Le document qui suit a été imprimé à Paris en
            
            
            1618 (et tiré en "fac-similé" à Lyon en 1876). Il relate
            
            
            une punition divine infligée à un protestant qui avait voulu
            
            
            travailler le jour saint de la Fête-Dieu (célébré
            
            
            habituellement le Jeudi qui suit la Trinité, soit dix jours après
            
            
            la Pentecôte): 
           S'il nous estoit permis d'entrer quelquefois dans le
            
            
            profond abisme de la providence divine, et là dedans considérer
            
            
            ses admirables effects, combien d'admirables punitions qui se preparent pour
            
            
            les pechez des mortels, lesquelles si iceux pouvoient voir ou sentir, il
            
            
            ne faut point douter qu'ils ne quittassent aussitost ces vaines voluptez,
            
            
            ces pechez desordonnez, bref se retirassent en quelque lieu, où ils
            
            
            pussent faire le salut de leur ame, et servir tout le long de leurs jours,
            
            
            ce grand Dieu, afin qu'ils pussent quelquefois acquerir l'immortalité
            
            
            et n'encourir les peynes, les supplices, les torments insuportables que ceste
            
            
            divine Providence leur prepare tous les jours, s'ils se comportent mal et
            
            
            se laissent abandonner à toute sorte de peché. 
             Mais que dis-je, quand je parle d'entrer dans cest
              
              
              abisme de la providence de Dieu ? Car certes, comme je peux conjecturer,
              
              
              il ne nous seroit pas possible d'en pouvoir sortir; mais nous pouvons bien
              
              
              considérer ces admirables effects, sans nous précipiter à
              
              
              corps perdu dans cest abisme. 
             Considerons donc, je vous prie, quelle recompense elle
              
              
              donne à ses serviteurs, de quelle joye et liesse elle les comble,
              
              
              lorsqu'ils se donnent du tout à elle, au contraire, de quel supplice
              
              
              elle punit ceux qui se laissent aller à toute vanité de ce
              
              
              monde, et n'ont aucun soin du salut de leur Ame, bref qui n'observent ses
              
              
              commandements. 
             Mettez vous, je vous prie, devant les yeux cet exemple
              
              
              admirable qu'elle nous voulu donner ces jours passez dont nostre histoire
              
              
              faict mention, c'est à sçavoir que le jour de la Feste-Dieu
              
              
              dernière 1618, un homme de la Religion Pretenduë, habitant de
              
              
              la Ville d'Anduse au païs de Gevodan, lequel ayant deux serviteurs ausquels
              
              
              leur ayant commandé, le jour du tres-Sainct et tres-Auguste Sacrement,
              
              
              de prendre la Charrue et les Chevaux pour cultiver quelques fonds; l'un des
              
              
              dicts Serviteurs fust prest à executer le commandement de son Maistre,
              
              
              et s'en va vers le champ: mais la fortune fut telle, que comme il estoit
              
              
              au milieu du chemin, voila un homme d'une admirable beauté qui s'apparoit
              
              
              à ce Serviteur luy demandant où vas-tu maintenant qu'il faut
              
              
              plutost aller à l'Eglise pour sanctifier ce très-Sainct jour,
              
              
              et prier Dieu, si tu vas où tu as destiné, tu y recevra
              
              
              d'intolérables tourments à tout jamais. 
             Ce Serviteur lui respond qu'il s'en alloit par le
              
              
              commandement de son Maistre labourer et cultiver la Terre d'iceluy. Lors
              
              
              cest homme luy dit: Retourne-t-en à la maison, et tu feras bien mieux;
              
              
              car c'est aujourd'huy Feste de Commandement, et une des principales de toute
              
              
              l'Année, au contraire si tu y vas, mal t'en adviendra. Ledit Serviteur
              
              
              tout espouventé de telles parolles qu'il avoit entendu, rebrouce chemin,
              
              
              et s'en retorne en la maison de son Maistre, duquel estant arrivé
              
              
              fut griefvement repris de ce qu'il n'avoit pas obey à ses commandements. 
             L'autre Serviteur qui n'estoit encore parti, se met
              
              
              aussi en chemin pour diligemment executer le commandement de son Maistre,
              
              
              prenant la Charrüe avec les Chevaux: mais voyci le mesme effect de la
              
              
              Providence de Dieu, qui estoit arrivé à son Compagnon; car
              
              
              estant parvenu au mesme lieu, il rencontre le mesme homme que l'autre serviteur
              
              
              avoit trouvé, luy faisant les mesmes remontrances et les mesmes menaces,
              
              
              desquelles prenant par croyance que c'estoit quelque Ange habillé
              
              
              de la forme humaine, envoyé de la part de Dieu, tant à luy
              
              
              qu'à son Compagnon, sans faire résistance, retorna en la maison
              
              
              de son Maistre, où estant luy et son Compagnon furent griefvement
              
              
              reprins: car le Maistre enflammé de colère, les payant d'une
              
              
              nouvelle monnoye les renvoye. 
             Iceluy donc prend la Charrüe avec les Chevaux,
              
              
              et s'achemine pour s'en aller labourer sa Terre; mais ce miserable qui n'avoit
              
              
              creu ses Serviteurs et qui les avoit si griefvement reprins de ce qu'ils
              
              
              n'avoient pas obéï à ses commandements, le voila qu'ils
              
              
              n'eust pas sitost faict la première raye, et voulant se retourner
              
              
              pour commencer l'autre, tout aussitost la terre s'ouvre, et voila le miserable
              
              
              englouti dans icelle jusques aux espaules, n'ayant rien dehors et de libre
              
              
              que les deux bras et la teste, criant incessamment de l'eau, car je brusle,
              
              
              je ressens maintenant les grandes pubitions de Dieu, j'apprends à
              
              
              ceste heure de sanctifier les festes, lesquelles l'Eglise nostre saincte
              
              
              Mere nous commande d'observer perpetuellement. 
             Hélas! miserable où avois je ce courage
              
              
              de violer le Sainct jour, auquel on sanctifie la feste du très-Sainct
              
              
              et très-Auguste Sacrement, auquel les Anges se réjouïssent
              
              
              et chantent une musique en signe de joye et de liesse. J'ay mesprisé
              
              
              ce Sainct jour, ce n'est donc pas merveilles, si maintenant je suis tellement
              
              
              puny de celuy au quel je n'ay pas voulu honorer, mais ay violé ses
              
              
              Sainct Commandements. O pleust à Dieu n'avoir jamais esté né!
              
              
              Car maintenant je ne serois pas si tourmenté que je suis, et ne
              
              
              ressentirois pas les punitions de ce grand Dieu. Je vois bien maintenant
              
              
              quels horribles tourments sa Justice prepare à ceux qui mesprisent
              
              
              et rejettent les Commandements de son Eglise. 
             O que miserables sont ceux qui ne sanctifient pas les
              
              
              Festes que l'Eglise nous enjoint. Ils en ressentiront bientost les punitions
              
              
              de Dieu qui les tourmentera à jamais en ce monde et en l'autre. Viendra
              
              
              le temps que l'on les verra estre un tison d'Enfer pour brusler à
              
              
              tout jamais. Vous les verrez un jour, comme ce malheureux de la Religion
              
              
              Prétendüe, qui a mesprisé ses divins advertissements;
              
              
              ils seront tourmentés d'une estrange façon, et leurs tormens
              
              
              ne prendront jamais fin. 
             Considérez, je vous prie, quel regret a ce pauvre
              
              
              homme, de quel tourment il est perpetuellement agité, comme les Nautoniers
              
              
              qui naviguent sur la Mer, agités des vents et tormente, bref de quel
              
              
              côté qu'ils se tornent, ils sont tousjours suspents de leur
              
              
              vie, et n'en ont aucune esperance. 
             De mesme, il est puni de son execrable peché,
              
              
              et reçoit des tourments les plus cruels qui se peuvent jamais treuver,
              
              
              ny penser, torments qui non seulement l'accompagneront jusques à la
              
              
              fin de ses jours, mais encore le tourmenteront perpetuellement en l'autre
              
              
              monde. Voyez comme il est griefvement puni, lequel voulant faire son profit
              
              
              (comme luy sembloit) a malheureusement encouru l'ire de Dieu; pensant enterrer
              
              
              quelque semence, il s'est lui-même miserablement enterré; pensant
              
              
              recepvoir quelques fruicts de son Champ, il en a reçu du malheur,
              
              
              luy servant de tombeau. Ha! si tu eusses creu Dieu t'advertissant par tes
              
              
              Serviteurs qu'il ne falloit point violer ce Sainct jour, tu n'eusses pas
              
              
              esté traicté d'une si abominable façon, tu n'eusses
              
              
              pas encouru les supplices Eternels, lesquels t'accompagneront à jamais;
              
              
              si tu fusses allé à l'Eglise, au lieu de penser à labourer
              
              
              ton Champ, tu n'eusses reçu les punitions que tu endures maintenant. 
             Voila comme Dieu se venge de ces infidelles; voila
              
              
              comme il se joüe d'iceux; voila comme il les punit en ce monde, leur
              
              
              préparant en l'autre mille regrets, mille angoisses, mille tourments
              
              
              du tout insupportables, lesquels ne finiront jamais. 
             Prenez donc bien garde que telle chose ne vous arrive,
              
              
              car nous sommes tous fragiles: le mesme nous en peust arriver. 
          
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.