Livre des sources médiévales:
CONDITONS DE VIE DES GALERIENS MALADES
Certains galériens malades n'étaient pas automatiquement
envoyés à l'hôpital. Certains, dont l'état ne
le nécessitait pas, été parqués sur de vieilles
galères désaffectées, ancrées au port. Les conditions
de vie de ces personnes dépassent de beaucoup l'imagination. Voici
ce que nous rapporte Jean Bion, un témoin de l'époque :
Il y a sous le pont à fond de cale un endroit
qu'on appelle la chambre de proue, où on ne respire l'air que par
un trou large de deux pieds en quarré, et qui est l'entrée
par où on descend dans ce lieu. Il y fait aussi obscur le jour que
la nuit. Il y a au bout de cette chambre deux espèces d'échaffauts
sur lequel on met sur le bois seul les malades qui y sont souvent couchés
les uns sur les autres; et quand ils sont remplis, on met les nouveaux venus
sur les cordages. C'est dans ce lieu affreux, où toutes sortes de
vermines exercent un pouvoir despotique que les poux, les punaises y rongent
ces pauvres esclaves sans être inquités, et quand, par l'obligation
de mon emploi, j'y allois confesser ou consoler les malades, j'en étois
rempli, car on ne peut prendre de précaution contre la quantité
qui y fourmille...
Quoy que je prévois que ce récit tombera
entre les mains de quelques personnes délicates qui pourront en concevoir
du dégoût, je diray cependant que pour leurs nécessités
naturelles, ils sont obligés de les faire sous eux. Il y a bien à
la vérité sur chacun de ces taulards une cuvette de bois qu'on
appelle boyaux, mais les malades n'ont pas la force d'y aller, et d'ailleurs
elles sont si malpropres que le choix en est assez inutile. On peut conjecturer
de quelle puanteur ce cachot est infecté; aussi quelque malade que
soit un forçat, il aimeroit mieux demeurer à la chaîne
et expirer sous la fatigue de la rame, s'il en étoit le maître,
que de demander cette retraite. Il y a un chirurgien pour soigner les malades,
et quand on arme une galère, le Roi paye les drogues qu'on embarque;
mais parce qu'elles étoient bonnes, les chirurgiens les revendoient
dans les villes où nous abordions et combien par leurs friponneries
ne périt-il pas de malades ?
Source: "Les galères de France et les galériens protestants
des XVIIe et XVIIIe siècles", de Gaston TOURNIER, Les Presses du
Languedoc, réédition de 1984, chapitre III, pages 109 à
110 - document tiré de la "Relation des tourments qu'on fait souffrir
aux protestants qui sont sur les galères de France" de Jean BION.
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