Le mot de gabelle a été d'abord un terme
            
            
            très général s'appliquant à toute espèce
            
            
            d'impôt: il y a eu une gabelle des vins, une gabelle des draps, etc.;
            
            
            mais de bonne heure l'habitude fut prise de l'appliquer seulement à
            
            
            l'impôt du sel, qui a eu pendant toute la durée de l'ancien
            
            
            régime une importance capitale et toujours croissante dans notre histoire
            
            
            fiscale. 
             En 1646 le bail Datin (gabelles) dépassait un
              
              
              peu treize millions; en 1687 (bail Domergue) la gabelle figurait pour 23.700.000;
              
              
              vers 1774 elle était comprise pour quarante-sept et demi dans le bail
              
              
              Laurent David, et en dernier lieu pour cinquante-huit et demi (dont quarante
              
              
              pour les grandes gabelles) dans le bail Mager; elle dépassait de beaucoup
              
              
              le produit de la capitation (quarante-un et demi), légèrement
              
              
              celui des vingtièmes (cinquante-sept) et atteignait presque celui
              
              
              de la taille et accessoires (soixante-cinq millions en 1768). 
             Philippe VI fut non pas le créateur, mais du
              
              
              moins le généralisateur de cet impôt: par ses ordonnances
              
              
              de 1331 et 1343 il restreignit la vente du sel aux greniers royaux, où
              
              
              à son prix marchand s'ajoutaient les droits du roi, déjà
              
              
              variables selon les provinces. 
             François Ier essaya de substituer à ce
              
              
              système celui du paiement des droits du roi à l'extraction
              
              
              des marais salants, puis celui d'un régime uniforme des greniers et
              
              
              des prix dans tout le royaume, même dans la Guyenne, l'Aunis, la Saintonge,
              
              
              l'Angoumois, pays jusque-là privilégiés, et n'y
              
              
              réussit point. La sanglante insurrection de 1548 dans l'Angoumois
              
              
              et la Guyenne aboutit au rachat définitif de l'impôt par ces
              
              
              provinces, qui furent les pays rédimés: ailleurs subsista le
              
              
              régime du monopole de vente dans les greniers qui furent désormais
              
              
              affermés, généralement par baux de dix ans, à
              
              
              différents adjudicataires. 
             Puis peu à peu les mêmes adjudicataires
              
              
              purent prendre à bail plusieurs greniers, et à partir de l598
              
              
              ce fut une même compagnie (Josse) qui se rendit adjudicataire de tous
              
              
              les greniers à sel des généralités de Paris,
              
              
              Châlons, Amiens, Soissons, Rouen, Caen, Orléans, Tours, Bourges,
              
              
              Moulins, Dijon, pour cinq ans. Il ne restait plus qu'à unir le bail
              
              
              des gabelles à celui des aides, traites, domaines, etc., pour constituer
              
              
              le régime en vigueur pendant la fin de l'ancienne monarchie: c'est
              
              
              ce qui commença à se faire dès Colbert et plus
              
              
              complètement après lui. 
             C'est également sous Colbert que la
              
              
              législation des gabelles, longtemps variable, fut fixée dans
              
              
              ses traits essentiels par la grande ordonnance de mai 1680, qui dans ses
              
              
              trois parties et ses vingt titres codifie tout ce qui concerne les gabelles:
              
              
              fournissement (grandes gabelles) ou approvisionnement (petites gabelles),
              
              
              vente, distribution, conservation (c'est-à-dire répression
              
              
              des abus et fraudes). Il y eut en outre des édits ou déclarations
              
              
              spéciaux pour le Languedoc en 1685, pour la Franche-Comté en
              
              
              1703, pour le Dauphiné en 1706. 
             Le royaume se trouvait divisé au point de vue
              
              
              des gabelles en six divisions, de conditions très différentes
              
              
              : 
             l°) LES PAYS DE GRANDE GABELLE 
             La plus importante de beaucoup était les pays
              
              
              de grande gabelle, le "grand party" (parce que c'était la ferme de
              
              
              beaucoup la plus considérable au temps des fermes distinctes). Les
              
              
              douze provinces qui composaient le "grand party" étaient Ile-de-France,
              
              
              Orléanais, Berry, Bourbonnais, Nivernais, Bourgogne, Champagne, Picardie,
              
              
              Normandie, Maine, Anjou, Touraine. 
             Non seulement le sel y était fortement taxé,
              
              
              mais en outre la consommation d'une certaine quantité minimum de sel
              
              
              y était obligatoire. Dans l'intérieur de la région
              
              
              formée par ces provinces étaient les greniers dits "de vente
              
              
              volontaire", où néanmoins existait l'obligation très
              
              
              stricte de prendre au moins un minot de sel (12 litres, réputés
              
              
              peser 100 livres) par quatorze personnes au-dessus de huit ans; et cela pour
              
              
              pot et salière seulement, le sel destiné aux salaisons étant
              
              
              tout différent et devant être levé en sus; vente
              
              
              néanmoins dite "volontaire" parce que l'on pouvait acheter quand on
              
              
              voulait, et parce que les pauvres (une déclaration du 20 août
              
              
              1724 appelait ainsi ceux qui étaient imposés à la taille
              
              
              à 30 sous au plus ou à 30 sous de capitation dans les villes
              
              
              non taillables) pouvaient s'approvisionner au regrat au détail, et
              
              
              même ne prendre que la quantité de sel qu'ils voulaient. 
             Dans la périphérie de cette région,
              
              
              pour prévenir les effets de la pénétration en pays de
              
              
              grande gabelle du sel des pays privilégiés, étaient
              
              
              les greniers d'impôt, où la gabelle, devenue véritable
              
              
              impôt direct, consistait dans l'obligation d'acheter telle quantité
              
              
              de sel, répartie entre les paroisses, et dans les paroisses par des
              
              
              collecteurs, élus ou nommés d'office, ayant des fonctions et
              
              
              des ennuis semblables à ceux des collecteurs de la taille, tenus de
              
              
              lever le sol aux greniers quatre fois par an et de le payer, moitié
              
              
              dans les six premières semaines, moitié à la fin du
              
              
              quartier, et responsables. Le fermier gardait le droit de contraindre à
              
              
              un supplément de sel les chefs de famille non imposés au moins
              
              
              de 7 livres de sel par tête au-dessus de huit ans. 
             Inversement, dans les pays exempts ou rédimés,
              
              
              dans une zone de 3 ou 5 lieues de large le long de la frontière des
              
              
              pays de grande gabelle, la consommation était strictement mesurée
              
              
              afin de rendre plus difficile le transport en ces pays: on ne pouvait prendre
              
              
              au delà de sa consommation de six mois, à raison de un minot
              
              
              par sept personnes. Là, contrairement à ce qui avait lieu en
              
              
              pays de gabelle, les populations se plaignaient de ne pouvoir acheter assez
              
              
              de sel: le tiers de Châtellerault attaquait dans son cartier de 1789
              
              
              « la loi aussi cruelle que déraisonnable qui exclut de la
              
              
              consommation les enfants au-dessous de huit ans; cette loi qui est un
              
              
              adoucissement pour les provinces en gabelle qu'on charge de sel comme d'un
              
              
              impôt, appliquée aux pays de dépôt devient une
              
              
              vexation ». 
             II y avait eu au début des "greniers à
              
              
              sel", dont les officiers étaient chargés de la vente et
              
              
              exerçaient en outre une certaine juridiction sur la gabelle, et des
              
              
              "chambres à sel", ayant la vente sans juridiction. Depuis l694, les
              
              
              chambres avaient été, sauf en Bourgogne, converties en greniers.
              
              
              Les greniers jugeaient en dernier ressort jusqu'à une amende de 10
              
              
              livres: au-delà avec appel en cour des aides, un édit de l691
              
              
              ayant entièrement désunis juridiction des gabelles de celle
              
              
              des élections. 
             Le nombre des greniers à sel dans le "grand
              
              
              party" était de deux cent vingt-neuf en 1661, de deux cent cinquante-trois
              
              
              en 1785: on se plaignait beaucoup de la manière dont avaient
              
              
              été faites les circonscriptions des greniers, qui assujettissaient
              
              
              les populations à des déplacements pénibles et longs,
              
              
              car les gabellants étaient forcés d'aller s'approvisionner
              
              
              au grenier duquel ils dépendaient. Les assujettis étaient
              
              
              énumérés sur des registres appelés "sextés",
              
              
              généralement fort mal tenus. On se plaignait aussi de la mauvaise
              
              
              volonté des officiers: les greniers à sel, de la lenteur
              
              
              affectée avec laquelle ils faisaient leur distribution, laissant les
              
              
              malheureux contribuables exposés aux injures de l'air et les forçant
              
              
              souvent à revenir et à perdre un nouvelle journée (tiers
              
              
              de Châtelrault), et surtout de l'habileté traîtresse avec
              
              
              laquelle ils faisaient lentement tomber le sel dans le boisseau de manière
              
              
              à ce qu'il ne se tassât point, qu'il y eut des vides, et qu'on
              
              
              fit un minot (72 litres) avec 65 à 66: c'est ce qu'on appelait "les
              
              
              bons de masse". 
             Le prix de vente varia avec les temps et aussi avec
              
              
              les greniers, les frais de transport étant variables, et aussi les
              
              
              droits attribués aux officiers de ces greniers, ou "droits manuels":
              
              
              le prix d'achat aux marais salants avait aussi longtemps varié, mais
              
              
              il fut fixé par édit de 1711 à la somme immuable de
              
              
              410 livres le muid. On ne peut donc donner que des moyennes. Avant l668,
              
              
              où Colbert diminua un peu les prix devenus excessifs, le minot
              
              
              (48ème partie du muid et pesant environ 100 livres ou un quintal)
              
              
              s'élevait parfois jusqu'à 49 livres 6 sols 6 deniers: sous
              
              
              Louis XVI le prix moyen dans les pays de grande gabelle était de 60
              
              
              à 62 le quintal, soit 12 ou 13 sous la livre: l'Etat vendait donc
              
              
              2880 livres ce qu'il achetait 40; là-dessus les droits manuels emportaient
              
              
              de 41 sous à 51 sous 9 deniers par minot. La consommation moyenne
              
              
              y était estimée par Necker 9 livres un sixième par
              
              
              tête: 6 à 7 dans les pays exposés à la contrebande,
              
              
              10 à 12 et demi dans ceux qui l'étaient moins. 
             Quelques localités des pays de grande gabelle
              
              
              étaient privilégiées: Paris, Versailles, où nulle
              
              
              quantité n'était imposée aux acheteurs: Dieppe,
              
              
              Fécamp, le Havre, Honfleur, où le sel ne coûtait que
              
              
              3 livres l0 sols le quintal: quelques paroisses de la
              
              
              généralité de Soissons, de la Bourgogne, l'élection
              
              
              de Rethel, les villes de Rocroy et de Charteville. Inversement il y avait
              
              
              parfois des crues locales: la Bourgogne, qui rejetait volontiers sur le sel
              
              
              partie de son don gratuit, a payé le sel à partir de 1721
              
              
              jusqu'à 9 livres 10 sols par minot de plus que les autres provinces. 
             Le privilège de franc-salé était
              
              
              un privilège très envié, qui dispensait par exemple
              
              
              de recevoir obligatoirement du sel des collecteurs, et qui permettait de
              
              
              le faire prendre aux greniers à un prix très abaissé,
              
              
              10 livres le minot en pays de grande gabelle, 7 livres en Lyonnais, etc.
              
              
              Il y avait des francs-salés d'attribution, à des officiers
              
              
              tels que secrétaires du roi, payeurs et contrôleurs de rentes,
              
              
              nobles, ecclésiastiques, membres du conseil, officiers des cours
              
              
              souveraines, des chancelleries, etc.; des francs-salés de privilège
              
              
              ou de concession, c'est-à-dire de pure grâce; des francs-salés
              
              
              de gratification ou aumône, ainsi à des communautés
              
              
              religieuses, à des hôpitaux, etc. 
             2°) LES PAYS DE PETITE GABELLE 
             Les pays de petite gabelle étaient le Lyonnais,
              
              
              le Beaujolais, le Mâconnais, la Bresse, le Languedoc, la Provence,
              
              
              le Roussillon, le Velay, le Forez, les élections de Rodez et de Millau
              
              
              dans la généralité de Montauban, partie de la
              
              
              généralité de Riom. Le sel s'y vendait 40 à 42
              
              
              livres le quintal dans le Lyonnais, 24 à 27 en Provence: en moyenne
              
              
              6 à 8 sous la livre, et la consommation par tête, fort
              
              
              supérieure à celle des pays de grande gabelle à cause
              
              
              de la moindre cherté, atteignait sous Necker 11 livres trois quarts. 
             Là aussi existaient des localités
              
              
              privilégiées: Gex, qui s'était racheté, le
              
              
              diocèse de Rieux, les villes de Cette, Aigues-Mortes, Arles, etc. 
             3°) LES PAYS DE SALINES 
             Les pays de salines, ainsi nommés parce qu'ils tiraient leur sel non
              
              
              pas des marais salants de Brouage et du comté nantais, comme les pays
              
              
              de grande gabelle, ni de ceux de la Méditerranée, comme ceux
              
              
              de petite gabelle, mais des salines de Franche-Comté et de Lorraine,
              
              
              Chaux, Salins, Montmorot, Dieuze, Château-Salins, Rozières,
              
              
              etc., payaient le sel tantôt 15 livres le quintal (Franche-Comté),
              
              
              tantôt 26 (Lorraine), tantôt 10 à 12 (Alsace): le prix
              
              
              moyen de la livre variait donc de 2 à 6 sous; la consommation atteignait
              
              
              14 livres. 
             4°) LES PAYS RÉDIMÉS 
             Les pays rédimés (Poitou, Aunis Saintonge, Guyenne, Angoumois,
              
              
              Limousin, Marche, partie de l'Auvergne), où le sel ne coûtait
              
              
              que 6 à 12 livres le quintal, soit en moyenne moins de 2 sous la livre
              
              
              et où la consommation atteignait 18 livres. 
             5°) QUART BOUILLON 
             Il s'agit des régions d'Avranches, de Coutances,
              
              
              de Bayeux, de Pont l'Evêque, etc.. Ce nom venait de ce que les sauneries
              
              
              de ces pays, où l'on faisait bouillir un sable imprégné
              
              
              d'eau de mer, devaient remettre gratis dans les greniers du roi un quart
              
              
              de leur fabrication. Le sel s'y vendait 13 livres le quintal. 
             6°) LES PAYS EXEMPTS 
             Ce sont l'Artois, la Flandre, le Hainaut, le Béarn,
              
              
              la Navarre, petite partie de l'Aunis et de la Saintonge, et surtout Bretagne,
              
              
              où le commerce du sel était libre, et où le prix tombait
              
              
              à 1 liard ou 1 liard et demi la livre en Bretagne, à 1 sou
              
              
              ou 1 sou et demi en Artois. 
             REMARQUES GENERALES 
             Outre le prix trop élevé d'une denrée
              
              
              si nécessaire, le grand vice de la gabelle était
              
              
              précisément cette diversité dans la condition des provinces,
              
              
              telle qu'une différence de prix de un demi-sou par exemple en Bretagne
              
              
              à 12 ou 13 sous dans le Maine, offrait à la fraude une tentation
              
              
              irrésistible. Aussi bien était-elle universellement
              
              
              pratiquée, et trouvait-elle appui dans les châteaux, les
              
              
              chaumières, les couvents même (où il avait fallu
              
              
              prévoir et réglementer les visites des gabelous: un arrêt
              
              
              du conseil ordonnait de prendre la permission de l'évêque
              
              
              diocésain pour pénétrer dans les convents de religieuses,
              
              
              et rendait obligatoire la présence d'un officier de l'élection
              
              
              ou du grenier à sel, ou, en cas d'urgence, assistance du juge des
              
              
              lieux et d'un prêtre habitué de la maison). 
             Tout le monde, y compris même les troupes (d'ailleurs
              
              
              souvent recrutées d'hommes condamnés aux galères pour
              
              
              faux saunage),y compris même quelquefois les commis des fermes, était
              
              
              faux saunier de fait ou d'inclination. Le faux saunage était vraiment
              
              
              dans tous les pays situés au contact des pays exempts et des pays
              
              
              de grande gabelle, et particulièrement dans le Maine, l'Anjou, la
              
              
              Picardie, l'Auvergne, les confins du Dauphiné et de la Savoie, la
              
              
              grande industrie nationale. Il y avait des hommes isolés portant sur
              
              
              eux une charge de 50 à 80 livres de sel, les « portacols »;
              
              
              des femmes, des enfants, des chiens même; il y avait des convois entiers;
              
              
              il y avait des bandes fortement organisées, vigoureusement
              
              
              commandées, faisant volontiers avec les « gapians » ou gabelous
              
              
              exécrés des « heurtements » où elles avaient
              
              
              souvent l'avantage. « Une armée de contrebandiers »,
              
              
              dit le cahier du Tiers de Nemours... « conduits, par leurs moeurs
                
                
                sauvages et par l'habitude de violer la loi à un état qui approche
                
                
                beaucoup de celui de brigand, emploient sans cesse la ruse ou la force pour
                
                
                franchir les barrières. Une armée de commis, dont les moeurs
                
                
                sont à peu près semblables {et l'on ne pourrait pas en
              
              
              trouver d'autres pour faire ce métier) résiste avec un
                
                
                intérêt un peu moins grand, compensé par l'avantage du
                
                
                nombre, mais résiste imparfaitement aux efforts de ces hommes actifs
                
                
                et intrépides. Il n'y a pas de jours qu'il ne se livre des combats...
                
                
                la totalité des crimes commis dans le royaume ne fournit pas autant
                
                
                de galériens ». 
             Les peines étaient terribles: contrebande à
              
              
              pied et sans armes, 200 livres d'amende, et en cas de récidive, six
              
              
              ans de galères; avec chevaux, 300 livres, puis neuf ans de galères;
              
              
              attroupement et en armes, neuf ans de galères et, en cas de
              
              
              récidive, mort; pour les femmes, amende, fouet, marque, bannissement
              
              
              à perpétuité; pour les soldats ou officiers pratiquant
              
              
              le faux saunage ou aidant les faux sauniers, pour les employés de
              
              
              la ferme faisant de même, pour les juges faisant commerce de faux sel,
              
              
              toujours la mort. 
             Les amendes non payées étaient
              
              
              généralement converties en la peine du fouet, ou bien
              
              
              entraînaient détention illimitée dans d'horribles prisons.
              
              
              « Il y a cinq personnes de cette espèce dans les prisons de
                
                
                Thouars », écrivait l'intendant Basville le 14 janvier 1685,
              
              
              « qui y sont depuis cinq ans, accablées de maladies et de
                
                
                misère, et y demeureront toute leur vie s'il n'y est pourvu ».
              
              
              L'ordonnance du 17 février 1685 pour le Languedoc voulait que les
              
              
              acheteurs de faux sel fussent responsables des peines pécuniaires
              
              
              infligées aux faux sauniers, condamnés à assister à
              
              
              leur exécution en cas de condamnation à mort, et envoyés
              
              
              aux galères pour trois ans (article 19). Rien n'y faisait, et Necker
              
              
              rapporte que la contrebande du sel amenait annuellement l'arrestation de
              
              
              deux mille trois cents hommes, de mille huit cents femmes, de six mille six
              
              
              cents enfants, la confiscation de mille cent chevaux et cinquante voitures
              
              
              et trois cents condamnations aux galères. 
             Mais ces rigueurs étaient souvent plus comminatoires
              
              
              que réelles, et Mollien remarquait qu'il y avait une distance énorme
              
              
              entre la loi et l'exécution de la loi. Dans le Maine, par exemple,
              
              
              le fouet pour les femmes était tombé en désuétude,
              
              
              et le faux saunage était pour elles un métier lucratif
              
              
              n'entraînant d'autre inconvénient qu'un passage dans des prisons
              
              
              où la nourriture gratuite et les profits du travail étaient
              
              
              une autre source assurée de gain. Epouvanté du désordre
              
              
              moral dans lequel une lutte constante contre la loi avait plongé ces
              
              
              populations, un directeur venu vers 1780, M. de Chateaubrun, prit à
              
              
              coeur, dans leur intérêt même, de faire exécuter
              
              
              la loi à la rigueur et réussit à diminuer un peu le
              
              
              mal. 
             Aucun impôt n'a été aussi
              
              
              détesté que la gabelle, et c'est avec des cris de colère
              
              
              que les cahiers de 1789, après d'ailleurs les notables de 1787, en
              
              
              réclament la suppression: « Qu'on ensevelisse pour toujours
                
                
                jusqu'au nom de l'infâme gabelle », dit La Jubaudière
              
              
              (sénéchaussée d'Angers), « dont nous ne dirons
                
                
                aucun mot, parce que nous craindrions de n'en pouvoir jamais assez dire pour
                
                
                faire connaître toutes ses injustices, ses vols, ses assassinats et
                
                
                ses crimes ». « L'humanité frémirait », disait Forbonnais, « si on voyait, la liste de tous les
                  
                  
                  supplices ordonnés à cette occasion ». 
             Sources: "Dictionnaire des institutions de la France. XVIIe-XVIIIe siècles"
              
              
              par Marcel Marion, professeur au Collège de France, Paris, éditions
              
              
              Piccard, 1923, pages 247 à 250. 
            
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.