Livre des sources médiévales:
LES CORSAIRES : LA LETTRE DE MARQUE
Les corsaires sont des aventuriers c'est-à-dire des hommes pour lesquels
l'aventure est à la fois leur passion et leur raison de vivre. Mais
ils ne la conçoivent pas comme un pur et simple brigandage. On peut
les comparer aux mercenaires qui louaient leur épée au plus
offrant. Ainsi arriva-t-il à maint corsaire, de passer du service
d'un prince à celui de son ennemi mortel et cela le plus
régulièrement du monde. Un corsaire n'est pas toujours
propriétaire de son bateau ; parfois il l'a seulement affrété,
c'est-à-dire "loué" à un armateur, qui touchera une
part de prise, les parts étant calculées proportionnellement
aux capitaux engagés dans l'affaire. Des souverains même pouvaient
recevoir une part importante du butin : ainsi la reine d'Angleterre Elisabeth
1ère, prêta ses navires de guerre au célèbre Francis
Drake et toucha à son retour ce qui lui revenait de lingots d'or ou
de balles de soie.
Le corsaire est toujours un combattant régulier, officiellement
mandaté par un ordre de mission qui porte le nom de "lettre de marque".
S'il est pris par l'ennemi, ce document lui assurera le sort d'un prisonnier
de guerre. Il arrive que le corsaire soit échangé ou racheté
; plus souvent, qu'il ne s'évade. En revanche, le corsaire est tenu
par sa lettre de marque, de n'attaquer exclusivement que les ennemis de son
souverain, respectant "généralement" les neutres et toujours
ses propres concitoyens. S'il manque à cette règle absolue,
et qu'il continue son activité, alors il sera traité en pirate
et son corps ira se balancer, lui aussi, au bout d'une corde, ce qui est
parfois injuste, le corsaire en mer ayant pu ne pas être informé
de la paix survenue quelques jours auparavant.
EXEMPLE D'UNE LETTRE DE MARQUE
Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouze, admiral de France, à
tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut,. Le Roy ayant
déclaré la guerre au Roy Catholique, aux fauteurs de l'usurpateur
des couronnes d'Angleterre et d'Ecosse, et aux Etats des Provinces unies,
pour les raisons contenues dans les déclarations que sa Majesté
a fait publier dans toute l'étendue de son royaume, païs, terres
et fiefs de son obéissance, et Sa Majesté nous ayant commandé
de tenir la main à l'observation desdites déclarations, en
ce qui dépend du pouvoir et autorité qu'il a plu à Sa
Majesté attribuer à notre charge, avons, suivant les ordres
exprès de Sadite Majesté, donné congé, pouvoir
et permission au Sieur Pieter Segaerdt, demeurant à Dunkerque, de
faire armer et équiper en guerre un navire nommé
"L'obéissance", du port de Dunkerque, avec tel nombre d'hommes, canons,
boulets, poudres, plombs et autres munitions de guerre et vivres qui y sont
nécessaire pour le mettre en mer en état de naviguer et courir
sus aux pirates, corsaires et gens sans aveu, même aux sujets du Roy
Catholique, des Etats des Provinces Unies, aux facteurs de l'usurpateur des
couronnes d'Angleterre et d'Ecosse, et autres ennemis de l'Etat, en quelques
lieux qu'il pourra les rencontrer, soit aux côtes de leurs païs,
dans leurs ports ou sur leurs rivières, même sur terre aux endroits
où ledit capitaine Segaerdt jugera à propos de faire des descentes
pour nuire auxdits ennemis, et y exercer toutes les voyes et actes permis
et usitez par les lois de la guerre, les prendre et amener prisonniers avec
leurs navires, armes et autres choses dont ils seront saisis, à la
charge par ledit Segaerdt de garder et faire garder par ceux de son
équipage les ordonnances de la Marine, porter pendant son voyage le
pavillon et enseigne des armes du Roy et les nôtres, faire enregistrer
le présent congé au greffe de l'Amirauté le plus proche
du lieu où il fera son armement, y mettre un rolle signé et
certifié de luy, contenant les noms et surnoms, la naissance et demeure
des hommes de son équipage, faire son retour audit lieu ou autre port
de France dépendant de notre juridiction, y faire son rapport, par-devant
les officiers de l'Amirauté et non d'autres, de ce qui se sera passé
durant son voyage, nous en donner avis et envoyer au secrétaire
général de la Marine sondit rapport avec les pièces
justificatives d'iceluy pour être sur le tout ordonné au Conseil
de ce que de raison.
Prions et requérons tous Rois, Princes, potentats, seigneuries, Estats,
Républiques, amis et alliez de cette couronne et tous autres qu'il
appartiendra, de donner audit Segaerdt toute faveur, aide, assistance et
retraite en leurs ports avec sondit vaisseau et tout ce qu'il aura pu
conquérir pendant son voyage, sans luy donner nu souffrir qu'il luy
soit fait ou donné aucun trouble ny empêchement, offrant de
faire le semblable lorsque nous en serons par eux requis. Mandons et ordonnons
à tous officiers de Marine et autres sur lesquels notre pouvoir
s'étend, de le laisser seurement et librement passer avec sondit vaisseau,
armes et équipages et les prises qu'il aura pu faire, sans luy donner
ny souffrir qu'il luy soit fait ou donné aucun trouble ny
empêchement, mais au contraire luy donner tout le secours et assistance
dont il aura besoin, ces présentes non valables après un an
du jour de ladite d'icelles, en témoins de quoy nous les avons
signées et icelles fait contresigner et sceller du sceau de nos armes
par le secrétaire général de la Marine à Versailles,
le premier jour du mois de fébvrier 1695.
Signé : L.A.L de Bourbon, Cte de Toulouze, admiral de France, et sur
le reply : par Monseigneur de Valincourt, et scellé.
Auteur: Cécile CORNILLE : eclectic@aix.pacwan.net
Sources: Le document qui suit, retranscrit dans son intégralité,
provient du livre : Histoire des Corsaires par Jean Merrien (Editions de
l'ancre de la Marine, 1992).
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