(...)
            
             Joseph Delaunay, au nom du comité de surveillance : "C'est
              
              
              encore de la Commune de Paris dont je viens vous parler au nom du comité
              
              
              de sûreté générale et de la commission extraordinaire.
              
              
              Quelque étrange qu'il soit qu'une section de la république
              
              
              appelle chaque jour l'attention des représentants d'un grand peuple,
              
              
              cependant, telle a été son influence dans la révolution,
              
              
              qu'elle a communiqué un mouvement presque général, que
              
              
              sa marche a été suivie dans plusieurs départements,
              
              
              et que le projet de décret que nous vous présentons relativement
              
              
              aux arrestations faites en vertu des mandats d'arrêts décernés
              
              
              par les comités de surveillance de la Commune, et des sections de
              
              
              Paris, doit être une loi générale pour les villes où
              
              
              des arrestations semblables se sont multipliées d'une manière
              
              
              alarmante pour la liberté publique et individuelle. 
             Un grand nombre de personnes ont été arrêtées
              
              
              depuis le 10 août; elles ont adressé au corps législatif
              
              
              plusieurs pétitions, par lesquelles elles demandent à être
              
              
              provisoirement relâchées; elles se fondent sur ce que la loi
              
              
              n'ayant pas attribué aux comités de surveillance et des sections
              
              
              de Paris, le droit redoutable de lancer des mandats d'arrêts, et sur
              
              
              ce que n'étant pas coupable des délits dont on les accuse,
              
              
              leur arrestation ne peut être qu'un acte illégal d'un pouvoir
              
              
              tyrannique; ils ajoutent que s'ils réclament d'être mis en
              
              
              liberté provisoirement, ce n'est pas pour se soustraire à la
              
              
              justice, mais au fer des assassins, et qu'ils tremblent à chaque instant
              
              
              d’éprouver dans les prisons le sort de ceux qu'ils y ont remplacés.
              
              
              Le corps législatif ayant déterminé postérieurement
              
              
              à ces réclamations comment et dans quels cas les
              
              
              municipalités doivent exercer le droit de mandat d'arrêt, vos
              
              
              comités ont cru qu’ils devaient moins examiner si dans le droit la
              
              
              Commune et les sections ont pu lancer des mandats d'arrêts, qu'examiner
              
              
              si les faits et les délits qui en sont la base sont de nature à
              
              
              y donner lieu. 
             D'ailleurs, dans les temps de révolution, il faut juger
              
              
              révolutionnairement et les hommes et les moyens. Souvent on est
              
              
              réduit à céder par prudence, et à conduire le
              
              
              désordre pour le prévenir, et dans ces moments de troubles
              
              
              et de terreurs, au milieu des crises, des dangers et des menaces, à
              
              
              la suite d'une révolution qui bouleverse les anciens rapports, on
              
              
              est obligé d'employer des mesures fortes et extraordinaires qui ne
              
              
              sont pas dans la loi, que la nécessité des conjonctures commande,
              
              
              et sur lesquelles il faut ensuite par prudence jeter un voile épais. 
             Je ne parle ici que des hommes qui ont fait la révolution du 10
              
              
              août. Je ne leur fais pas l'injure de les confondre avec les lâches
              
              
              brigands du 2 septembre, qui l'auraient déshonorée si toutefois
              
              
              la cause de la liberté pouvait être souillée par les
              
              
              crimes de quelques vils scélérats. D'abord j'observe qu'à
              
              
              l'époque des meurtres commis dans les prisons, on conduisit en
              
              
              l'église de Sainte-Catherine, et ailleurs, les infirmes, les fous,
              
              
              et la plupart de ceux qui étaient condamnés à une
              
              
              détention par le tribunal de police correctionnelle, et par les autres
              
              
              tribunaux criminels. Lorsque le calme a commencé à renaître,
              
              
              ils ont été transférés des lieux où ils
              
              
              avaient été mis en sauvegarde, à Sainte-Pélagie,
              
              
              à Bicêtre et dans les autres prisons de Paris. 
             Ces translations ont été faites en conséquence des ordres
              
              
              donnés par la Commune; ainsi, quoique les arrestations aient
              
              
              été présentées à vos comités comme
              
              
              un acte illégal d'un pouvoir arbitraire, ils n'y ont vu que des actes
              
              
              de prudence et de sûreté; ils croient qu'il n'y a pas lieu à
              
              
              délibérer sur la demande en liberté provisoire des personnes
              
              
              précédemment condamnées par les tribunaux à des
              
              
              détentions plus ou moins longues, en raison de la gravité des
              
              
              délits; il faut que leur jugement s'exécute, ou que, pour le
              
              
              faire réformer, ils usent des moyens indiqués par la loi. 
             Par rapport à ceux qui lors et depuis ont été
              
              
              arrêtés, les uns sont prévenus de délits ordinaires,
              
              
              tels qu’excès, vols et escroqueries; et les autres, en petit nombre,
              
              
              sont accusés de délits relatifs à la révolution.
              
              
              Vos comités croient qu'il ne faut pas relâcher provisoirement
              
              
              les personnes prévenues de délits ordinaires; il faut les renvoyer
              
              
              devant les tribunaux qui doivent en connaître. 
             Quant aux personnes arrêtées comme suspectes d'incivisme, et
              
              
              comme prévenues de délits contre-révolutionnaires, nous
              
              
              pensons qu'il serait extrêmement dangereux de les mettre provisoirement
              
              
              en liberté, sans avoir préalablement scruté leur conduite
              
              
              dans ses rapports avec les conspirateurs du dedans et du dehors. Les
              
              
              scellés ont été apposés sur leurs papiers. Il
              
              
              est très important d'examiner leurs correspondances. Nous croyons
              
              
              avec d'autant plus de raison à la possibilité de trouver dans
              
              
              cet examen des lumières utiles, que les opinions de la plupart des
              
              
              détenus ne sont pas équivoques. Ce sont des écrivains
              
              
              marqués dans la révolution par un incivisme scandaleux; ce
              
              
              sont des agents de la liste civile; ce sont des femmes attachées aux
              
              
              émigrés, et chargées de leur correspondance. 
             Il ne faut pas se le dissimuler, la surveillance la plus active est encore
              
              
              nécessaire. Le comité de sûreté générale
              
              
              est instruit par une série de faits incontestables que les agitateurs,
              
              
              que la horde royaliste, et tous les ennemis de la chose publique, dispersés
              
              
              d'abord par la terreur, cherchent aujourd'hui un point de ralliement, et
              
              
              osent concevoir de criminelles espérances. Il importe de suivre les
              
              
              ramifications de cette vaste conjuration, et de ne négliger aucun
              
              
              moyen d'en connaître et les plans et les complices. 
             Cependant il faut concilier ce que commandent et la sûreté
              
              
              générale et les droits de citoyen. Un Français ne peut
              
              
              être tenu de faire le sacrifice, même momentané, de la
              
              
              liberté, que lorsque le salut public l'exige impérieusement;
              
              
              or, comme dans le nombre des personnes détenues depuis le 10 août,
              
              
              comme suspectes d'incivisme, il peut s'en trouver dont une plus longue
              
              
              arrestation ne serait pas suffisamment motivée sous ce rapport, nous
              
              
              pensons que le comité de surveillance doit être autorisé
              
              
              à se faire remettre par la Commune et par les sections les
              
              
              interrogatoires, les pièces et les papiers des détenus, pour,
              
              
              après l'examen qu'il en fera, être statué en connaissance
              
              
              de cause, sur la liberté ou sur la détention des prévenus. 
             Quant aux craintes que les événements passés inspirent,
              
              
              il est de l'intérêt et de la dignité de la Convention
              
              
              nationale de les dissiper, et de prouver à la France et à l'Europe
              
              
              que la personne des individus, innocents ou coupables jetés dans les
              
              
              prisons de Paris, est aussi sacrée que celle des autres citoyens,
              
              
              et qu'étant sous la protection de la loi, les assassiner, c'est assassiner
              
              
              la loi même. Il faut que nous périssions ici, ou que le règne
              
              
              des lois renaisse, que l'anarchie expire, et que la hache révolutionnaire
              
              
              ne soit plus dans les mains des scélérats un instrument de
              
              
              terreur, de crime et de vengeance. En effet, si le gouvernement ne devait
              
              
              marcher qu'accompagné d'insurrection, si les scènes d'horreur
              
              
              qui se sont passées sous nos yeux devaient se renouveler, si
              
              
              l'autorité des représentants du peuple pouvait être un
              
              
              jour avilie ou méconnue, si la force publique pouvait être
              
              
              égarée ou anéantie, la société serait
              
              
              dissoute, et il ne nous resterait qu'à gémir sur les ruines
              
              
              de la liberté. 
             Sans doute un moment d'anarchie fut nécessaire pour consommer la ruine
              
              
              de nos ennemis; mais ce qui assure le triomphe de la plus belle cause qui
              
              
              fut jamais peut la perdre sans retour, s'il se prolonge au-delà de
              
              
              la limite assignée par la nécessité des conjectures;
              
              
              et il est très évident, pour quiconque a étudié
              
              
              la marche des choses et le caractère des hommes, que vos
              
              
              déterminations doivent principalement porter sur le rétablissement
              
              
              de l’ordre, sur le renouvellement de l'esprit de subordination, sur les moyens
              
              
              de rendre la vigueur aux autorités, et d'empêcher qu'une seule
              
              
              goutte de sang humain ne coule sous un autre glaive que sous celui de la
              
              
              loi. Si vous manquiez de ce fondement essentiel à l'édifice
              
              
              que vous allez élever, tous vos travaux s'évanouiraient comme
              
              
              une ombre vaine, et il ne vous resterait de vos veilles que la douleur d'invoquer
              
              
              encore une autre représentation nationale, qui ne réussirait
              
              
              pas mieux que vous à sauver le peuple et à fonder la liberté;
              
              
              car que peut l’autorité contre la force érigée par des
              
              
              hommes pour qui toute constitution aura toujours l'impardonnable défaut
              
              
              d'établir une autorité publique et de les assujettir à
              
              
              des lois ?" 
             (On applaudit.) 
             (La Convention ordonne l’impression de ce rapport). 
             (Delaunay lit un projet de décret qui est adopté en ces termes
              
              
              : « La Convention nationale décrète que le comité
              
              
              de sûreté générale est autorisé à
              
              
              se faire rendre compte des arrestations relatives à la révolution
              
              
              du l0 août, de prendre connaissance de leurs motifs, de se faire
              
              
              représenter la correspondance des personnes arrêtées;
              
              
              et généralement toutes les pièces tendantes, ou à
              
              
              leur justification, ou à donner la preuve des délits dont ils
              
              
              sont accusés, pour en faire le rapport à la Convention nationale,
              
              
              pour, par elle; être pris telle détermination qu'elle jugera
              
              
              convenable »). 
             (...) 
              
          
          Livre des sources médiévales: [xyxy]: text sources from the now defunct Arisitum website. Contact Paul Halsall, halsall@murray.fordham.edu if any text is here improperly.