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            Formes sous lesquelles les sources
            
            
            diplomatiques
            nous sont parvenues  
           (Notes tirées du "Manuel de Diplomatique" de A. GIRY, Paris, Librairie
            
            
            Hachette et Cie, 1894, pages 10 à 36)  
             
           
           Les actes anciens qui se sont conservés nous sont parvenus soit sous
            
            
            la forme d'originaux (archetypa, autographa), soit
            
            
            sous la forme de copies; il en est aussi dont nous n'avons connaissance que
            
            
            par des analyses plus ou moins détaillées ou même par
            
            
            de simple mentions.  
           Il n'est pas indifférent à la critique de posséder d'un
            
            
            document l'original ou une copie. En présence d'une copie, non seulement
            
            
            elle ne peut pas s'exercer sur les caractéristiques extrinsèques
            
            
            de l'acte, mais elle peut toujours soupçonner la teneur d'avoir subi
            
            
            des altérations. Aussi le diplomatiste doit-il s'imposer la règle
            
            
            absolue de ne faire d'observations destinées à établir
            
            
            la doctrine que sur les originaux.  
           On a depuis longtemps constaté que l'original d'un acte n'est pas
            
            
            nécessairement unique: sans parler de nombre de contrats qu'il a
            
            
  été toujours de coutume de rédiger en autant d'originaux
            
            
            que de parties, il existe beaucoup d'actes dont on a expédié
            
            
            deux ou même plusieurs exemplaires, tous de même teneur,
            
            
            revêtus des mêmes signes de validation, et qui tous par
            
            
            conséquent sont bien au même titre des originaux.  
           Beaucoup d'actes anciens contiennent dans leurs clauses finales la mention
            
            
            qu'ils ont été rédigés à plusieurs
            
            
            exemplaires. Il existe quelquefois aussi dans la teneur, et
            
            
            particulièrement dans les souscriptions des divers originaux d'un
            
            
            même acte, des différences dont il n'est pas toujours facile
            
            
            de rendre raison...  
           Mais il arrive aussi que l'un des exemplaires seul mérite le nom
            
            
            d'original, et que les autres, encore que revêtus de caractères
            
            
            d'authenticité, ont reçu dans la forme quelques modifications
            
            
            et ne sont que des expéditions ou des ampliations: c'est
            
            
            le cas pour certains actes de la chancellerie des rois de France depuis le
            
            
            XIIe siècle dont les ampliations ont été
            
            
            rédigées en forme moins solennelle que l'original.  
           A partir du XIIIe siècle, dans la plupart des chancelleries, les actes
            
            
            dont il était fait plusieurs exemplaires en ont ordinairement gardé
            
            
            l'indication, exprimée par un mot tel que duplicata,
            
            
            triplicata, etc., que l'on écrivait généralement
            
            
            sur le repli.  
           Il importe de ne confondre ni avec les originaux ni avec les copies les minutes des actes. Elles se distinguent des originaux en ce que, la
            
            
            plupart du temps, elles n'ont pas été calligraphiées
            
            
            avec le même soin, mais surtout en ce qu'elles n'ont pas reçu
            
            
            les signes de validation, les mentions, les apostilles dont il était
            
            
            d'usage de revêtir les originaux. Les formules y sont souvent
            
            
            abrégées, les dates peuvent y faire défaut ou ne pas
            
            
            concorder exactement avec celles des originaux; très fréquemment
            
            
            aussi il s'y rencontre des corrections et des ratures. Il faut, en outre,
            
            
            remarquer que la minute d'un acte demeurait dans les archives de l'auteur
            
            
            de l'acte, tandis que l'original provient de celles du destinataire.  
           Les minutes d'actes anciens sont assez rares dans les dépôts
            
            
            d'archives, parce que la plupart ont été détruites
            
            
            après la confection des originaux: dépourvues de tout
            
            
            caractère d'authenticité, elles étaient de nulle valeur
            
            
            juridique. Les archives du Parlement de Paris ont conservé un assez
            
            
            grand nombre de minutes d'actes royaux: quelques unes ont été
            
            
            reproduites pour l'enseignement de l’École des Chartes. Il s'y trouve
            
            
            notamment les minutes d'actes de Philippe VI de 1332 à 1350.  
           Au point de vue historique, les minutes n'ont pas une valeur moindre que
            
            
            les originaux, à condition toutefois d'observer qu'une minute peut
            
            
  être un simple projet, et partant que l'acte qui s'y trouve consigné
            
            
            peut fort bien n'avoir pas reçu son exécution.  
           Au point de vue diplomatique, il faut remarquer que les formes peuvent ne
            
            
            pas y avoir été rigoureusement observées: il serait
            
            
            donc téméraire soit de condamner un tel document parce qu'on
            
            
            y relèverait des irrégularités, soit de s'appuyer sur
            
            
            des particularités de sa teneur pour en tirer des règles de
            
            
            diplomatique.  
           Dès l'époque la plus ancienne, pour éviter de recourir
            
            
            trop souvent aux originaux et les préserver des risques de perte ou
            
            
            des dommages dont une fréquente production les aurait menacés,
            
            
            on en a fréquemment exécuté des copies.  
           Très souvent, particulièrement pendant le haut moyen âge,
            
            
            les copistes non seulement n'ont averti par aucun signe que leur oeuvre
            
            
            n'était qu'une transcription, mais encore ils se sont appliqués
            
            
  à imiter les originaux et à en reproduire toutes les dispositions.
            
            
            Nous nommerons copies figurées celles qui ont été
            
            
            exécutées ainsi.  
           Lorsque ces transcriptions sont à peu près contemporaines des
            
            
            actes qu'elles reproduisent, et faites avec habileté, elles se confondent
            
            
            facilement avec les originaux, dont il importe cependant de les distinguer,
            
            
            car elles sont toujours suspectes d'altérations ou même
            
            
            d'interpolations. Le caractère qui les fait le plus ordinairement
            
            
            et le plus facilement reconnaître est l'absence de signes de validation;
            
            
            mais ce n'est pas un indice absolument sûr, car il est arrivé
            
            
            que les copistes ont reproduit en les imitant les souscriptions, les monogrammes,
            
            
            les paraphes, et même pratiqué au bas de l'acte les incisions
            
            
            qui, dans l'original, marquaient la place du sceau. On ne peut être
            
            
            assuré d'éviter des méprises que par une étude
            
            
            attentive et minutieuse des écritures et de tous les usages des
            
            
            chancelleries.  
           Il faut soigneusement distinguer des copies figurées une autre
            
            
            catégorie de prétendus originaux auxquels nous donnerons le
            
            
            nom d'actes récrits. Ce sont des documents qui,
            
            
            postérieurement à la date qu'ils s'attribuent, et alors que
            
            
            les originaux ou les anciennes copies étaient endommagés ou
            
            
            même perdus, ont été refaits soit à l'aide des
            
            
            débris conservés des originaux, soit d'après d'anciens
            
            
            extraits, des analyses, des mentions ou parfois de simples traditions.  
           Lorsque le rédacteur de tels actes était habile et avait à
            
            
            sa disposition de bons modèles ou d'anciens formulaires, il pouvait
            
            
            donner à ses productions un aspect et des caractères susceptibles
            
            
            de les faire passer pour d'anciennes copies, ou même pour des originaux.  
           Vrais quant au fond, des documents de cette nature sont faux quant à
            
            
            la forme. Lors même que la critique peut arriver à prouver que
            
            
            tel acte ainsi refait a réellement existé, il demeure toujours
            
            
            suspect de contenir dans sa teneur non seulement des anachronismes, mais
            
            
            aussi des clauses et des énonciations qui ne se trouvaient pas dans
            
            
            l'acte primitif.  
           L'histoire peut encore en tirer parti, à condition de le considérer
            
            
            comme une notice historique postérieure aux faits qu'elle rapporte,
            
            
            et de le soumettre comme tel à un contrôle sévère;
            
            
            mais il perd les caractères essentiels qui distinguent les sources
            
            
            diplomatiques.  
           Les documents de cette espèce ne sont pas rares parmi les titres provenant
            
            
            des établissements religieux d'ancienne fondation, et ils ont
            
            
  été généralement fabriqués du Xe au XIe
            
            
            siècle. On sait, en effet, que les troubles et les invasions qui
            
            
            signalèrent la fin de la période carolingienne, ainsi que la
            
            
            condition quasi nomade à laquelle furent réduites alors la
            
            
            plupart des communautés religieuses, causèrent la perte de
            
            
            nombreux documents qu'on s'efforça de reconstituer aussitôt
            
            
            qu'on eut recouvré quelque sécurité.  
           Il y a lieu seulement de s'étonner que les églises, pour renouveler
            
            
            leurs titres perdus, aient eu si fréquemment recours à des
            
            
            moyens aussi grossiers et aussi irréguliers, alors qu'elles avaient
            
            
  à leur disposition un procédé légal, qu'elles
            
            
            ne se firent du reste pas faute d'employer et dont les anciennes archives
            
            
            nous ont conservé d'assez nombreux spécimens. Je veux parler
            
            
            de l'appennis ou praeceptum de chartis perditis. Il y a
            
            
            lieu de signaler ici les documents de cette sorte, car ils nous font
            
            
            connaître la substance d'actes antérieurs qui avaient péri.  
           Dès le IIIe siècle, une constitution de l'empereur Gordien
            
            
            (Cod. Justin., De fide instrum., I, 5) et peut-être plus
            
            
            tard une autre d'Honorius et Théodose (Formul. Arvern., n°1,
            
            
  éd. de Rozière, tome 1, n° 403) avaient prescrit la
            
            
            procédure à suivre pour obtenir la réfection ou le
            
            
            renouvellement de titres perdus.  
           Le demandeur devait obtenir de la curie l'autorisation de rédiger
            
            
            un acte de notoriété remplaçant celui ou ceux qui avaient
            
            
  été perdus. Afin que les tiers puissent faire valoir leurs
            
            
            prétentions, un exemplaire en était affiché sur le
            
            
            marché public (d'où le nom donné à l'acte,
            
            
            appensa, appennis, d'appendere), tandis que l'autre
            
            
            exemplaire, qui devenait le véritable titre, restait entre les mains
            
            
            du demandeur. C'est là le procédé romain dont on retrouve
            
            
            l'application dans un certain nombre d'actes que nous ont conservés
            
            
            les formulaires.  
           Soit par imitation de cette législation, soit parce que les mêmes
            
            
            besoins appellent les mêmes remèdes, les Francs adoptèrent
            
            
            dans les mêmes cas une procédure analogue. Le demandeur adressait
            
            
            au comte ou à l'évêque une requête
            
            
            (plancturia), relatant le témoignage des voisins, en suite
            
            
            de quoi le comte ou l'évêque délivrait une charte
            
            
            (chartula quae vocatur appennis) qui tenait lieu des titres perdus,
            
            
            et dont un exemplaire était affiché.  
           Ce procédé fit place à un troisième qui, après
            
            
            avoir coexisté avec le précédent, prévalut par
            
            
            la suite et fut très fréquemment usité depuis la fin
            
            
            de l'époque mérovingienne: les titres perdus furent remplacés
            
            
            par un diplôme royal confirmatif (Praeceptum de chartis perditis
            
            
            ou combustis). Le demandeur, dans ce cas, au lieu de s'adresser
            
            
            au comte ou à l'évêque la relation constatant la perte
            
            
            des actes dont il sollicitait la réfection, l'envoyait au roi et la
            
            
            chancellerie dressait un acte dont l'exposé rappelait, avec la
            
            
            requête du demandeur, le procès-verbal des vicini,
            
            
            et dont le dispositif confirmait, avec les actes perdus, la propriété
            
            
            des biens dont ils avaient constitué les titres.  
           Plus tard, le procès-verbal constatant la perte fut même jugé
            
            
            inutile, et la requête, transmise par l'intermédiaire d'un grand
            
            
            personnage, suffit à provoquer un acte de réfection et de
            
            
            confirmation des biens que le demandeur avait légitimement (juste
            
            
            et legaliter) possédés. Cette dernière clause,
            
            
            en ouvrant la voie à une revendication éventuelle, dégageait
            
            
            la responsabilité royale et protégeait les droits des tiers,
            
            
            qui auraient pu être lésés si, comme on en a des exemples,
            
            
            le demandeur avait allégué une perte fictive et s'était
            
            
            fait ainsi confirmer des biens à la propriété desquels
            
            
            il n'avait jamais eu de titres. De pareils actes ne subissant plus l'affichage,
            
            
            ne furent plus appelés appennes, mais praecepta de chartis
            
            
            perditis ou combustis, et plus fréquemment par la suite
            
            
            panchartae, pantochartae.  
           Le nombre des titres anéanties par suite des guerres, des invasions,
            
            
            des pillages et des incendies fut considérable jusqu'à la fin
            
            
            du Xe siècle, aussi les diplômes confirmatifs de titres perdus
            
            
            dans ces conditions sont-ils assez abondants.  
           Il y a lieu d'observer au sujet des documents de ce genre que, si l'on doit
            
            
            croire sur la foi de leur teneur qu'ils rapportent la substance d'actes beaucoup
            
            
            plus anciens, on ne saurait cependant faire remonter avec certitude à
            
            
            l'époque du titre primitif aucune des dispositions, aucune des clauses
            
            
            qu'ils renferment. La date même du titre primitif reste presque toujours
            
            
            incertaine, et lors même qu'elle est fixée approximativement
            
            
            dans le diplôme confirmatif par un nom de souverain, elle n'est pas
            
            
  à l'abri de toute contestation, car on sait que la tradition a souvent
            
            
            mis sur le compte du principal bienfaiteur d'une abbaye les
            
            
            libéralités de ses prédécesseurs et de ses
            
            
            successeurs.  
           Il y a plus, cette mention que les titres confirmés ont été
            
            
            perdus, détruits ou volés, semble s'être à la
            
            
            longue figée en une formule banale et vaine, dont les rédacteurs
            
            
            inconscients de diplômes confirmatifs se sont parfois servis, sans
            
            
            que cela répondit à la réalité, dans les actes
            
            
            qu'ils écrivaient. C'est le cas pour un certain nombre de confirmation
            
            
            de l'époque post-carolingienne où l'on rencontre des mentions
            
            
            de ce genre. Dans tous les cas, les confirmations générales,
            
            
            dans lesquelles sont énumérés les biens et les
            
            
            privilèges des concessionnaires, en ont retenu le nom de pancartes qu'elles ont porté jusqu'à la fin du moyen âge.  
           Un assez grand nombre de documents ne nous sont connus que par les confirmations postérieures dont ils ont été l'objet.
            
            
            L'usage de demander la confirmation d'actes gracieux, soit aux héritiers
            
            
            successifs des auteurs de ces actes, soit à une autorité
            
            
            supérieure, remonte à l'antiquité et s'est
            
            
            perpétué pendant tout le moyen âge. Ces confirmations
            
            
            relatent, avec plus ou moins de précision et d'exactitude, la substance
            
            
            des actes confirmés; elles en renferment parfois la copie intégrale,
            
            
            d'autres fois n'en donnent que des extraits, des analyses ou même de
            
            
            simples mentions.  
           Pendant la première partie du moyen âge et jusqu’au commencement
            
            
            du XIIIe siècle, il a été universellement d’usage de
            
            
            mentionner succinctement, au début d’une confirmation, l’acte ou les
            
            
            actes confirmés en indiquant le nom ou les noms de leurs auteurs (parfois
            
            
            aussi, on se contente d’exprimer que la concession est du à des rois
            
            
            antérieurs, anteriores reges), puis de reproduire, plus ou
            
            
            moins textuellement, la teneur de la dernière confirmation, mais sans
            
            
            faire jamais mention expresse de cet emprunt, sans jamais avertir des
            
            
            modifications, suppressions ou additions faites au texte antérieur,
            
            
            et enfin de remplacer simplement le protocole final et notamment la date
            
            
            de l’acte confirmé par un nouveau protocole et une date nouvelle.  
           Il nous est ainsi parvenu des confirmations, émanant des derniers
            
            
            carolingiens ou même des premiers rois capétiens, qui relatent
            
            
            des actes remontant par des confirmations successives jusqu’aux rois
            
            
            mérovingiens. Lorsqu’on en possède la série à
            
            
            peu près ininterrompue, on peut constater que le texte primitif,
            
            
            d’abord assez fidèlement reproduit, subit cependant à la longue
            
            
            des altérations, tantôt légères et insensibles,
            
            
            parfois brusques et plus profondes, mais sans que jamais aucune mention en
            
            
            prévienne le lecteur.  
           Il suit de là que, si le titre confirmé n’existe plus, on peut
            
            
            bien présumer que l’acte confirmatif en a conservé en partie
            
            
            la teneur, mais il est à peu près impossible de soupçonner
            
            
            quelles modifications elle a dû subir, et dès lors on ne saurait
            
            
            en bonne critique attribuer avec certitude aucune des dispositions de la
            
            
            confirmation à la concession primitive.  
           Parfois certaines dispositions de l’acte primitif, expressément
            
            
            modifiées ou abrogées plus tard, se sont conservées
            
            
            longtemps telles quelles dans les confirmations successives. C’est ainsi
            
            
            qu’il n’est pas rare de rencontrer dans les pancartes, confirmant ou
            
            
  énumérant les possessions d’un monastère, la mention
            
            
            de biens depuis longtemps aliénés.  
           Cela s’explique très naturellement par l’habitude de recopier, souvent
            
            
            machinalement et sans s’enquérir des modifications qui avaient pu
            
            
            se produire, les titres que l’on confirmait. Des erreurs de cette espèce
            
            
            ne doivent donc faire suspecter en rien l’authenticité des actes où
            
            
            on les rencontre, mais elles montrent qu’on ne saurait accorder une confiance
            
            
            absolue à toutes les dispositions des actes confirmatifs.  
           Certains actes qui sont en réalité des confirmations ne renferment
            
            
            aucune expression qui puisse leur faire attribuer ce caractère, et
            
            
            bien que, comme les précédents, ils reproduisent en partie
            
            
            la teneur d’actes antérieurs, ils ne contiennent aucune allusion à
            
            
            ces actes (le fait est surtout fréquent pour les chartes communales
            
            
            - XIIe et XIIIe siècle -; beaucoup de confirmations de chartes de
            
            
            coutumes s’expriment comme si elles étaient la concession primitive).  
           Il est clair que dans ce cas la preuve que l’on a affaire à une
            
            
            confirmation ne peut résulter que du rapprochement de l’acte
            
            
            confirmé. A défaut de ce texte, on ne pourrait même tirer
            
            
            aucun indice du style de l’acte, car il pourrait avoir été
            
            
            copié sur un ancien formulaire ou calqué sur un document analogue.  
           Avant de réputer faux un acte dont le style archaïque semble
            
            
            constituer un anachronisme, il faut donc toujours se demander s’il n’est
            
            
            pas possible de présumer soit qu’il reproduit la teneur d’un acte
            
            
            ancien, soit qu’il a été copié sur un ancien formulaire.  
           Quand on publie un acte confirmatif et que l’on connaît l’acte
            
            
            confirmé, il faut toujours distinguer dans l’édition ce qui
            
            
            est original de ce qui ne l’est pas et le rendre sensible par quelque artifice
            
            
            typographique, en imprimant par exemple en plus petit texte tout ce qui a
            
            
  été textuellement emprunté à l’acte primitif.  
           Les procédés de confirmation qu’on a décrits substituaient
            
            
            en réalité un acte nouveau au document confirmé. La
            
            
            teneur de l’acte primitif passait, il est vrai, pour la plus grande partie,
            
            
            dans la confirmation, mais dépouillée, modifiée ou
            
            
            altérée, soumise en un mot à la rédaction de
            
            
            l’ace nouveau.  
           Loin d’avoir pour objet de conserver les actes anciens, les confirmations
            
            
            tendaient à en annuler la valeur en créant des titres nouveaux,
            
            
            et nous leur devons probablement la perte de plus d’un diplôme.
            
            
            Lorsqu’il s’agissait non pas d’obtenir une confirmation, mais de produire
            
            
            ou de communiquer un acte, il semble qu’on se soit longtemps contenté,
            
            
            lorsqu’on ne voulait pas se dessaisir de l’original, de ces copies,
            
            
            figurées ou non, mais dépourvues d’authenticité, dont
            
            
            il a été question plus haut.  
           Le développement, l’organisation et la complication des formes de
            
            
            la justice et de l’administration firent sentir, au XIIe siècle,
            
            
            l’insuffisance et l’imperfection de ce mode de procéder. Dès
            
            
            les premières années de ce siècle, on trouve en effet,
            
            
            insérée dans certains actes et annoncée par une formule
            
            
            la transcription intégrale d’autres actes. En 1108, par exemple, les
            
            
  évêques de Limoges et d’Angoulême rapportent
            
            
            intégralement, y compris la date, dans un acte par lequel ils investissent
            
            
            l’abbé de Saint-Martial du monastère d’Anzème, la bulle
            
            
            du pape Pascal II en vertu de laquelle ils agissent.  
           On appliqua le même procédé aux confirmations: en 1158,
            
            
            le roi de France Louis VII, confirmant à l’église Saint-Julien
            
            
            de Brioude l’immunité qui lui avait été concédée
            
            
            par Charles le Chauve en 874, inséra dans cet acte le diplôme
            
            
            de son prédécesseur, mais en en retranchant encore le protocole
            
            
            initial.  
           Les formules annonçant ces transcriptions ne se fixèrent que
            
            
            peu à peu et comportèrent toujours, du reste, de nombreuses
            
            
            variantes. Pendant longtemps, l’ancienne forme des confirmations persista
            
            
            concurremment avec la nouvelle. Il arriva aussi que l’on se borna à
            
            
            reproduire des extraits de l’acte à confirmer, mais en annonçant
            
            
            expressément la transcription; d’autres fois, au lieu de reproduire
            
            
            purement et simplement le document primitif, on transposa le temps des verbes
            
            
            de manière à donner à la citation la forme indirecte.  
           L’usage dura assez longtemps d’annoncer les transcriptions insérées
            
            
            dans les confirmations par une formule telle que: Hoc est praeceptum,
            
            
            haec est carta, haec est continentia curia. Sous Philippe
            
            
            Auguste, l’usage commence à prévaloir d’attester que l’on a
            
            
            lu et examiné l’acte dont la teneur suit: Noverint universi...
            
            
            quod nos... legimus et inspeximus, ou nos legisse et inspexisse.
            
            
            Plus tard on employa de préférence en France le mot
            
            
            vidimus ou vidisse qui, fréquent déjà
            
            
            dans les actes de Louis IX, devint une formule dans la chancellerie royale
            
            
  à partir du XIVe siècle. De là le nom qui fut donné
            
            
            dès cette époque aux documents de cette espèce: on les
            
            
            appela des vidimus; d’où les juristes firent au XVIe siècle
            
            
            le verbe vidimare et en français "vidimer". L’acte transcrit
            
            
            dans un vidimus fut l’acte vidimé. On a dit aussi au moyen âge
            
            
            des vidisse, mais ce terme n’a point passé en français.  
           Nous conserverons aux actes de cette catégorie le nom de vidimus, consacré par l’usage, et nous définirons
            
            
            l’acte ainsi désigné: l’expédition authentique d’un
            
            
            document sous la garantie d’une autorité constituée.  
           A partir du XIIIe siècle, les vidimus sont extrêmement abondants
            
            
            et nous ont conservé un grand nombre de documents anciens que nous
            
            
            ne connaîtrions pas sans eux. Les chancelleries souveraines
            
            
            délivrèrent des vidimus pour confirmer des actes antérieurs.
            
            
            Certains rois imaginèrent d’en faire un instrument de fiscalité:
            
            
            les privilèges concédés par un souverain ne furent
            
            
            réputés valables qu’à la condition d’avoir été
            
            
            vidimés et confirmés par le roi régnant. De là
            
            
            les nombreux vidimus de vidimus, qu’on pourrait dire élevés
            
            
            parfois à la 6e ou 7e puissance, dont l’acte primitif occupe le centre,
            
            
            tandis que les formules successives, initiales et finales, sont comme
            
            
            enchâssées les unes dans les autres.  
           Les autorités laïques et ecclésiastiques, les officiers
            
            
            publics, les notaires rédigèrent à la requête
            
            
            des intéressés, des vidimus pour conserver un double authentique
            
            
            d’actes dont on craignait la destruction pour permettre la production en
            
            
            justice ou ailleurs de documents des originaux desquels on ne voulait pas
            
            
            se dessaisir; les agents de l’administrations employèrent ce
            
            
            procédé pour notifier à qui de droit les actes de
            
            
            l’autorité, les mandataires relatèrent leurs pouvoirs sous
            
            
            cette forme. Bref, on fit des vidimus dans tous les cas où il y eut
            
            
            intérêt à rapporter intégralement des documents
            
            
            antérieurs dans un acte authentique.  
           Les formules dans lesquelles l’acte vidimé fut inséré
            
            
            varièrent naturellement suivant les circonstances. L’annonce de la
            
            
            transcription fut presque toujours assez simple dans les actes émanés
            
            
            des souverains, c’est à peine si l’on y ajouta parfois la mention
            
            
            que l’acte antérieur était scellé; mais dans la plupart
            
            
            des cas, la teneur du document reproduit fut suivie des formules de
            
            
            confirmations.  
           Les vidimus des seigneurs et des évêques sont parfois aussi
            
            
            accompagnés de clauses de ce genre. Au contraire les vidimus
            
            
            délivrés sous le sceau des officiers publics ne se terminent
            
            
            jamais ainsi; ils ne pouvaient pas avoir en effet de valeur confirmative.
            
            
            En revanche, l’annonce de la transcription y est en général
            
            
            assez développée. On y mentionna d’abord que l’acte vidimé
            
            
  était revêtu du sceau de son auteur; on observa souvent que
            
            
            le sceau était authentique et entier. Plus tard on spécifia
            
            
            fréquemment le mode de suspension et la couleur du sceau, lorsque
            
            
            ces particularités furent en relation avec la nature des actes. On
            
            
            ajouta souvent que les lettres étaient saines et entières,
            
            
            qu’elles ne portaient pas de ratures, qu’elles n’avaient été
            
            
            ni abolies ni cancellées, qu’elles n’étaient viciées
            
            
            en aucune de leurs parties, qu’elles n’étaient en rien suspectes,
            
            
            qu’elles avaient été soigneusement examinées et qu’on
            
            
            les transcrivait intégralement. Les clauses finales sont au contraire
            
            
            très brèves; l’auteur de l’acte se borne généralement
            
            
  à annoncer que, à la requête des intéressés,
            
            
            pour valider le vidimus, il l’a scellé de son sceau.  
           Ces formules, qui n’eurent jamais une fixité absolue, comportaient
            
            
            diverses variantes dictées par les circonstances:  
          
            -  lorsque, par exemple, l’auteur du vidimus le délivrait à la
              
              
              relation d’un clerc, d’un notaire, d’un tabellion ou d’un substitut, ce qui
              
              
              était mentionné dans l’annonce de la transcription, et dans
              
              
              la formule finale; 
 
            -  lorsque le vidimus avait pour objet la notification de l’acte vidimé; 
 
            -  lorsque l’acte vidimé était une commission, un pouvoir, une
              
              
              délégation; 
 
            -  lorsque l’on se bornait à reproduire un extrait de l’acte vidimé; 
 
            -  lorsque l’acte avait pour objet l’acceptation ou la ratification pour l’une
              
              
              des parties d’un compromis, d’un arbitrage, d’un règlement, etc. 
 
           
           On trouve dans les vidimus, sauf exceptions, la reproduction intégrale
            
            
            (de verbo ad verbum) d’actes antérieurs. Assez souvent les scribes
            
            
            y ont poussé la recherche de l’exactitude jusqu’à reproduire
            
            
            la disposition des souscriptions et des signes qui les accompagnent - parmi
            
            
            les vidimus faits avec le plus d’exactitude, il faut citer la plupart de
            
            
            ceux qui ont été rédigés dans la chancellerie
            
            
            apostolique -, mais cette exactitude est en général plus apparente
            
            
            que réelle et ne doit pas faire croire que ces transcriptions ont
            
            
            toujours été faites avec soin; c’est plutôt le contraire
            
            
            qui serait vrai: les erreurs et les omissions du fait de l’ignorance et de
            
            
            la négligence des copistes n’y sont pas rares; presque toujours ils
            
            
            ont rajeuni la langue des actes anciens, très souvent ils ont
            
            
            défiguré les noms propres. Aussi, en dépit de leur
            
            
            caractère authentique, les textes que l’on trouve dans les vidimus
            
            
            sont-ils en général forts médiocres. Plus l’acte
            
            
            vidimé est ancien par rapport au vidimus, moins il y a de chances
            
            
            que la transcription soit correcte; cette incorrection s’accroît
            
            
            naturellement à chaque nouvelle copie dans les vidimus successifs
            
            
            dont il a été question plus haut.  
           De même le caractère authentique d’un vidimus ne peut rien faire
            
            
            présumer sur l’authenticité de l’acte vidimé, alors
            
            
            même que cette authenticité serait affirmée dans
            
            
            l’annonce de la transcription ou les clauses finales. Aussi bien, le nombre
            
            
            des actes notoirement faux, vidimés comme authentiques, est
            
            
            considérable. En somme, l’existence d’une copie vidimée ne
            
            
            peut apporter qu’un élément à la critique d’un acte
            
            
            suspect: la preuve que ce document existait antérieurement à
            
            
            la date du vidimus.  
           Extrêmement nombreux jusqu’à la fin du XVe siècle, les
            
            
            vidimus deviennent plus rares dès les premières années
            
            
            du XVIe siècle et sont remplacés peu à peu par des actes
            
            
            d’une forme un peu différente que nous nommerons copies
              
              
              authentiques.  
           Dès le XIIIe siècle on rencontre, dans les documents du midi
            
            
            de la France, des copies de chartes, délivrées par des notaires
            
            
            publics et annoncées par des formules telles que Hoc est exemplum
            
            
            sive translatum cujusdam carte cujus tenor talis est, et suivies d’une
            
            
            sorte de certificat d’authenticité.  
           L’usage de délivrer des copies authentiques sous une forme analogue
            
            
            se propagea en France au cours du XIIIe siècle et remplaça
            
            
            de plus en plus fréquemment la forme des vidimus, dans les juridictions
            
            
            royales, seigneuriales et ecclésiastiques. Ces copies débutent
            
            
            généralement par les mots datum per copiam ou en
            
            
            français Donné pour copie, placés en tête
            
            
            du document, et généralement accompagnés de la date
            
            
            de la transcription et de l’annonce du sceau de la juridiction sous la garantie
            
            
            de laquelle elle est délivrée.  
           Les copies de cette espèce (copia, transcriptum,
            
            
            translatum, transsumptum) furent peu à peu
            
            
            employées dans tous les cas où la loi ne prescrivait pas, dans
            
            
            un intérêt fiscal, la forme du vidimus, dans tous les cas aussi
            
            
            où la reproduction d’un acte ne devait pas avoir valeur confirmative;
            
            
            elles finirent même par se substituer complètement aux vidimus
            
            
            au cours du XVIe siècle.  
           Il est inutile d’énumérer ici les formules diverses usitées
            
            
            autrefois par les notaires et les officiers publics pour donner aux copies
            
            
            le caractère authentique qui devait leur assurer une valeur juridique,
            
            
            car, au point de vue de la critique, ce caractère
            
            
            d’authenticité ne saurait plus avoir aucun intérêt: il
            
            
            ne garantit en effet ni l’authenticité du document transcrit, ni
            
            
            même la fidélité de la copie.  
           Un très grand nombre des documents du moyen âge nous sont parvenus
            
            
            transcrits dans des recueils de date plus ou moins reculée. Ceux de
            
            
            ces recueils où l’on trouve copiées des séries de documents
            
            
            provenant des archives d’un établissement, d’une corporation, d’une
            
            
            famille, d’un individu, sont appelés cartulaires (Cartularium, parfois Pancarta, et, dans le latin des
            
            
  érudits Codex diplomaticus).  
           Il faut observer, au passage, que le mot cartularium ou
            
            
            chartularium se rencontre parfois dans les auteurs du moyen âge
            
            
            pour chartarium avec le sens de chartrier, d'archives. On a dit
            
            
            aussi chartologium.  
           La plupart des cartulaires qui nous sont parvenus proviennent des
            
            
  établissements ecclésiastiques (évêchés,
            
            
  églises, abbayes, prieurés, etc.), mais il s’est conservé
            
            
            aussi en grand nombre des cartulaires municipaux, des cartulaires
            
            
            d’hôpitaux, de seigneuries, quelques cartulaires d’universités,
            
            
            de collèges, de confréries, de corporations marchandes ou
            
            
            industrielles et de familles.  
           Si l’on voyait des cartulaires dans les Chartarum tomi dont parle
            
            
            Grégoire de Tours (Hist. Fr., l. X, c. 19), au VIe siècle
            
            
            - il semble toutefois plus probable que cette expression désigne des
            
            
            manuscrits de papyrus -, il en faudrait conclure que l’existence de recueils
            
            
            de ce genre est fort ancienne, ce qui n’a rien que de vraisemblable; mais
            
            
            les plus anciens qui nous sont parvenus sont du Xe siècle; ils sont
            
            
            déjà plus nombreux au XIe siècle, plus nombreux encore
            
            
            au XIIe et abondent à partir du XIIIe siècle. Toutes les
            
            
  églises, tous les monastères, la plupart des villes, pour mettre
            
            
            ordre à leurs affaires, pour assurer la conservation de leurs
            
            
            privilèges, de leurs droits, de leurs titres de propriétés
            
            
            et pour éviter de recourir sans cesse aux originaux, les firent copier
            
            
            dans des cartulaires et les multiplièrent à l’envi.  
           Quoique le nombre des cartulaires conservés est considérables,
            
            
            nous ne possédons cependant que la moindre partie de ceux que les
            
            
  églises avaient fait exécuter. Nous savons, par les mentions
            
            
            ou les citations qui en ont été faites, que certaines abbayes
            
            
            n’en possédaient pas moins de quarante à cinquante; il est
            
            
            vrai que la plupart de ces recueils contenaient les mêmes documents
            
            
            et que d’autres étaient des cartulaires spéciaux à certains
            
            
            droits ou à certains domaines.  
           Certaines cours souveraines ou seigneuriales, et en particulier les chambres
            
            
            des comptes, qui avaient dans leurs attributions l’administration des domaines,
            
            
            firent recueillir dans des séries de cartulaires tous les documents
            
            
            qui pouvaient servir à maintenir ou à revendiquer les
            
            
            privilèges et les droits domaniaux.  
           La plupart des cartulaires se présentent à nous sous forme
            
            
            de registres, composés de cahiers de parchemin à
            
            
            l’époque ancienne et, jusqu’au XVIIe siècle, souvent aussi
            
            
            de cahiers de papier depuis le XVe siècle. Il en est cependant qui
            
            
            consistent en rôles ou rouleaux (rotuli), formés de
            
            
            feuilles de parchemin cousues bout à bout.  
           Dans quelques cartulaires anciens, les copies ont été
            
            
            intercalées dans un récit, ou accompagnées de notes
            
            
            historiques qui constituent en quelque sorte une chronique ou des annales
            
            
            de l’établissement. C’est le cas, par exemple, pour le plus ancien
            
            
            cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin, de Saint-Omer, écrit vers
            
            
            962 par le moine Folquin et intitulé par lui Gesta abbatum
            
            
            Sithiensium.  
           Certains de ces recueils participent à la fois des caractères
            
            
            des chroniques et de ceux des cartulaires, à ce point qu’il est difficile
            
            
            de savoir dans laquelle de ces deux catégories de documents il faut
            
            
            les ranger.  
           Ce sont là toutefois des oeuvres exceptionnelles: la plupart des
            
            
            cartulaires se composent exclusivement de chartes, qui ne sont
            
            
            séparées les unes des autres que par des titres ou des analyses
            
            
            plus ou moins développées. Parfois seulement ils débutent
            
            
            par une espèce de préface, exposant dans quelles circonstances
            
            
            et par les soins de quel personnage ils ont été entrepris.
            
            
            Il en est ainsi du moins jusqu’à la fin du XIIIe siècle; mais
            
            
  à partir de cette époque, il arriva parfois que, pour donner
            
            
            aux transcriptions un caractère légal d’authenticité
            
            
            et leur assurer une valeur juridique, afin de pouvoir produire le cartulaire
            
            
            en justice au lieu et place des originaux, on prit la précaution de
            
            
            le faire vérifier par des notaires publics et d’accompagner chaque
            
            
            acte de certificats analogues à ceux sont il a été question
            
            
            plus haut.  
           Dans certains cartulaires on s’est contenté d’un seul procès-verbal
            
            
            de collationnement placé en tête ou à la fin du volume.
            
            
            Les cartulaires ainsi dressés sont nombreux à partir du milieu
            
            
            du XIIIe siècle; et à la fin du XVIIIe siècle encore
            
            
            l’archiviste de Saint-Bertin, don Ch. Dewitte, faisait parapher à
            
            
            chaque page et authentiquer par deux notaires royaux le "Grand cartulaire
              
              
              de l’abbaye de Saint-Bertin" qu’il avait composé.  
           Dans la plupart des cartulaires les actes sont disposés en ordre
            
            
            méthodique: tout d’abord les privilèges généraux
            
            
            des papes, des souverains (empereurs ou rois), des archevêques ou
            
            
  évêques, des seigneurs, etc.; puis viennent les titres des
            
            
            propriétés, généralement classées
            
            
            topographiquement. Très souvent les premiers compilateurs avaient
            
            
            ménagé, à la fin de chaque division, des feuillets blancs
            
            
            destinés à recevoir les actes postérieurs. Leurs successeurs
            
            
            les y ajoutèrent en respectant d’abord l’ordre primitif, puis sans
            
            
            ordre et au hasard de la place restée libre, lorsque quelques-uns
            
            
            des espaces laissés vides furent comblés.  
           On rencontre aussi quelques cartulaires où les pièces sont
            
            
            classées chronologiquement, mais c’est l’exception et ce sont en
            
            
            général des recueils ou bien antérieurs à la
            
            
            seconde moitié du XIIe siècle, ou postérieurs au XIVe.  
           La plupart des abbayes, en dehors de leurs cartulaires généraux,
            
            
            en formaient qui été relatifs à certaines catégories
            
            
            d’actes. Nous possédons par exemple le cartulaire des serfs (Liber
            
            
            de servis Majoris Monasterii) et le cartulaire pour le Dunois (Bib.
            
            
            nat. ms. lat. 12874), de l’abbaye de Marmoutiers, le cartulaire des acquisitions
            
            
            de l’abbaye de Wissembourg (Traditiones possessionesque
            
            
            Wissenburgenses), le cartulaire censier de l’église de Metz,
            
            
            etc.  
           Fréquemment les cartulaires étaient désignés
            
            
            soit par des noms qui rappelaient quelque particularités de leur aspect,
            
            
            le nom de leur auteur ou de celui qui avait présidé à
            
            
            leur exécution, soit plus simplement par les lettres de l’alphabet.
            
            
            C’est ainsi que la commune de Bordeaux avait le Livre des bouillons,
            
            
            celle de Saint-Quentin le Livre rouge; l’abbaye de Saint-Martin de
            
            
            Tours, la Pancarte noire, la Pancarte rouge, la Pancarte
              
              
              blanche.  
           Il en est des actes transcrits dans les cartulaires comme de ceux qui sont
            
            
            rapportés dans les vidimus ou conservés par des copies
            
            
            isolées; le fait qu’un acte a été transcrit dans un
            
            
            cartulaire ne saurait en aucune manière en garantir ou même
            
            
            en faire présumer de l’authenticité. Il incombe à la
            
            
            critique de les apprécier et de porter un jugement sur chacun d’eux.
            
            
            Toutefois les irrégularités qu’on rencontre dans la teneur
            
            
            des actes transcrits dans les cartulaires ne sont pas une présomption
            
            
            de falsification. Plus encore que les scribes des vidimus, les rédacteurs
            
            
            des cartulaires ont pris avec les actes qu’ils copiaient, et surtout avec
            
            
            les actes anciens, les plus grandes libertés.  
           Il y a eu sans doute des copistes de cartulaires consciencieux et exacts;
            
            
            quelques-uns ont pris soin de respecter dans leurs transcriptions toutes
            
            
            les particularités du style, de la langue et même de
            
            
            l’orthographe des actes anciens (ex.: cartulaire de l’abbaye de Lezat); certains
            
            
            d’entre eux se sont même appliqués avec plus ou moins de
            
            
            succès à reproduire par le dessin les sceaux dont étaient
            
            
            revêtus les originaux; mais ce sont là des exceptions.  
           Sans parler des fautes d’inadvertance, nombreuses dans beaucoup de cartulaires
            
            
            de toutes les époques, on peut constater dans nombre de ces compilations,
            
            
            et particulièrement dans celles qui sont antérieures au XIIIe
            
            
            siècle, que leurs rédacteurs ont souvent fait subir aux actes
            
            
            des modifications profondes. Presque toujours ils en ont rajeuni
            
            
            l’orthographe et le style, n’hésitant jamais à substituer aux
            
            
            formes barbares, si intéressantes pour l’histoire de la langue des
            
            
            formes plus correctes, défigurant les noms propres, quelquefois avec
            
            
            l’intention de les rapprocher des formes de leur temps, modifiant les tournures
            
            
            de phrases lorsqu’elles leur paraissaient fautives.  
           Ce qui est plus grave encore, c’est qu’ils se sont souvent permis
            
            
            d’allonger ou d’abréger les actes, de transformer les chartes en notices
            
            
            en les résumant et en les faisant passer du style direct au style
            
            
            indirect.  
           Il y a des cartulaires entiers dont les actes ont subi ce remaniement; on
            
            
            les appelle quelquefois des Cartulaires-notices. Réciproquement,
            
            
            les rédacteurs des cartulaires ont parfois transformé une notice
            
            
            en charte solennelle, en y ajoutant un préambule et en substituant
            
            
            le style direct au style indirect.  
           A certaines formules qu’ils trouvaient vieillies et passées de mode,
            
            
            ils en substituaient de nouvelles, d’autres fois, ils développaient
            
            
            le texte même des actes en en précisant les énonciations;
            
            
            ils trouvaient bon d’y insérer des clauses de réserve ou de
            
            
            garantie, y ajoutaient mention de confirmations postérieures,
            
            
            intervertissaient l’ordre des témoins, en supprimaient ou même
            
            
            en ajoutaient de nouveaux; souvent enfin, ils modifiaient les dates, en
            
            
            interprétaient les éléments chronologiques et y
            
            
            substituaient des formules de datation nouvelles. On peut concevoir combien
            
            
            de semblables altérations sont susceptibles de dérouter la
            
            
            critique.  
           Il n’a été question jusqu’ici que des compilations qui
            
            
            méritent vraiment le nom de cartulaires. Il convient d’ajouter quelques
            
            
            mots sur les recueils auxquels ce nom a été attribué
            
            
            abusivement.  
           On a formé parfois, dans le midi de la France particulièrement,
            
            
            des recueils de pièces originales, réunies ensemble sous une
            
            
            reliure: il est arrivé aussi que l’on a recueilli et rassemblé
            
            
            de même d’anciennes copies de chartes, authentiques ou non, extraites
            
            
            pour la plupart de dossiers de procédure. Les recueils factices de
            
            
            ce genre, lorsqu’ils sont formés de pièces provenant d’un
            
            
            même fonds, sont souvent désignés sous le nom de cartulaires,
            
            
            mais improprement.  
           C’est aussi par abus que l’on a fréquemment donné ce nom à
            
            
            des registres ou à des copies de registres officiels dont il sera
            
            
            question plus loin. Les documents connus par exemple sous le nom de Cartulaires de Philippe Auguste sont des registres de chancellerie
            
            
            et non pas des cartulaires. Il est vrai qu’un long usage a ici en quelque
            
            
            sorte consacré cette appellation.  
           Beaucoup d’érudits ont, par analogie, nommé cartulaire des
            
            
            recueils de chartes formés par eux et publiés, d’après
            
            
            des originaux ou des copies. C’est ainsi que nous avons un Cartulaire
              
              
              général de l’Yonne, un Cartulaire roussillonnais,
            
            
            un Cartulaire lyonnais, un Cartulaire général de
              
              
              Paris, etc. Cette dénomination est d’autant moins justifiée,
            
            
            particulièrement dans les exemples cités ici, que ces publications
            
            
            se composent de documents auxquels manque l’unité de provenance,
            
            
            caractère essentiel des anciens cartulaires. Il vaut mieux nommer Recueils de chartes les compilations de cette espèce.  
           Enfin, il est à propos de noter ici que le terme cartulaire a eu aussi
            
            
            au moyen âge une acception différente de celle qui a été
            
            
            indiquée plus haut. Il a désigné, dans le midi de la
            
            
            France et en Italie, dès le XIIIe siècle pour le moins, les
            
            
            registres sur lesquels les notaires devaient écrire les minutes des
            
            
            actes qu’ils étaient chargés de dresser.  
           Les chroniqueurs ont assez souvent inséré dans leurs ouvrages
            
            
            des chartes qu’ils nous ont ainsi conservées. Il en est de ces documents
            
            
            comme de ceux qui sont transcrits dans les cartulaires. Ils ont fréquemment
            
            
            subi des altérations de même nature, et souvent une analyse
            
            
            s’est substituée au texte primitif; parfois aussi l’auteur a pu, dans
            
            
            l’intérêt de la cause qu’il défendait, leur faire subir
            
            
            des remaniements et des interpolations, sinon même les fabriquer de
            
            
            toutes pièces. Pour en apprécier la valeur, la critique
            
            
            diplomatique doit donc ici ajouter aux ressources qu’elle cherche dans la
            
            
            teneur même des actes, des renseignements, empruntés à
            
            
            l’historiographie, sur le degré de confiance que méritent
            
            
            l’ensemble de l’oeuvre et son auteur.  
           Un nombre considérable de documents nous sont parvenus transcrits
            
            
            dans des recueils qu’on a parfois confondu avec les cartulaires ou rangés
            
            
            dans la même classe bien qu’ils s’en distinguent nettement; je veux
            
            
            parler des Registres.  
           L’usage d’enregistrer certains actes remonte à l’antiquité.
            
            
            Les registres publics (gesta municipalia) qui, dans chacun des municipes
            
            
            romains, recevaient l’insinuation des actes privés, furent tenus
            
            
            jusqu’au début des temps barbares aussi longtemps que vécurent
            
            
            les curies qui en avaient la garde. Aucun de ces registres ne nous est parvenu,
            
            
            et, en dehors des prescriptions législatives, il n’en a substitué
            
            
            la trace que dans les formules d’insinuation qui survivent jusqu’au Xe
            
            
            siècle dans certains contrats aux formalités dont elles
            
            
            prescrivaient l’accomplissement. Il n’en est rien resté non plus des
            
            
            registres du même genre, rétablis au XIIe siècle dans
            
            
            le midi de la France sous l’influence du droit romain.  
           Nous avons conservé, en revanche, un grand nombre de registres de
            
            
            chancellerie. Les lettres écrites par les papes furent transcrite
            
            
            dans des registres officiels dès une époque très
            
            
            reculée; ces premiers recueils sont perdus ou il n’en subsiste que
            
            
            des fragments qui ne reproduisent qu’imparfaitement les registres primitifs;
            
            
            mais à partir du pontificat d’Innocent III, les archives du
            
            
            Saint-Siège ont conservé la série presque complète
            
            
            des registres de la chancellerie pontificale.  
           Ce fut vers le même temps que l’usage de garder copie de certains des
            
            
            actes expédiés au nom des princes se répandit dans les
            
            
            chancelleries des souverains de l’Europe. La plupart du temps des registres
            
            
            furent destinés à cet usage; en Angleterre, on se servit longtemps,
            
            
            au lieu de registres, de rouleaux ou rôles de parchemin.  
           Ce n’est pas ici le lieu d’étudier la question de savoir comment se
            
            
            faisait cet enregistrement, si c’était d’après la minute ou
            
            
            l’expédition, et quels étaient les actes qui devaient être
            
            
            enregistrés; ce qu’il suffit de noter, c’est que nous devons aux
            
            
            séries de recueils de ce genre, qui se trouvent dans les grandes archives
            
            
            de l’Europe, la conservation d’actes innombrables. Ces transcriptions
            
            
            n’étaient à l’abri ni des omissions, ni de toutes les fautes
            
            
            qui peuvent provenir de la négligence des copistes; mais, à
            
            
            la différence des documents copiés dans les cartulaires, ceux
            
            
            que l’on rencontre dans les registres des chancelleries sont d’une
            
            
            authenticité certaine. Il en faut excepter, bien entendu, les actes
            
            
            de date antérieure qui peuvent y avoir été
            
            
            insérés exceptionnellement. Ces copies ne sont pas toutefois
            
            
            identiques aux originaux; les formules en sont ordinairement abrégées
            
            
            et remplacées par des « etc. », et les dates même
            
            
            présentent parfois avec celles des originaux des différences
            
            
            légères.  
           Avec le temps les registres de chancelleries ne furent pas seuls à
            
            
            recevoir la transcription des actes des souverains: les cours souveraines
            
            
            ouvrirent des registres destinés à enregistrer certains actes
            
            
            de l’autorité royale. Bientôt toutes les autorités, toutes
            
            
            les juridictions, contentieuses ou gracieuses, tous les corps constitués
            
            
            en vinrent à consigner dans des registres, leurs actes, leurs jugements,
            
            
            leurs décisions, leurs délibérations. Les registres
            
            
            de justice et de délibération, ceux des notariats et des
            
            
            tabellionnages, se sont conservés pour ainsi dire innombrables dans
            
            
            toute l’Europe; les plus anciens remontent au XIIIe siècle; ils sont
            
            
            déjà extrêmement nombreux au XIVe siècle; ce sont
            
            
            des mines inépuisables de renseignements que les archives mettent
            
            
  à la disposition des historiens.  
           Une dernière catégorie de recueils nous a conservé bon
            
            
            nombres d’anciens documents; ce sont les anciens Formulaires. Il y aura lieu
            
            
            d’en reparler plus loin; je me bornerai à observer ici que si les
            
            
            compilateurs de ces recueils ont presque toujours réuni pour les proposer
            
            
            comme modèles des actes véritables, ils en ont presque toujours
            
            
            aussi retrancher une partie de ce qui pouvait leur donner une valeur historique:
            
            
            noms propres, énonciations particulières, dates, etc. Nous
            
            
            verrons cependant qu’il est souvent possible de les utiliser en vue de
            
            
            l’histoire et de la critique.  
           La trace de beaucoup de documents perdus ou détruits se peut retrouver
            
            
            dans des inventaires antérieurs à l’époque où
            
            
            ils ont disparu. Les anciens inventaires d’archives sont donc une source
            
            
            d’information qu’il ne faut pas négliger, et d’autant moins que les
            
            
            mentions mêmes de chartes qui se sont conservées peuvent apporter
            
            
  à la critique un utile secours. Les dépôts d’archives
            
            
            n’ont guère cessé d’être l’objet de travaux de ce genre,
            
            
            et il subsiste de très anciens inventaires de certains d’entre eux.
            
            
            Les documents y sont parfois l’objet d’analyses assez détaillées,
            
            
            mais tous, les plus anciens comme ceux qui ne remontent qu’aux dernières
            
            
            années de l’ancien régime, ont été faits au point
            
            
            de vue exclusif des droits utiles; ils ont en conséquence
            
            
            relégué souvent au second plan ou même omis des documents
            
            
            que les historiens auraient eu le plus grand intérêt à
            
            
            connaître. Il suit de là qu’il ne serait pas légitime
            
            
            de conclure de l’absence de mention d’un document dans un inventaire ancien
            
            
  à la non-existence de ce document à la date où
            
            
            l’inventaire a été exécuté.  
           
          Livre des sources médiévales:  
              SOMMAIRE 
           
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.  
          These sources are now part of the Internet Medieval Sourcebook.  
           
                  
 
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