Livre des sources médiévales:  
            LA CHARTE-LOI DE BETISSART ACCORDEE  
            PAR JEHAN SEJOURNET LE 15 NOVEMBRE 1411                       
           Auteur: Daniel Leclercq leclercq.daniel@unicall.be  
           (photos de l'auteur - tous droits réservés)  
           
           Contexte général  
           En 1324, Marguerite d'Avesnes épouse l'empereur Louis de Bavière.
            
            
            Lorsque le comte de Hainaut Guillaume II décède, c'est Marguerite
            
            
            qui hérite des Etats d'Avesnes. Le Hainaut passe petit à petit
            
            
            à la maison de Bavière. En 1404, le fils d'Aubert de Bavière,
            
            
            Guillaume IV devient comte de Hainaut. Il a 38 ans. 
             Chièvres, "bonne ville du Hainaut" depuis 1406, va connaître
              
              
              un déclin inéluctable. Par contre, Ath se développe
              
              
              de façon considérable. La deuxième enceinte urbaine
              
              
              englobe une ville prospère (voir plan n°1 147 Ko). En 1394, la construction de l'église Saint-Julien est
              
              
              entamée sur un terrain offert par Jean Séjournet
              
              
              l'Aîné. Celui-ci devient seigneur de Bétissart dans les
              
              
              dernières années de sa vie (Il meurt en 1414). Il accorde une
              
              
              charte-loi à Bétissart le 15 novembre 1411.  
             Sans entrer dans les détails, peut-on imaginer comment était
              
              
              la seigneurie de Bétissart au début du XVème siècle
              
              
              ?  
             La "réserve seigneuriale" nous est bien connue (1). Le château,
              
              
              avec donjon sur motte, est entouré de huit tours et de douves. La
              
              
              "cense seigneuriale" est située dans une sorte de presqu'île
              
              
              qui renforçait la défense du château vers le nord. Les
              
              
              bâtiments de cette ferme, encadrant un vaste terre-plein, étaient
              
              
              très importants. Des terres labourables, des près, des jardins,
              
              
              des vergers et des bois complétaient la réserve (voir plan n°2 93 Ko).  
             A côté de la réserve seigneuriale, on trouve les
              
              
              "héritages". Le terme d'héritage a un sens très précis
              
              
              : par opposition au fief, l'héritage est une terre louée moyennant
              
              
              un cens perpétuel, héréditaire. Ce type de tenure comprenait
              
              
              généralement un courtil (enclos où le manant
              
              
              résidait), une maison, une ou plusieurs parcelles de terre, des
              
              
              prairies,...  
             Une partie non négligeable des terres de la seigneurie constitue les
              
              
              waréchaix. Les waréchaix désignaient certains fonds
              
              
              de nature sur lesquels les habitants du village avaient des droits, moyennant
              
              
              une redevance : faire paître les bestiaux, creuser la terre pour y
              
              
              prendre du sable, de l'argile, des pierres,... Les waréchaix comprenaient
              
              
              les chemins publics ("pires"), les places publiques ("trieux"), des terrains
              
              
              incultes, les berges des cours d'eau.  
             La seigneurie est souvent désignée par le terme de ville (Lat.
              
              
              villa). Le chef est en évidemment le seigneur (dans le texte de la
              
              
              charte : ledit signeur, li dis sires,...). Il perçoit les redevances,
              
              
              impose les corvées, désigne le maire, certains fonctionnaires.  
             Les échevins (eskevins) et le premier d'entre eux, le maire (li mayeur,
              
              
              li maieur) tiennent en principe leurs pouvoirs du seigneur, maître
              
              
              absolu quant à leur choix et à leur destitution éventuelle.
              
              
              Nul tenancier ne pouvait se soustraire, sans motif légitime, à
              
              
              l'accomplissement des fonctions échevinales. Elles étaient
              
              
              obligatoires. Les attributions des échevins étaient à
              
              
              la fois d'ordre judiciaire et administratif. Ils étaient garants des
              
              
              droits du seigneurs, de la perception des redevances. Ils surveillaient le
              
              
              commerce, contrôlaient les poids et mesures, procédaient à
              
              
              l'afforage des vins, faisaient observer les règlements concernant
              
              
              les waréchaix, les chemins publics, les clôtures,... En fait,
              
              
              ils étaient les véritables dépositaires du droit et
              
              
              des usages locaux.  
             Une série de fonctionnaires assermentés (messier, terrageur,
              
              
              percepteur du tonlieu, forestier, reward,...) aident les échevins
              
              
              dans l'exercice de leurs fonctions. 
           
            Les chartes-lois (2)  
           Les seigneuries médiévales ont longtemps vécu selon
            
            
            des coutumes non écrites, sous l'autorité d'un "seigneur".
            
            
            Vers le Xème siècle, la nécessité d'un contrat
            
            
            entre seigneur et population apparaît. C'est ainsi que sont
            
            
            promulguées les premières chartes-lois. Celle de Chièvres
            
            
            est particulièrement remarquable (3). Mais il s'agit là de
            
            
            chartes concernant des communautés arrivées au stade
            
            
            pré-urbain voir même urbain. En ce qui concerne les
            
            
            communautés strictement rurales, le mouvement est un peu plus tardif.
            
            
            L. VERRIEST parle alors de "lois de chefs-lieux". La plus ancienne est celle
            
            
            de Genly (1322). Toutefois c'est surtout à partir de 1410 que se
            
            
            multiplient les "lois" au style de Mons (comme celle de Bétissart
            
            
            - 1411 ou Ormeignies - 1413). La charte de chef-lieu de la Rosière
            
            
            (dépendant de Valenciennes) est de 1521-1543. 
             Par l'octroi des chartes-lois, les seigneurs n'abandonnent pas tous leurs
              
              
              droits. Ils y trouvaient d'ailleurs leur compte notamment dans le fait que
              
              
              ces textes confirment leurs droits de percevoir des redevances dans un cadre
              
              
              strictement seigneurial. 
           
            Pourquoi "Loi de chef-lieu" ?  
           La première codification des coutumes de Mons date du 10 mai 1410,
            
            
            sous Guillaume IV de Bavière. Les coutumes en usage dans les diverses
            
            
            seigneuries relevant du chef-lieu de Mons (ou Valenciennes) sont alignées
            
            
            sur le "chef de sens". C'est auprès du prévôt, du maire
            
            
            et des échevins du chef-lieu que les échevins des seigneuries
            
            
            sollicitaient l'avis en cas de procès complexe, par ce qu'ils se sentaient
            
            
            incompétents ("mie saiges"). 
             Par l'ensemble de leurs dispositions, les lois de chef-lieu ont visé
              
              
              à assurer le respect de la propriété et des droits
              
              
              individuels et à garantir l'ordre et la police des campagnes. Aisements
              
              
              communs, conservation et entretien des waréchaix et des chemins publics,
              
              
              curage des rivières et des fossés, poids et mesures, ventes
              
              
              des denrées, police des moeurs, crimes et délits, procédure
              
              
              judiciaire, pouvoirs des messiers, terrageurs, forestiers et autres
              
              
              fonctionnaires.  
             Les lois de chef-lieu ont achevé de donner aux vilains les garanties
              
              
              dont leur travail avait besoin. 
           
            Le texte de la charte-loi de Bétissart  
           L'original de la charte-loi de Bétissart est perdu. Il a disparu lors
            
            
            de l'incendie du Dépôt des Archives de l'Etat à Mons,
            
            
            le 16 mai 1940. Maurice VAN HAUDENARD avait, heureusement copié le
            
            
            registre. 
             "Le recueil était intitulé au dos : Registre des seigneurs
              
              
              justiciers qui ont demandé de nouvelles loix au chef-lieu de Mons
              
              
              de 1396 à 1426."(4).  
             On y trouvait notamment les "lois de chef-lieu" des seigneuries de
              
              
              Bétissart (fol. 36) et d'Ormeignies (fol. 65 v°). 
           
            Le contenu de la charte-loi de Bétissart  
           La charte-loi de Bétissart énumère, dans ses 35 articles
            
            
            constitutifs, une série de situations où des peines (amendes)
            
            
            étaient prévues (par exemples : lx s. blanz = 60 sols blancs,
            
            
            vij s. vj d. blz = 7 sols 6 deniers blancs, etc. Une livre est divisée
            
            
            en 20 sols de 12 deniers) 
             Le lecteur trouvera en annexe le texte intégral de la charte, tel
              
              
              que nous l'a transmis M. VAN HAUDENARD. Le français du début
              
              
              du XVème est encore relativement éloigné du nôtre.
              
              
              C'est pourquoi nous en proposons un résumé commenté
              
              
              (5). Les numéros des articles sont  entre crochets "[]". 
           
          
            
              - [1-4] Coups et blessures. 
 
  Dans les affaires de coups et blessures, on distinguait généralement
                
                
                les coups "sans kéure"(= sans abattre), où la victime ne tombait
                
                
                pas, les coups "dont on kéoit" et ceux qui provoquaient une effusion
                
                
                de sang, provoquée ou non par une arme "esmoulues", c'est-à-dire
                
                
                tranchante.  
                Les amendes étaient proportionnelles à la gravité des
                
                
                faits. La nuit, les peines sont doublées.  
                Lorsque l'affaire est complexe (absence de preuves par exemple), on s'en
                
                
                réfère à l'autorité du chef-lieu (Mons).  
              - [5] Le "dédit d'échevin"
 
  Le "desdit d'eskievins ". Blâmer ou contrarier un acte ou une
                
                
                décision de l'autorité échevinale était
                
                
                considéré comme très grave.  
              - [6-7] Vente d'héritage. La saisine. 
 
  En ce qui concerne les ventes d'héritages, les échevins devaient
                
                
                constater et ratifier d'abord la "dessaisine" du vendeur puis la "saisine"
                
                
                de l'acquéreur. C'est entre les mains du maire que l'opération
                
                
                se pratique.  
              - [8-9] Protection des waréchaix. 
 
  Dans l'intérêt de tous, les waréchaix ne devaient être
                
                
                amoindris en aucune façon. On ne pouvait pas "empirer" les places
                
                
                publiques ou les chemins. Lorsqu'un manant y avait prélevé
                
                
                de l'argile ou des moellons, il était tenu, sous peine d'amende, de
                
                
                remettre les lieux en état.  
              - [10-11] Dommages à la terre ou à la clôture d'autrui. 
 
  L'intérêt général commandait de veiller avec soin
                
                
                à ce qu'aucun empiétement ne fût fait sur les
                
                
                waréchaix. Les manants avaient l'obligation de "renclore" leurs
                
                
                héritages, d'en marquer les limites par une haie, un fossé.
                
                
                Chaque année, un ban spécial, le "ban de mars" leur rappelait
                
                
                cette obligation et l'amende encourue en cas de non respect.  
              - [12-13] Réglementation des moeurs 
 
  Interdiction de jouer aux dés. L'amende est la même (7 sols
                
                
                6 deniers) pour celui chez qui on joue. Elle est doublée si on joue
                
                
                pendant la nuit.  
                La prostitution est réprimée. On ne peut tenir une maison mal
                
                
                famée la nuit.  
              - [14-18] Désignation et pouvoir des fonctionnaires 
 
  La collectivité a des fonctionnaires (messier, terrageur, reward,...)
                
                
                que le maire et les échevins assermentent et que souvent, ils nomment
                
                
                avec le concours de "la plus saine partie des bonnes gens".  
                Le messier est le garde-champêtre : messium custos.  
                Le terrageur est le percepteur du droit de terrage. Le terrage était
                
                
                la prestation au profit du seigneur d'une part des fruits des terres
                
                
                labourées. Il se prélevait uniquement sur les céréales.
                
                
                C'est pourquoi on le calculait en gerbes. Pour prévenir toutes fautes,
                
                
                le seigneur nommait chaque année un terrageur, agréé
                
                
                par le maire et les échevins (qui reçoivent son serment). Son
                
                
                rôle était de se rendre sur les champs et de faire la part des
                
                
                gerbes qui revenaient au seigneur et au tenancier. Il surveillait
                
                
                éventuellement le transport du terrage à la grange. Il était
                
                
                tenu de faire rapport à l'échevinage, généralement,
                
                
                le jour de la Saint-Rémi. Le laboureur coupable d'avoir emporté
                
                
                ses récoltes avant le passage du terrageur était passible d'une
                
                
                amende de 60 sols. Cette amende très élevée (identique
                
                
                à l'effusion de sang) montre l'importance qui était donnée
                
                
                à ce délit.  
                Le forestier a la charge de surveiller les bois, de constater et réprimer
                
                
                les dommages faits par les bêtes ou les coupes. Les bois étaient
                
                
                utilisés dans l'élevage du bétail qui pouvait y paître
                
                
                à certaines époques de l'année, sous certaines conditions.
                
                
                Ils fournissaient le combustible. Les manants pouvaient ramasser les branches
                
                
                mortes, les feuilles. Il était cependant interdit d'endommager le
                
                
                vif-bois. Les arbres portant des fruits (chênes, hêtres, pommiers,
                
                
                néfliers) étaient protégé davantage (60 sols
                
                
                d'amende pour le chêne, 22 seulement pour le bois blanc dans notre
                
                
                charte).  
                Le percepteur du tonlieu était chargé de percevoir le droit
                
                
                payé pour l'entrée des marchandises dans la seigneurie.  
              - [19] Réfection des chemins. 
 
  La charge incombait aux tenanciers, dans toutes les seigneuries, d'entretenir
                
                
                et de réfectionner les chemins vicinaux. Il ne s'agit pas d'une
                
                
                véritable corvée accomplie au profit du seigneur par ses sujets,
                
                
                mais plutôt de travaux d'utilité publique. Certaines chartes
                
                
                prévoient une époque fixe pour exécuter les corvées.
                
                
                A Bétissart, elles sont à la volonté du seigneur. Souvent,
                
                
                le mois d'août (moisson) est exclu.  
              - [20] Contrôle du pain par un reward 
 
  Le reward est un fonctionnaire communal assermenté. Il est ici
                
                
                chargé de contrôler la qualité et le poids du pain.  
              - [21-24] Afforage des boissons. 
 
  Les afforages sont des redevances qui frappent la vente du vin, de la
                
                
                bière, de la miellée ou de l'alcool. L'afforage était
                
                
                en réalité la mise en perce des fûts et la fixation du
                
                
                prix de vente, selon la qualité des produits, par l'autorité
                
                
                échevinale.  
                A défaut d'avoir fait afforer ses boissons, le débitant est
                
                
                passible d'une amende au profit du seigneur. Les afforages consistaient dans
                
                
                le prélèvement proportionnel d'une partie des boissons ou dans
                
                
                le paiement d'une somme équivalente  
              - [25-28] Poids et mesures. 
 
  Une place importante est consacrée aux mesures, aux poids, aux aunes.
                
                
                Les références en la matière sont celles qui sont en
                
                
                vigueur au chef-lieu, Mons.  
                Une "répression des fraudes" est instaurée.  
              - [29] Contrôle des denrées. 
 
  Les échevins contrôlent la qualité de la viande, mais
                
                
                aussi du poisson et d'autres nourritures. Il est parfois indiqué que
                
                
                les denrées impropres à la consommation doivent être
                
                
                enterrée.  
              - [30] Construction d'une maison ou d'une clôture sur un
                
                
                héritage attenant aux waréchaix. 
 
              - [31] Contestation du "cerquemanage". 
 
  Cerquemaner, c'est faire une visite judiciaire au cours de laquelle les
                
                
                échevins examinent l'état des chemins et des terres, prescrivent
                
                
                la réfection des routes, la taille des haies, la rectification des
                
                
                limites. Le tenancier doit demander l'autorisation pour bâtir sur un
                
                
                terrain attenant au domaine public.  
              - [32] Injure à échevins. 
 
  Cet article montre l'importance de la fonction des échevins. C'est
                
                
                le seul cas où l'on parle de prison.  
              - [33-35] Réglementation concernant le bétail. 
 
  Par exemple, les pâturages communs sont strictement réservés
                
                
                aux bêtes de la commune.  
             
           
           Conclusion  
          
             La charte-loi de Bétissart, par son caractère général,
              
              
              ne nous permet évidemment pas de nous faire une image exacte de la
              
              
              vie quotidienne dans notre village il y a 500 ans. Nous pouvons cependant
              
              
              affirmer que nos ancêtres étaient déjà
              
              
              préoccupés par des considérations sociales, morales,
              
              
              écologiques, de gestions du territoire et des forêts. Les
              
              
              règlements contenus dans la charte-loi en font foi. C'est pour cela
              
              
              qu'elle est un témoignage non négligeable dans la connaissance
              
              
              de cette époque lointaine. 
           
             
           
           ANNEXE : TEXTE DE LA
            
            
            CHARTE  
             
           Articles constitutifs
            
             [Premiers], de lois toucquans à sang (6) et à burine (7)
              
              
              il demande à avoir pour main mise (8)... xl s. blanz (9).  
             Item de sang fait sans armes esmoulues (10) ... c s. blanz.  
             Item pour armes esmoulue supposet que sang y ait u non ... xl s. blz.  
             Item si ces meslées (11) adviennent par nuit, qu'elles soient
              
              
              doublées.  
             [2] Item, s'il y avoit keure (12) et chuils s'en volzist plaindre, avoir
              
              
              en deveroit li Keus qui sen plainderoit, sil le keure estoit moustrée
              
              
              (13), lxij s. vj d. blz tout premiers, et ainschois que li d'autruy, sour
              
              
              l'amende de xxvij d. blz de lois.  
             [11] Item, que nuls ne fache en aoust ne en autre tamps autrui damage
              
              
              en ses ahans (31), en ses courtilages (32), en ses fruis, ne en aultre maniere
              
              
              sour vij s. vj d. blz de lois pour les camps, et en courtillages v s. blz,
              
              
              et le damage rendre.  
             [12] Item, que nuls ne jeuwe as deis, sour vij s. vj d. blz, et otant
              
              
              sour celui qui en tenroit l'ostage. Et se ce advenoit par nuit, que ces amendes
              
              
              doublaissent.  
             [13] Item, que nuls ne tiegne mauvais hostage (33) de nuit sour otelles
              
              
              lois.  
             [14] Item, qu'uns messiers (34) soit eslus, créés et sermentez
              
              
              (35) par li mayeur et eskevins et le plus saine parties des bonnes gens ahaniers
              
              
              (36) dou lieu, et creus de ses rapors, mais qu'il les face en tamps et en
              
              
              lieu compétent.  
             [15] Item, que uns terragiers (37) soit eslus par ledit signeur et sermentet
              
              
              par li maieur et eskevins pour y estre creuws de ses rappors qu'il soient
              
              
              rendeus le jour Saint Remy (38), et que cascune amende soit de lx s. blz.  
             [16] Item, que li dis sires puist eslire I forestier et ycelui faire
              
              
              sermenter par devant mayeur et eskevins et yestre creuws de ses rappors par
              
              
              son serment, en tel maniere que s'il rapporte biestes qui ayent fait damage
              
              
              en bos (39), elles soient à otelles lois et par tel maniere que devant
              
              
              est dit, et le damage rendre. Et se il rapporte gens ayant coppet verts bos
              
              
              (40), chil soient pour le coppage de bos de kaisne à lx s. blz, et
              
              
              pour le blancq bos a xxij s. blz de lois, u en telles lois qu'il a pour tel
              
              
              cas ès bos voisins dessous et deseure.  
             [17] Item, que nuls ne karie les biens d'autruy ne en chemins kariaules,
              
              
              sour l'amende de v s. blz dou kar et ij s. vj de le karette, se callengiet
              
              
              et rapportet en sont par le messier, et le damage rendre, comme dit est.  
             [18] Item, que led. sires puist eslire et sermenter devant eskevins
              
              
              I tonnuyers (41) pour rapporter et y estre creuws des deffautes de ses tonnieux
              
              
              emportés, sour lx s. blz d'amende celui qui le fourferoit.  
             [19] Item, que cascuns kiefs d'ostel (42) u personne pour le faire soit
              
              
              tenus de aider à refaire les voies et quemins dou lieu (43), toutes
              
              
              fois que par besoing il seroit commandet de par ledit signeur (44), sour
              
              
              xxvij d. blz de lois.  
             [20] Item, que certains rewars (45) soient creet et sermentet par le
              
              
              mayeur, eskevins pour rappors faire sour toutte denrée de blancq pain
              
              
              u noir, qui se vendera u mettera à vente en ledite ville ; et que
              
              
              chils qui sour ledit rapport soit trouvés avoir petit pain soit pour
              
              
              cascune fie à l'amende de vij s. vij d. blz et le pain acquis au signeur,
              
              
              avoecq le vendage avoir pierdut xl jours après, et ossi aux fraix
              
              
              de le loy, se plainte s'en faisoit, sci avant que lois donroit.  
             [21] Item, que nuls es dite ville ne vende vins ne chiervoises ne autres
              
              
              buvrages sans afforer (46) par le maïeur et eskevins, sour vij s. d.
              
              
              blz de lois.  
             [22] Item, que nuls depuis que afforees sera ceste denrée, soit
              
              
              tenue nettement et loyalement sans empirer, sur l'amende de vij s. vj d.
              
              
              blz, et avoecq cele denrée yestre acquise au signeur. (47)  
             [23] Item, que de vin et de cervoise afforages soient payés,
              
              
              assavoir dou kar de vin iiij lots et d'une karette ij lots, et d'un brassin
              
              
              de cervoise qui se feroit en ces dites villes iiij lots. (48)  
             [24] Item, que nuls n'escondisce de ces buvrages à délivrer
              
              
              se afforet estoient, parmy ce qu'on lui baillece argent u boin wage (49),
              
              
              sour vij s. vj d. blz de lois, mais que li requeste de ce avoir ne fust hors
              
              
              heure de traire.  
             [25] Item, que nuls ne mesure (50) fors a telles mesures qu'il a à
              
              
              Mons ; c'est à entendre que les mesures des bonnes gens soient par
              
              
              le mayeur et les eskevins portés u faites porter avoecq yaux en ledite
              
              
              ville de Mons pour ycelles justeffyer et ensaigner, et ce despuis en avant
              
              
              sont trouvées autres que boines mais que deuwement plainte par loy
              
              
              en soit faite, que cascun soit pour l'amende de ses mesures, soit pour plusieurs
              
              
              u pour une, et toutes fois que en deffaute en soit trouvés, à
              
              
              lx s. blz d'amende, et as frais si avant que lois le donnoit, et les dites
              
              
              mesures trouvées u une en deffaute acquis au signeur.  
             [26] Item, en otel maniere soit fait des pois et que nuls ne poise d'autre
              
              
              pois que il a à Mons et sour otel amende comme des mesures.  
             [27] Item, que nuls ne aulne draps ne autres denrées a autre
              
              
              aulne qu'il a à Mons, sour enkeir en otelle amende que de lx s. blz,
              
              
              se trouvée estoit fausse et l'aune perdue.  
             [28] Item, que nuls ne nulle ne mesure, aune, ne poise que ce ne soit
              
              
              bien et loyaulement pour les acateurs avoir leur droit, sous lx s. blz d'amende
              
              
              et pierdre tout ce que petitement aroit esté mesuret, aunet, et peset,
              
              
              parmy chou que le propre heure u jour de le deffaute chil u chuils que ce
              
              
              damage aroient u aroit rechupt le raportassent au maieur et as eskevins dou
              
              
              lieu, mais que ce fuissent gens créables et sans maise ocquisons (51),
              
              
              et que lidit eskevins le jugaissent s'il y vèoient locquision
              
              
              apparant.  
             [29] Item, que nuls macheliers (52) ne autre ne puist vendre chars (53)
              
              
              ne autres denrées qui ne soit bonne et layaul, passans au rewart desdis
              
              
              eskevins, qu'il ne soit, se dou mayeur plainte s'en fait, a vij s. sij d.
              
              
              blz de lois.  
             [30] Item que nuls qui ait heritages tenans es pires (54) u wareskaix
              
              
              ne maisonne sour yceluy ou dessoivre (55), sans le avoir premiers remonstret
              
              
              au maïeur et eskevins, par quoy on puyst cherquemaner (56) se li fais
              
              
              le requiert, sour vij s. vj d. blz de lois.  
             [31] Item, que se cascuns au férir son colp pour cause de
              
              
              cerquemanaige contre pire u wareskais, ne disoit je fierche mon colp comme
              
              
              pour mon hiretage u sci avant que loyauls cerquemanaiges le me donroit, que
              
              
              chuils, se plainte s'en faisoit par le mayeur, fust fourfais en amende à
              
              
              l'ordonnace de le loy doudit kiefliu.  
             [32] Item, qui diroit lait (57) à eskevins pour cause rewardant
              
              
              leur offisce, il soit corrigiés de prison, de voyages à
              
              
              l'ordonnance dou kief lieu de Mons.  
             [33] Item, qui rescouroit ses biestes u sen pan au messier u a celui
              
              
              qui pris les aroit en son damage, il soit a vij s. vj d. blz de lois, sour
              
              
              le serment et rapport de celui à cui elles aroient estet rescousses
              
              
              (58)  
             [34] Item, qu'il ne soit nuls qui hierberge biestes estraignières
              
              
              pour campyer sur les heritages u pasturages de lad. ville, sour l'amende
              
              
              de ij s. blz cascun jour et ossi sera, chiux cui les biestes seroient, a
              
              
              otelle amende cascun jour et pour cascune bieste quelle que elle soit.  
             [35] Item, que nuls afforains de dehors ledite ville ne mainèche
              
              
              u ne fache menser ses biestes en pasture en nul tamps sous les relais u communs
              
              
              assennes de ledite ville, sur ij s. blz pour le cheval u jument; item pour
              
              
              le bieste a corne, xij d. blz ; pour un pourchiel u blencq bieste, vj d.
              
              
              blz, et pour le foucq de pourchiaux u de blanques biestes, vj d. blz.  
              
           
             
           
           NOTES  
           1. Voir nos articles sur la seigneurie de Bétissart dans
            
            
            les numéros 6 et 7 du Bulletin de liaison des amis d'Angélique
            
            
            de Rouillé.  
           2. L. VERRIEST, Le Régime seigneurial dans le comté
            
            
            de Hainaut du XIème siècle à la Révolution,
            
            
            Louvain, 1916-1917 et L. VERRIEST, Corpus des records de coutumes et des
              
              
              lois de chefs-lieux de l'ancien comté de Hainaut, Mons et Frameries,
            
            
            1946  
           3. M.-A. ARNOULD, Le plus ancien acte en langue d'oïl
            
            
            : la charte-loi de Chièvres (1194), in Hommage au professeur
            
            
            Bonnenfant..., Bruxelles, 1965, pp 85-118. Le lecteur pourra aussi trouver
            
            
            une orientation bibliographique dans C. BRONCHART et D. LECLERCQ, 1194-1994,
            
            
            Il y a 800 ans, la charte-loi de Chièvres, Bibliothèque Communale,
            
            
            Chièvres, 1994, pp 32 à 35 (Une deuxième édition
            
            
            corrigée et augmentée est en cours).  
           4. M. VAN HAUDENARD, Chartes-lois accordées aux
            
            
  échevinages soumis au chef-lieu de Mons en Hainaut (1396-1445),
            
            
            dans Bulletin de commission royale d'histoire, CVIII, Bruxelles, 1943, pp
            
            
            61 et suiv.  
           5. Les commentaires sont largement inspirés de : VERRIEST, Le Régime seigneurial ..., passim.  
           6. Dans les affaires de coups et blessures, on distinguait
            
            
            généralement les coups "sans kéure"(= sans abattre),
            
            
            où la victime ne tombait pas, les coups "dont on kéoit" et
            
            
            ceux qui provoquaient une effusion de sang. Les amendes étaient
            
            
            proportionnelles à la gravité des faits.  
           7. burine = querelle où l'on se dit beaucoup d'injures  
           8. Action de mettre la main, de battre (= coup)  
           9. s = sol ; d = denier ; L = livre tournois  
           10. Tranchante et aiguë  
           11. Querelle, lutte, combat  
           12. Si la victime reçoit des coups qui la font tomber (Picard
            
            
            : kéu = tombé, en français : chu)  
           13. Prouvée  
           14. Lorsque l'affaire est complexe (ici, une absence de preuves),
            
            
            on s'en réfère à l'autorité du chef-lieu  
           15. Plainte, requête  
           16. respeux = réponses produite contre une plainte devant
            
            
            la loi échevinale  
           17. plaintes : premières écritures que l'on fait
            
            
            dans un procès.  
           18. Héritages.  
           19. Il s'agit ici du "desdit d'eskievins ". Le fait de blâmer
            
            
            ou de contrarier un acte ou une décision de l'autorité
            
            
  échevinale était considérée comme extrêmement
            
            
            grave. L'amende est très élevée.  
           20. En ce qui concerne les ventes d'héritages, les
            
            
  échevins devaient constater et ratifier d'abord la "dessaisine" du
            
            
            vendeur puis la "saisine" de l'acquéreur. C'est entre les mains du
            
            
            maire que l'opération se pratique.  
           21. Autorisation  
           22. Ayant puissance  
           23. Creuse  
           24. Empierre  
           25. Waréchaix  
           26. Dans l'intérêt de tous, les waréchaix
            
            
            ne devaient pas être amoindris en aucune façon. C'est pourquoi
            
            
            on ne pouvait pas "empirer" les places publiques ou les chemins. Lorsqu'un
            
            
            manant, usant de son droit, y avait prélevé de l'argile ou
            
            
            des moellons, il était tenu, sous peine d'amende, de remettre les
            
            
            lieux en état.  
           27. Peine, amende  
           28. L'intérêt général commandait de
            
            
            veiller avec soin à ce qu'aucun d'empiétement ne fût
            
            
            fait sur les waréchaix. Les manants avaient l'obligation de "renclore"
            
            
            leurs héritages, d'en marquer les limites par une haie, un fossé.
            
            
            Chaque année, un ban spécial, le "ban de mars" leur rappelait
            
            
            cette obligation et l'amende encourue en cas de non respect.  
           29. Oter  
           30. Clôture, palissade, haie  
           31. Terres labourées  
           32. Petite cour de campagne clôturée de haies, jardin
            
            
            potager  
           33. Maison mal famée  
           34. Garde-champêtre (messium custos)  
           35. La collectivité a des fonctionnaires (messier, terrageur,
            
            
            rewards,...) que le maire et les échevins assermentent et que souvent,
            
            
            ils nomment avec le concours de "la plus saine partie des bonnes gens".  
           36. Laboureurs  
           37. Percepteur du droit de terrage. Le terrage était la
            
            
            prestation au profit du seigneur d'une part des fruits des terres
            
            
            labourées. Il se prélevait uniquement sur les céréales,
            
            
            C'est pourquoi on le calculait en gerbes. Pour prévenir toutes fautes,
            
            
            le seigneur nommait chaque année un terrageur, agréé
            
            
            par le maire et les échevins (qui reçoivent son serment). Son
            
            
            rôle était de se rendre sur les champs et de faire la part des
            
            
            gerbes qui revenaient au seigneur et au teancier. Il surveillait
            
            
  éventuellement le transport du terrage à la grange. Il était
            
            
            tenu de faire rapport à l'échevinage, généralement,
            
            
            le jour de la Saint-Rémi. Le laboureur coupable d'avoir emporté
            
            
            ses récoltes avant le passage du terrageur était passible d'une
            
            
            amende de 60 sous. Cette amende très élevée (identique
            
            
  à l'effusion de sang) montre l'importance qui était donnée
            
            
  à ce délit.  
           38. 1er octobre  
           39. Les bois étaient utilisés dans l'élevage
            
            
            du bétail qui pouvait y paître à certaines époques
            
            
            de l'année, sous certaines conditions.  
           40. Les bois fournissaient le combustible. Les manants pouvaient
            
            
            ramasser les branches mortes, feuilles. Il était cependant interdit
            
            
            d'endommager le vif-bois. Les arbres portant des fuits (chênes,
            
            
            hêtres, pommiers, néfliers) étaient protégé
            
            
            davantage (60 sous d'amende pour le chêne, 22 seulement pour le bois
            
            
            blanc dans notre charte).  
           41. Percepteur du droit de tonlieu, droit payé pour
            
            
            l'entrée des marchandises.  
           42. Chef de famille  
           43. La charge incombait aux tenanciers, dans toutes les seigneuries,
            
            
            d'entretenir et de réfectionner les chemins vicinaux. Il ne s'agit
            
            
            pas d'une véritable corvée accomplie au profit du seigneur
            
            
            par ses sujets, mais plutôt de travaux d'utilité publique.  
           44. Certaines chartes prévoient une époque fixe
            
            
            pour exécuter les corvées. Dans ce cas, elles sont à
            
            
            la volonté du seigneur. Souvent, le mois d'août (moisson) est
            
            
            exclu.  
           45. Le reward est un fonctionnaire communal assermenté.
            
            
            Il est ici chargé de contrôler la qualité et le poids
            
            
            du pain.  
           46. Evaluer, taxer les liquides. Les afforages sont des redevances
            
            
            qui frappent la vente du vin, de la bière, de la miellée ou
            
            
            de l'alcool. L'afforage était en réalité la mise en
            
            
            perce des fûts et la fixation du prix de vente, selon la qualité
            
            
            des produits, par l'autorité échevinale.  
           47. A défaut d'avoir fait afforer ses boissons, le
            
            
            débitant est passible d'une amende au profit du seigneur.  
           48. Les afforages consistaient dans le prélèvement
            
            
            proportionnel d'une partie des boissons ou dans le paiement d'une somme
            
            
  équivalente  
           49. Gage  
           50. Une place importante est consacrée aux mesures, aux
            
            
            poids, aux aunes. Les références en la matière sont
            
            
            celles qui sont en vigueur au chef-lieu, Mons. Une "répression des
            
            
            fraudes" est instaurée.  
           51. Mauvais prétexte  
           52. Boucher  
           53. Chair  
           54. Chemins empierrés  
           55. Limite  
           56. Cerquemaner, c'est faire une visite judiciaire au cours de
            
            
            laquelle les échevins examinent l'état des chemins et des terres,
            
            
            prescrivent la réfection des routes, la taille des haies, la rectification
            
            
            des limites. Le tenancier doit demander l'autorisation pour  
           57. Dire des injures  
           58. Repris avec violence  
           
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.  
          These sources are now part of the Internet Medieval Sourcebook.  
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