’une même teneur (chartae paricolae
            
            
            eodem tenor conscriptae), d’exemplaires remis à chacune des parties
            
            
            intéressées. Lorsque Richer raconte l’élévation
            
            
            au siège de Reims de l’archevêque Arnoul en 989, il dit bien
            
            
            que l’on dressa de ses engagements vis-à-vis du roi de France un
            
            
            cirographum bipertitum (Historiarum lib IV, 29), mais le
            
            
            défaut de toute allusion à une devise et l’absence de tout
            
            
            original ainsi disposé laissent douter qu’on ait alors employé
            
            
            ce procédé.  
           Le plus ancien document où j’aie rencontré la trace de cette
            
            
            disposition est un diplôme sans date du roi de France Henri Ier pour
            
            
            l’abbaye de Sainte-Geneviève, au bas duquel, dans l’exemplaire qui
            
            
            nous est parvenu, subsiste la partie inférieure des lettres capitale
            
            
            d’une devise formée de trois noms : PETRVS. PAULVS. GENOVEFA. De la
            
            
            même époque environ est un accord entre l’évêque
            
            
            de Gérone et Roger Ier, comte de Foix, où la devise était
            
            
            formée des lettres de l’alphabet de A à R, et dont
            
            
            l’exemplaire que nous possédons n’a conservé que la partie
            
            
            supérieure.  
           Les actes auxquels on a donné cette disposition ingénieuse
            
            
            sont devenus très nombreux dès le commencement du XIIe
            
            
            siècle, et le nombre s’en est encore accru au XIIIe et XIVe. On a
            
            
            rédigé de la sorte des actes de toute espèce, des
            
            
            privilèges, des donations, des chartes de commune, des aveux, etc.,
            
            
            mais de préférence les actes qui devaient être
            
            
            nécessairement dressés en autant d’originaux que de parties,
            
            
            tel que des accords, des conventions, des échanges, etc., et surtout
            
            
            les contrats dont on voulut garder un original au siège de la juridiction
            
            
            qui les avait dressés.  
           La devise à partager fut très souvent le mot
            
            
            cirographum, soit seul, soit accompagné d’autres mots :
            
            
            cirographum memoriale, cirographum commune, cirographum
            
            
            manuscriptum. Le terme qui suivait cirographum spécifiait
            
            
            parfois la nature de l’acte : cirographum pacis, cirographum
            
            
            de molendino. Il en résulta que le mot cirographum,
            
            
            qui à l’origine avait exprimé toute espèce de contrats,
            
            
            prit peu à peu une acception plus complexe et ne désigna plus
            
            
            guère que les actes rédigés en plusieurs expéditions
            
            
            et auxquels il servait de devise commune. C’est en ce sens que l’emploient
            
            
            beaucoup d’auteurs du moyen âge depuis la fin du XIIe siècle
            
            
            et qu’on le trouve dans un grand nombre de documents authentique. En Angleterre
            
            
            on disait de préférence charta cyrographata.  
           Mais on appelait fréquemment aussi ces actes au moyen âge
            
            
            chartae partitae ou divisae et en français chartes-parties; c’est cette dernière expression que nous avons
            
            
            adoptée pour les désigner parce qu’elle est plus exacte et
            
            
            prête moins à l’équivoque que le mot chirographe.  
           Le mot cirographum n’était pas du reste, ainsi qu’on l’a
            
            
            déjà vu, le seul qui fût employé comme devise.
            
            
            C’était souvent une invocation ou une formule pieuse : In nomine
            
            
            Domini nostri; Pacem habete inter vos; Pax hominibus bone
            
            
            voluntatis; des noms de saints, et parfois même un dessin. Mais
            
            
            la devise la plus fréquente, avec le mot cirographum,
            
            
            c’était particulièrement dans le midi de la France, la série
            
            
            des lettres de l’alphabet. D’où le nom de littera per alphabetum
            
            
            divisa et en provençal carta partida per ABC que l’on
            
            
            donnait fréquemment à ces actes.  
           Au lieu de séparer les actes par un trait droit, on a souvent, depuis
            
            
            le XIIIe siècle, découpé la devise en ligne brisée,
            
            
            de façon à former une suite de dents. Ce procédé,
            
            
            employé surtout en Angleterre, y a fait donner aux chartes-parties
            
            
            le nom de chartae indentatae, indenturae, et en français endentures. On a parfois aussi découpé la devise en
            
            
            lignes ondulées, d’où le nom de charta undulata que
            
            
            l’on rencontre parfois, mais il n’a pas eu son équivalent en
            
            
            français.  
           Bien que le nombre de ces actes ait beaucoup diminué au cours du XVe
            
            
            siècle et qu’on ait peu à peu restreint presque exclusivement
            
            
            l’emploi des chartes-parties aux contrats privés reçus par
            
            
            les échevinages, là du moins cette forme a persisté
            
            
            pendant très longtemps. Elle a duré dans le nord de la France
            
            
            jusqu’à l’époque de la création des notaires royaux
            
            
            et, dans les provinces qui faisaient partie des Pays-Bas espagnols,
            
            
            jusqu’à l’époque de la conquête française. En
            
            
            France même on fit une exception pour le pays de l’Alloeu où
            
            
            les chartes-parties subsistèrent jusqu’à la fin de l’ancien
            
            
            régime. Il en fut de même à Tournai, où j’ai vu
            
            
            moi-même, aux archives municipales, des actes de ce genre dressés
            
            
            en 1795, l’année même de la réunion à la France.  
           L’écriture des documents diplomatiques a naturellement subi les même
            
            
            transformations générales que celles des manuscrits proprement
            
            
            dits. Toutefois, dans la plupart des documents, elles s’en distingue par
            
            
            certaines particularités, dont la plus caractéristique est
            
            
            l’allongement des hastes et des queues de lettres. Comme elle est spéciale
            
            
            aux diplômes et aux chartes, elle a reçu le nom
            
            
            d’écriture diplomatique.  
           Habituellement la première ligne des diplômes et des chartes,
            
            
            ou parfois une partie de la première ligne, est en caractères
            
            
            particuliers, différents de ceux du reste de la teneur. On y a
            
            
            employé communément, depuis l’époque mérovingienne,
            
            
            une écriture allongée, à jambages grêles, souvent
            
            
            fort serrée et conséquemment difficile à lire. Tout
            
            
            en se modifiant avec le temps, l’écriture allongée est restée
            
            
            en usage, dans certaines chancelleries, jusqu’au XIIIe siècle. Mais,
            
            
            au XIe et au XIIe, on se servit aussi de capitale, d’onciale ou de
            
            
            caractères de fantaisie, parfois enchevêtrés ou enlacés
            
            
            les uns dans les autres. Plus tard, depuis le XIIIe siècle, on employa
            
            
            simplement des caractères plus gros que ceux de la teneur, et souvent
            
            
            aussi, même dans des actes écrits en cursive, de gros
            
            
            caractères gothiques plus ou moins élégants. Ajoutons
            
            
            que cette règle n’est pas absolue : dans un grand nombre de chartes,
            
            
            l’écriture de la première ligne est la même que celle
            
            
            du reste de l’acte.  
           On trouve encore parfois des écritures différentes de celles
            
            
            de la teneur au bas de l’acte, dans certaines souscriptions et dans la date,
            
            
            qui était quelquefois d’une autre main que la teneur. Lorsque les
            
            
            souscriptions sont autographes, elles présentent naturellement toutes
            
            
            les variétés possibles d’écritures.  
           Les écritures cursives et minuscules ont seules été
            
            
            employées depuis l’antiquité pour les documents diplomatiques.
            
            
            La capitale et l’onciale ne s’y rencontre pas, sauf toutefois, comme on l’a
            
            
            vu plus haut, dans la première ligne, dans les souscriptions, dans
            
            
            les devises des chartes-parties et parfois aussi dans certains noms propres
            
            
            de la teneur que l’on a voulu mettre particulièrement en relief.  
           L’ancienne cursive romaine de chancellerie, dont quelques fragments de rescrits
            
            
            impériaux nous ont conservé des spécimens, a donné
            
            
            naissance à d’autres écritures diplomatiques qui sont diversement
            
            
            développées, en France, en Italie et en Espagne, et qui ont
            
            
  été peu à peu remplacées dans toute la
            
            
            chrétienté, entre le IXe et le XIIe siècle, par la minuscule
            
            
            romane, qui procède de la réforme calligraphique accomplie
            
            
            en France sous Charlemagne, particulièrement dans l’école de
            
            
            Tours.  
           Dans les monastères des îles Britanniques, en Irlande d’abord,
            
            
            puis en Angleterre, s’est formée et développée une
            
            
  écriture particulière (scriptura scottica), qui, à
            
            
            la différence des écritures du continent, ne dérive
            
            
            pas de l’ancienne cursive romaine. Répandue dans toute la
            
            
            chrétienté par les missionnaires irlandais et anglo-saxons,
            
            
            elle ne fut pas sans influence sur la réforme calligraphique du IXe
            
            
            siècle. Sous ses formes onciale et semi-onciale, puis surtout sous
            
            
            la forme cursive, elle fut employée dans les îles Britanniques
            
            
  à écrire les actes jusqu’à l’époque de la
            
            
            conquête normande; elle entra alors en concurrence avec la minuscule
            
            
            romane importée par les vainqueurs, et fut bientôt
            
            
            complètement supplantée par elle, sauf toutefois pour les actes
            
            
            en langue nationale, pour lesquels on continua à l’employer jusqu’au
            
            
            cours du XIIe siècle.  
           En Italie on peut suivre les transformations de l’ancienne cursive dans les
            
            
            documents sur papyrus de Ravenne, de Naples et d’Arezzo, et, pour les
            
            
            siècles postérieurs, dans les chartes des grandes abbayes du
            
            
            sud de l’Italie. Cette écriture s’est en effet perpétuée
            
            
            dans la péninsule, non sans se modifier peu à peu, mais sans
            
            
            que la tradition en ait de longtemps été interrompue. Par suite
            
            
            de la rareté et de la cherté du papyrus et plus tard du parchemin,
            
            
            les caractères en sont devenus plus serrés et plus menus, en
            
            
            même temps que certaines lettres ont pris des formes particulières
            
            
            caractéristiques. Dans le nord, l’influence française fit
            
            
            prévaloir dès le VIIIe siècle la cursive
            
            
            mérovingienne; et la cursive particulière à l’Italie
            
            
            fut refoulée dans les provinces méridionales demeurées
            
            
            soumises à la domination lombarde. De là le nom
            
            
            d’écriture lombarde qui lui a été donné
            
            
            par les érudits. Elle y resista longtemps à la minuscule romane,
            
            
            jusqu’à l’époque où Frédéric II la prohiba
            
            
            dans la pratique des notaires, où elle était devenue un grimoire
            
            
  à peu prés indéchiffrable. Cette lombarde
            
            
            dégénérée, employée par les notaires du
            
            
            sud de l’Italie, variait de principauté à principauté,
            
            
            aussi la trouve-t-on nommée, suivant la provenance, littera
            
            
            beneventana, napolitana, amalfitana,
            
            
            salernitana, capuana, etc., on lui donne le nom
            
            
            générique d’écriture curiale.  
           L’écriture employée dans les bulles apostoliques est une
            
            
            dérivation particulière de l’écriture lombarde, qui
            
            
            s’est développée à la chancellerie pontificale sous
            
            
            diverses influences. Elle subit, à partir du XIe siècle, celle
            
            
            de la minuscule romane, et bientôt certains scribes de la cour romaine
            
            
            usèrent de préférence de cette dernière. Cependant,
            
            
            on retrouve certaines formes caractéristiques de l’écriture
            
            
            lombarde jusque dans les lettres du pape Pascal II (mort en 1118).  
           En Espagne, la cursive romaine est devenue, par une série de
            
            
            transformation, dont les manuscrits des VIIe et VIIIe siècles nous
            
            
            ont conservé des exemples, l’écriture à laquelle les
            
            
            savants ont mal à propos attribué le nom de visigothique. On la trouve employée dans les chartes sous la
            
            
            forme cursive, depuis le milieu du IXe siècle, - l’original le plus
            
            
            ancien que l’Espagne ait conservé date de 857 de l’ère
            
            
            chrétienne. Il s’y ajoute, au siècle suivant, une écriture
            
            
            ronde et posée, toujours exceptionnelle dans les chartes, et une cursive
            
            
            allongée qui fut surtout employée pour la première ligne
            
            
            et les souscriptions. La cursive diplomatique visigothique devint peu à
            
            
            peu moins lisible qu’elle ne l’était d’abord; elle se surchargea
            
            
            d’abréviations et présenta une grande complication de traits.  
           Dés le Xe siècle elle entra en lutte avec la minuscule romane.
            
            
            La Catalogne, placée sous l’influence française, renonça
            
            
            la première, à cette époque , à
            
            
            l’écriture visigothique. Au siècle suivant, la letra
            
            
            francisca, propagée surtout par les moines clunisiens, prit peu
            
            
  à peu possession de toute la région pyrénéenne
            
            
            (Aragon et Navarre), aussi bien pour les chartes privées que pour
            
            
            les actes royaux.  
           On sait qu’au témoignage de Rodrigue Ximenès (archevêque
            
            
            de Tolède de 1210 à 1247), la substitution de la minuscule
            
            
            romane à l’écriture visigothique aurait été
            
            
            prescrite, en 1079, par une décision d’un synode de Léon,
            
            
            présidé par l’archevêque de Tolède, Bernard, moine
            
            
            de Cluny ("...Celebrato concilio cum Bernardo Toletano primate, multa
            
            
            de officiis ecclesiae statuerunt, et etiam de cetero omnes scriptores, omissa
            
            
            littera Toletana, quam Gulfilas Gothorum episcopus adinvenit, gallicis litteris
            
            
            uterentur"). Quoi qu’il en soit de cette décision, elle ne fit
            
            
            pas disparaître immédiatement l’ancienne écriture. Dans
            
            
            les chartes de Castille, de Léon et des Asturies, la « lettre
            
            
            française » fait son apparition sous le règne d’Urraque
            
            
            (1109-1126), les deux écritures sont employées concurremment;
            
            
            l’écriture française domine dans les documents de Castille
            
            
            et de Léon, la visigothique dans ceux de Galice. Avec Alphonse VII
            
            
            (1126-1157) l’écriture nouvelle prédomine dans les actes royaux.
            
            
            Dans les actes privés, où elle a commencé à
            
            
  être employée après 1115, elle se propage assez rapidement,
            
            
            sauf en Galice, où il n’est pas rare de rencontrer des chartes en
            
            
  écriture visigothique jusqu’à l’extrême fin du XIIe
            
            
            siècle.  
           L’écriture usitée en France et dont les plus anciens
            
            
            spécimens connus remontent au VIe siècle, fut elle aussi une
            
            
            transformation de l’ancienne écriture romaine de chancellerie. Sous
            
            
            sa forme cursive elle a été employée, pendant la
            
            
            période mérovingienne, à écrire les actes
            
            
            authentiques (Presque tous les originaux qui se sont conservés sont
            
            
            aujourd’hui aux Archives nationales. Ils ont été reproduits
            
            
            en fac-similés dans les Diplomata et chartae Merovingical aetatis
              
              
              in Archivo Franciae asservata).  
           On lui donne communément le nom de cursive mérovingienne parce que la plupart des documents où on la rencontre sont des
            
            
            diplômes royaux. C’est une écriture dont les caractères
            
            
            sont très serrés et chevauchent même parfois les uns
            
            
            sur les autres; ils sont de plus surchargés de ligatures compliquées
            
            
            et de traits parasites. Elle a persisté, sans grandes modifications,
            
            
            jusque sous Charlemagne, époque où son développement
            
            
            fut brusquement interrompu par une réforme calligraphique, qui substitua
            
            
  à la cursive une autre forme d’écriture, dont les caractères
            
            
            sont indépendants les uns des autres, de formes plus arrêtées
            
            
            et de contours plus arrondis.  
           Cette nouvelle écriture est la minuscule carolingienne ou caroline, qui, devenue célèbre sous le nom
            
            
            d’écriture française, devait se répandre dans le monde
            
            
            entier, au moyen âge d’abord, en remplaçant du Xe au XIIe
            
            
            siècle dans toute la chrétienté les écritures
            
            
            nationales, et une seconde fois à la Renaissance, en se substituant
            
            
            aux formes gothiques, sous l’influence des humanistes, pour devenir
            
            
            l’écriture dite humanistique et plus tard le caractère
            
            
            romain de la typographie d’où dérive celui qui est encore en
            
            
            usage.  
           Ce n’est point ici le lieu d’exposer comment et sous quelles influences
            
            
            s’est opérée sous Charlemagne la réforme calligraphique.
            
            
            L’écriture diplomatique n’en ressentit les effets qu’à partir
            
            
            du règne de Louis le Pieux.  
           La minuscule qui fut employée depuis lors dans les diplômes
            
            
            et les chartes peut être désignée, jusqu’à la
            
            
            fin de la dynastie carolingienne, sous le nom de minuscule romane.
            
            
            Elle ne cessa jusqu’au XIIe siècle de se perfectionner en acquérant
            
            
            plus de régularité. Chaque caractère y a sa forme
            
            
            déterminée et est indépendante des autres; les traits
            
            
            en sont droits et nettement arrêtés; les abréviations
            
            
            sont fixes et employées avec mesure. C’est sous cette forme que la
            
            
            minuscule romane s’est propagée, comme on l’a dit plus haut, dans
            
            
            toute l’Europe.  
           Dans chacun des pays qui l’ont adoptées elle a continué ensuite
            
            
  à se transformer peu à peu, et naturellement les modifications
            
            
            qu’elle a subies n’ont point été partout uniformes. Dans
            
            
            l’écriture des différentes contrées de l’Europe depuis
            
            
            le XIIe siècle, on peut constater des divergences locales qui vont
            
            
            s’accentuant avec le temps. Bien plus, dans un même pays,
            
            
            l’écriture de chaque province acquiert un caractère particulier,
            
            
            qu’un oeil exercé peut parvenir à discerner; et les usages
            
            
            de certaines chancelleries ont donné à l’écriture de
            
            
            certaines catégories d’actes un aspect particulier. Mais, chose
            
            
            remarquable, ces modifications locales sont relativement peu importantes,
            
            
  à peine assez pour qu’elles puissent aider à discerner la
            
            
            provenance des documents, et somme toute l’évolution de
            
            
            l’écriture a suivi depuis le XIIe siècle une marche commune
            
            
            dans les États même les plus éloignés les uns
            
            
            des autres.  
           Une marche commune, mais non point partout aussi rapide : on peut dire que
            
            
            le développement de l’écriture a été en avance
            
            
            dans les pays de l’Ouest, en retard dans ceux de l’Est, et qu’entre les deux
            
            
            il y a approximativement une différence de tout un siècle.
            
            
            Mais il faut observer que cette notion, pour vraie qu’elle soit en ce qui
            
            
            touche l’évolution générale de l’écriture, est
            
            
            d’un secours bien insuffisant pour la solution du problème qui se
            
            
            pose constamment à qui étudie les textes du moyen âge
            
            
            : dater un document d’après ses caractères paléographiques.
            
            
            Non seulement, en effet, certains pays étaient en retard sur
            
            
            d’autres, certaines chancelleries ou certains bureaux d’écriture
            
            
            s’appliquaient à conserver la tradition d’une écriture ancienne,
            
            
            mais surtout les scribes conservaient toute leur vie l’écriture de
            
            
            leur jeunesse; aussi les problèmes de ce genre ne peuvent guère
            
            
            comporter que des solutions approximatives ou pour mieux dire incertaines.  
           Le XIIe siècle est l’âge de la belle minuscule romane, de celle
            
            
            que M Wattenbach appelle la minuscule achevée de forme (ausgebildete
              
              
              Minuskel) . Mais dès la fin de ce même siècle se
            
            
            manifestent les premiers symptômes d’une dégénérescence
            
            
            : on écrit beaucoup plus qu’autrefois, avec plus de rapidité
            
            
            et conséquemment de négligences; les abréviations se
            
            
            multiplient, et peu à peu les caractères tendent à prendre
            
            
            un aspect anguleux. C’est le commencement de la métamorphose de
            
            
            l’écriture romane en gothique qui s’effectue au cours du XIIIe
            
            
            siècle. Ce terme de gothique n’implique bien entendu aucune relation
            
            
            avec les Goths; il date d’un temps où on l’appliquait non sans
            
            
            mépris à toutes les choses du moyen âge.  
           Dès le commencement du XIIIe siècle avait reparu dans les actes
            
            
            non solennels une écriture cursive ou plutôt courante qui
            
            
            n’est autre chose qu’une minuscule négligée, dans laquelle
            
            
            les lettres d’un même mot sont écrites sans lever la plume.
            
            
            D’abord raide et droite ou penchée à gauche, formée
            
            
            de caractères serrés, elle ne tarde pas à s’espacer
            
            
            tout en réunissant les lettres par des ligatures, puis elle se resserre
            
            
            et devient plus anguleuse à la fin du même siècle et
            
            
            au commencement du suivant. Vers le même temps la combinaison de cette
            
            
            cursive avec la minuscule forme une nouvelle écriture diplomatique
            
            
            très uniforme, très répandue, et qui sert à
            
            
  écrire jusqu’aux actes les plus solennels.  
           L’usage de la cursive se propagea de plus en plus au XIVe siècle et
            
            
            au XVe siècle et presque partout elle tendit à se substituer
            
            
  à l’écriture mixte. Dans la pratique des notaires, des greffiers,
            
            
            des procureurs, elle aboutit à une écriture précipitée,
            
            
            dont les abréviations, souvent nombreuses, sont très
            
            
            irrégulières, et qui est à grand’peine lisible. En
            
            
            même temps les variétés se multiplient et
            
            
            l’écriture prend un caractère personnel plus accusé.
            
            
            La grande gothique et les lettres de forme, dont l’emploi est très
            
            
            fréquent dans les manuscrits, sont très rares au contraire
            
            
            dans les documents diplomatiques, où on ne les rencontre guère
            
            
            que dans la première ligne et encore exceptionnellement.  
           Au XVe siècle, une nouvelle réforme calligraphique se produisit
            
            
            en Italie. Les humanistes abandonnèrent la gothique et
            
            
            s’appliquèrent à reproduire l’écriture des beaux manuscrits
            
            
            où s’était conservés un grand nombre de chefs-d’oeuvre
            
            
            de l’antiquité, c’est-à-dire la minuscule caroline. Cette
            
            
            réforme, inaugurée à Florence dans les premières
            
            
            années du XVe siècle, se propagea rapidement en Italie. La
            
            
            cour romaine adopta la nouvelle écriture pour l’expédition
            
            
            des brefs.  
           En France, elle ne pénétra qu’assez tard. A partir du règne
            
            
            de Louis XII les documents diplomatiques en subirent l’influence; mais seulement
            
            
            les plus solennels, ceux qui'l était d’usage d’écrire avec
            
            
            le plus de soin. On imita plus tard l’écriture inclinée à
            
            
            droite des chancelleries italiennes, qui a conservé le nom
            
            
            d’italique. Ce fut ainsi que les formes gothiques disparurent à
            
            
            peu près complètement des documents diplomatiques au cours
            
            
            du XVIe siècle. Mais ce qui prédomina surtout pendant ce
            
            
            siècle, ce fut d’une part l’écriture individuelle et, d’autre
            
            
            part, pour toutes les écritures courantes des notariats, des greffes
            
            
            et des administrations, une cursive dégénérée,
            
            
  à peine formée et pleine des abréviations les plus
            
            
            arbitraires.  
           A la fin de ce même siècle, sous le pontificat de Clément
            
            
            VIII (1592-1605), la chancellerie apostolique inaugura une écriture
            
            
            nouvelle, singulière et particulièrement laide, composée
            
            
            de pleins énormes et de déliés d’une finesse extrême,
            
            
            surchargée d’abréviations sans rapport avec les abréviations
            
            
            conventionnelles du moyen âge. C’est la littera sancti Petri
            
            
            ou scrittura bollatica, qui est demeurée en usage pour
            
            
            l’expédition des bulles jusqu’au pontificat de Léon XIII (1878
            
            
  à 1903).  
           Au XVIIe siècle, l’écriture s’améliora notablement.
            
            
            Dans les actes publics, à l’italique ou à la bâtarde
            
            
            du siècle précédent se substitua généralement
            
            
            en France une grosse ronde, souvent tracée avec un soin extrême
            
            
            et dont le principal mérite est d’être parfaitement lisible.
            
            
            Elle est restée en usage, concurremment avec la bâtarde,
            
            
            jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Mais dans les greffes comme
            
            
            dans les études de procureur on conserva longtemps la tradition de
            
            
            la cursive déformée et dégénérée,
            
            
            qui semble au premier aspect un griffonnage indéchiffrable, et ce
            
            
            fut seulement au début du XVIIIe siècle que l’écriture
            
            
            judiciaire commença à devenir un peu plus lisible.  
           Il n’est pas rare de rencontrer dans les documents antérieurs au XI°
            
            
            siècle quelques mentions en notes tironiennes. On sait que
            
            
            l’on désigne sous ce nom un système de tachygraphie dont
            
            
            l’invention est attribuée à un affranchi de Ciceron du nom
            
            
            de Tiron. L’étude de cette écriture est naturellement du ressort
            
            
            de la paléographie et il n’y a lieu de s’occuper ici que de l’emploi
            
            
            qui en a été fait dans les documents diplomatiques.  
           Il suffira de rappeler brièvement que dans ce système, chaque
            
            
            mot est représenté par un seul caractère, composé
            
            
            d’éléments d’origine alphabétique, mais dont la combinaison
            
            
            a pris en quelque sorte par l’usage une valeur idéographique; et
            
            
            qu’à côté de ces caractères, on y emploie, pour
            
            
            exprimer les noms propres ou d’autres mots inconnus aux glossaires tironiens,
            
            
            des signes phonétiques de même origine, représentant
            
            
            chacun une syllabe.  
           C’est surtout dans les documents français et spécialement dans
            
            
            les diplômes royaux que l’on rencontre des notes tironiennes. A
            
            
            l’époque mérovingienne, elle accompagne le plus souvent la
            
            
            souscription du référendaire. La plus ancienne qu’on ait
            
            
            signalée se trouve dans un diplôme de Clotaire II (diplôme
            
            
            de 625), mais ce n’est qu’à partir du règne de Thierry III
            
            
            qu’elles deviennent fréquentes. Il n’est pas douteux que
            
            
            l’écriture tironienne ait été un système de
            
            
            tachygraphie, et non pas, comme l’a dit longtemps à tort, une
            
            
  écriture secrète, mais son emploi dans les diplômes et
            
            
  à cette place semble bien avoir été une précaution
            
            
            contre les faussaires.  
           Les mentions en notes des diplômes mérovingiens, d’une grande
            
            
            difficulté de lecture à cause de l’enchevêtrement des
            
            
            caractères, sont généralement courtes; elles contiennent
            
            
            des indications relatives à la confection de l’acte; le nom par exemple
            
            
            de celui qui l’a prescrit, ou de celui qui l’a collationné, relu ou
            
            
            souscrit. Mais, en somme, ces brèves mentions ne sont pas
            
            
            indifférentes à l’histoire. L’indication que l’ordre émane
            
            
            du maire du palais, la plus fréquente de toutes, et que l’on rencontre
            
            
            dés 677 (ordinante Ebroino majore domus), est un indice à
            
            
            retenir sur le rôle de ce grand personnage.  
           L’usage des notes tironiennes, fort restreint à l’époque
            
            
            mérovingienne, semble s’être développé sous la
            
            
            dynastie carolingienne. On écrivit alors en notes des manuscrits entiers,
            
            
            comme le recueil des formules de la chancellerie impériale de Louis
            
            
            le Pieux; on continua à mettre des mentions en note dans les
            
            
            diplômes des souverains, et dans certains pays on prit même
            
            
            l’habitude d’en ajouter aux chartes solennelles. Bien plus, l’emploi des
            
            
            notes était devenu courant à ce point, au milieu du IXe
            
            
            siècle, qu’un moine de Saint-Arnoul de Metz, voulant garder mémoire
            
            
            des détails d’une affaire, la résumait en notes tironiennes
            
            
            au verso d’un acte qui la concernait, trouvant plus pratique et plus rapide
            
            
            de l’écrire en tachygraphie qu’en écriture ordinaire.  
           Dans les diplômes des monarques carolingiens depuis Louis le Pieux,
            
            
            les notes accompagnent le plus souvent, comme auparavant, la souscription
            
            
            de chancellerie et se placent dans la ruche, mais on en trouve aussi qui
            
            
            sont jointes à l’invocation monogrammatique du début, placées
            
            
  à la suite de la date, ou parfois même immédiatement
            
            
            après la teneur. Non seulement les mentions sont plus nombreuses,
            
            
            mais elles sont souvent aussi plus développées. Ce sont assez
            
            
            fréquemment des invocations, des formules pieuses ou d’autres mentions
            
            
            oiseuses, mais fréquemment aussi des indications intéressantes,
            
            
            plus variées que celles des diplômes mérovingiens. On
            
            
            y trouve, par exemple, le nom du personnage par l’intermédiaire duquel
            
            
            le diplôme a été obtenu, le nom du dictator,
            
            
            celui du scribe, etc.  
           Ces mentions en notes, très fréquentes dans les actes royaux
            
            
            et impériaux jusqu’à la fin du IXe siècle, en disparaissent
            
            
            au Xe siècle, et bientôt la connaissance même des notes
            
            
            tironiennes ne tarda pas à se perdre si complètement dans la
            
            
            chancellerie des rois de France que les scribes ajoutèrent souvent
            
            
            par tradition, à l’endroit où il avait été
            
            
            d’usage de mettre des notes, des signes quelconques qui ressemblent vaguement
            
            
            aux caractères tironiens mais qui n’ont plus aucune signification.
            
            
            Parfois même ils s’appliquèrent à reproduire,
            
            
            d’après un diplôme antérieur, des notes qui défient
            
            
            toute tentative de déchiffrement si on ne les rapproche du modèle.  
           Si, dans les diplômes, l’usage des notes se perd au Xe siècle,
            
            
            c’est au contraire l’époque où elles se rencontrent le plus
            
            
            fréquemment dans les chartes ecclésiastiques ou privées,
            
            
            mais seulement dans une certaine région, la Touraine, où la
            
            
            connaissance s’en était perpétuée dans quelques écoles
            
            
            monastiques. On a dit plus haut que dans les actes des souverains l’emploi
            
            
            des notes avait dû être une précaution contre les faussaires,
            
            
            mais il semble bien que celles des chartes privées n’ont eu d’autre
            
            
            raison d’être que la fantaisie et la vanité des clercs qui les
            
            
            traçaient. Ce sont très rarement des mentions
            
            
            développées; on les rencontre presque toujours dans les
            
            
            souscriptions et elles n’en représentent le plus souvent que quelques
            
            
            mots, rarement le nom propre, généralement le titre suivie
            
            
            du signe S+ qui signifie subscripsit. Les plus longues
            
            
            sont les souscriptions des scribes. Cet emploi des notes a duré
            
            
            jusqu’à l'extrême fin du Xe siècle. Au XIe on rencontre
            
            
            encore quelque temps la signification, mais qui se perdent peu à peu.
            
            
            Le plus usité est toujours le signe S+ (subscripsit) qui termine les souscriptions; mais la notion exacte
            
            
            de la signification finit aussi par s’oublier, et il n’est pas rare, au cours
            
            
            du XIe siècle, de le voir plaçé devant le nom au
            
            
            génitif (S+ Gosfredi, par exemple); dans la
            
            
            pensée de ceux qui le traçaient il représentait alors
            
            
  évidemment le mot signum.  
           Un autre système de tachygraphie, une écriture syllabique,
            
            
            dérivée des notes tironiennes, a été employée
            
            
            en Italie au Xe siècle et dans les premières années
            
            
            du XIe. Comme les notes tironiennes proprement dites, cette écriture
            
            
            a servi tantôt de tachygraphie, pour prendre des notes rapides, inscrire
            
            
            au dos des actes des mentions (analyses ou minutes), et tantôt
            
            
            d’écriture secrète, comme précaution contre les faussaires.
            
            
            C’est le cas, par exemple, des souscriptions en notes qui se trouvent au
            
            
            bas de quelques bulles de Silvestre II.  
           Les éditeurs de textes du haut moyen âge négligent trop
            
            
            souvent les notes qui se rencontrent dans les documents qu’ils publient.
            
            
            Pour cette époque reculée, toutes ces mentions et même
            
            
            les moindres ont un intérêt; à défaut d’un
            
            
            déchiffrement, qu’il n’est pas toujours possible de donner, il faut
            
            
            avoir soin de faire mention de ces signes, ou mieux d’en donner une reproduction
            
            
            exacte. Les procédés de fac-similés d’après les
            
            
            images photographiques sont aujourd’hui assez répandus et assez peu
            
            
            coûteux pour qu’il soit souvent possible de joindre aux publications
            
            
            de textes des illustrations de cette nature.  
           L’étude critique des documents conduit fréquemment le diplomatiste
            
            
  à essayer de discerner le caractère individuel d’une écriture
            
            
            et à y rechercher pour ainsi dire la marque de la personnalité
            
            
            de son auteur. Il faut décider si toutes les parties d’une charte
            
            
            sont de la même main, déterminer dans une série de
            
            
            diplômes ceux qui sont l’oeuvre d’un même scribe, reconnaître
            
            
            dans un document l’écriture d’un personnage.  
           Il n’est pas indifférent à la critique de savoir si, dans les
            
            
            grandes bulles, par exemple les souscriptions des cardinaux sont autographes
            
            
            ou si elles ont été tracées par des scribes, de discerner
            
            
            dans un diplôme royal, dont l’authenticité ou le caractère
            
            
            original pourraient être suspectés, la main d’un scribe ordinaire
            
            
            de la chancellerie. Et, pour prendre un exemple plus précis, on conviendra
            
            
            qu’il y a quelque intérêt à reconnaître dans la
            
            
            date des années de l’incarnation ajoutée à presque toutes
            
            
            les chartes anciennes de l’abbaye de Saint-Maur-des-Faussés,
            
            
            l’écriture d’un moine historien qui les compulsait au XIe siècle
            
            
            en vue de raconter la vie du bienfaiteur de l’abbaye.  
           La solution de tous les problèmes de ce genre qui peuvent se
            
            
            présenter est fondée en grande partie sur la comparaison des
            
            
  écritures. Relativement faciles à partir de l’époque
            
            
            où l’emploi ordinaire de la cursive donne à l’écriture
            
            
            un caractère assez personnel, les recherches de cette nature sont
            
            
            beaucoup plus délicates pour l’époque où l’emploi ordinaire
            
            
            de la cursive donne à l’écriture un caractère assez
            
            
            personnel, les recherches de cette nature sont beaucoup plus délicates
            
            
            pour l’époque de la minuscule. On peut dire toutefois que, si
            
            
            impersonnelle qu’ait été pendant longtemps l’écriture
            
            
            des chartes, un oeil exercé arrive toujours à y discerner certaines
            
            
            particularités par où se décèle la personnalité
            
            
            du scribe. La première des conditions, en effet, pour arriver à
            
            
            faire avec fruit les observations et les comparaisons utiles au but que
            
            
            l’on poursuit, c’est d’apprendre à voir, d’acquérir par
            
            
            l’exercice l’éducation de ses yeux.  
           Mais il n’en est pas moins vrai qu’il existe dans les écritures du
            
            
            moyen âge certains caractères particuliers qui peuvent
            
            
            déterminer la méthode à suivre à cet égard.
            
            
            L’un des plus importants est ce que l’on pourrait nommer le trait, qui
            
            
            dépend de la manière particulière à chaque scribe
            
            
            de tenir et de conduire sa plume, et qui donne à l’exécution
            
            
            des pleins et des déliés plus ou moins de force, de finesse,
            
            
            d’élégance, de fermeté ou d’incertitude.  
           Il faut aussi remarquer que les scribes du moyen âge, à
            
            
            l’époque du moins où ils employèrent la minuscule,
            
            
            dessinaient plutôt qu’ils n’écrivaient dans le sens que nous
            
            
            attachons aujourd’hui à ce terme; au lieu de tracer comme nous le
            
            
            faisons une lettre d’un seul trait, ils levaient la plume à plusieurs
            
            
            reprises; il en résulte que certains caractères sont composés
            
            
            de trois, quatre et jusqu’à cinq traits de plume, droits ou courbés.
            
            
            C’est en ce point que la manière particulière à chaque
            
            
            scribe se révèle le plus sûrement. A défaut des
            
            
            originaux, l’observation se peut faire sur les fac-similés qui ont
            
            
            pour base de bonnes reproductions photographiques; mais on comprendra
            
            
            qu’elle n’a plus la même valeur si on la fait sur des reproductions
            
            
            qui dérivent d’un dessin ou d’un calque.  
           On doit considérer encore que les écrivains des chartes n’ont
            
            
            pas eu plus que nous une écriture uniforme, constante, toujours semblable
            
            
  à elle-même. Le plus ou moins de hâte, l’existence d’un
            
            
            modèle, la dimension et la qualité du parchemin, la nature
            
            
            même de l’acte, sont, entre beaucoup d’autres, des circonstances qui
            
            
            influaient sur le caractère de l’écriture d’un scribe.  
           On ne saurait, non plus, comme on l’a fait trop souvent, déterminer
            
            
            son jugement d’après la forme particulière d’une seule ou
            
            
            même de quelques lettres. Il pouvait arriver, et il arrive en effet,
            
            
            qu’entre les diverses formes d’une même lettre un scribe choisissait
            
            
  à sa fantaisie tantôt l’une et tantôt l’autre. On doit
            
            
            donc se garder d’employer pour comparer des écritures le
            
            
            procédé en quelque sorte mécanique qui consiste à
            
            
            isoler quelques caractères d’un texte également isolés.
            
            
            Il faut reconnaître cependant que, tout en comparant les écritures
            
            
            dans leur ensemble, il y a dans les documents certaines parties, certaines
            
            
            phrases, certains mots, certaines lettres, certains signes, sur lesquels
            
            
            on peut porter une attention particulière.  
           Il en est ainsi des parties où se rencontrent des formules communes
            
            
  à la plupart des documents : invocation, suscription, clauses finales,
            
            
            souscription, date, apprécation, que le scribe devait écrire
            
            
            pour ainsi dire machinalement, et où se trahissent inconsciemment
            
            
            ses habitudes de plume; il en est ainsi encore de la première ligne
            
            
            en écriture allongée et de tous les mots dont
            
            
            l’écriture diffère de la minuscule ordinaire; il en est ainsi
            
            
            enfin des lettres initiales ou finales des mots, des hastes et des queues,
            
            
            des ligatures, des signes d’abréviations et de ponctuation, etc.,
            
            
            partout enfin où l’on peut présumer que certaines formes se
            
            
            sont en quelque sorte stéréotypées et doivent déceler
            
            
            la main d’un seul scribe alors même qu’il aurait employé des
            
            
  écritures différentes. Il va de soi que les habitudes
            
            
            orthographiques doivent entrer aussi en ligne de compte. Mais il ne faut
            
            
            pas oublier que beaucoup de ces particularités d’écriture peuvent
            
            
            provenir d’influences d’école ; qu’elles peuvent se transmettre de
            
            
            maître à élève, et, dans les bureaux, de
            
            
            supérieur à subalterne.  
           
          Livre des sources médiévales:  
              SOMMAIRE
           
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.  
          These sources are now part of the Internet Medieval Sourcebook.  
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